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      Et si le taux de réussite en franchise était infondé ?

      Tribune publiée le 25 avril 2012 par Rodolphe GALY-DEJEAN
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      Ancien franchisé, Rodolphe Galy-Dejean s’interroge sur les fondements de la position française concernant le taux de réussite des franchisés, généralement considéré comme supérieur à celui des entrepreneurs isolés.

      “Le taux de réussite (ou taux de survie à 5 ans1) des entreprises franchisées est de 90 % alors que celui des entrepreneurs isolés n’est que de 50 %”. Ce type d’argument marketing est utilisé depuis des décennies en France et à l’étranger par les franchiseurs et leurs promoteurs. En 2005, aux Etats-Unis, le président de l’International Franchise Association (IFA) l’a officiellement déclaré trompeur.

      L’argument du taux de réussite en franchise semble confirmer une évidence et il a aujourd’hui acquis le statut de vérité indissociable de la création d’entreprise en franchise. Pour le président de l’IFA, continuer à laisser penser que cet argument est vrai, peut “induire en erreur les futurs franchisés qui tentent de mener des enquêtes sérieuses”.

      Des chiffres contestés

      En avril 2012, si les acteurs français faisant la promotion de la franchise sont toujours unanimes pour mettre en avant l’importante supériorité du taux de réussite des franchisés sur celui des entrepreneurs isolés, ils sont en revanche divisés sur sa valeur : pour l’APCE  il est de 95 %, pour la CCI de Lyon il est de 90 %, pour la FFF il est de 80 %, pour d’autres encore il est de 85 %. Ces chiffres seraient issus d’études (que j’ai vainement cherché à consulter pour le moment) financées ou réalisées par l’Insee ou la Fédération Française de la Franchise.

      Aux USA, l’US Department of Commerce aurait mené des études sur les réseaux de franchise. Avant d’être suspendues en 1987, ces études auraient mis en évidence un taux de réussite des franchisés très supérieur à celui des entrepreneurs isolés (source : IFA). Au début des années 90, des chercheurs indépendants ont contesté la réalité de ce taux. En 2002, la Small Business Administration (agence fédérale américaine chargée du développement des entreprises) a à son tour reconnu son absence de fondement. Et en 2005, le président de l’IFA, a adressé une lettre aux franchiseurs pour les exhorter à cesser de faire valoir des informations [relatives au taux de réussite en franchise] désuètes et potentiellement trompeuses”.

      Un argument en question

      Dans The Economics of Franchising2, on peut lire : “Les statistiques vont à l’encontre du discours de la presse spécialisée et de la perception générale relative à la sécurité financière qui est associée à l’investissement en franchise. Investir en franchise s’avère n’être pas plus sûr qu’investir dans d’autres activités : les taux de défaillance, aussi bien des franchiseurs que des franchisés, sont très semblables à ceux des entreprises indépendantes”.

      La multiplicité des avis des acteurs français sur le taux de réussite en franchise laisse penser que ces avis reposent davantage sur des impressions que sur des études. Cette constatation suscite plusieurs questions : des études indépendantes sur le sujet ont-elles vraiment été réalisées en France ? De quand datent-elles ? L’argument du taux de survie en franchise utilisé en France n’aurait-il pas été importé des USA dans les années 70-80 ?

      Rodophe Galy-Dejean est l’auteur du livre “Devenir franchisé : ce qu’on ne vous dit pas !”.

      1Le taux de survie des entreprises à n années est la proportion d’entreprises créées ou reprises une année donnée qui existent toujours lors de leur nième anniversaire.

      2The Economics of Franchising, by Roger D. Blair and Francine Lafontaine, Cambridge University Press, 2005, page 52.