L’auteur invite les franchiseurs à se montrer prudents et à ne pas excéder leurs obligations légales quant à la transmission de comptes d’exploitation prévisionnels à leurs futurs franchisés.
Il existe, en matière de franchise, une croyance relativement répandue selon laquelle le franchiseur doit, en application de son obligation d’information précontractuelle, remettre au candidat franchisé un compte d’exploitation prévisionnel lui permettant d’entrevoir le chiffre d’affaires qu’il sera à même de réaliser s’il décide de rejoindre le réseau.
De fait, on retrouve ce type de document dans les DIP d’un nombre non négligeable d’entreprises du commerce organisé.
Pour autant, cette pratique particulièrement tenace procède d’une mauvaise connaissance de la législation.
On rappellera en effet que la loi Doubin et son décret d’application n’ont jamais fait mention d’une obligation à la charge de la tête de réseau d’avoir à transmettre à ses candidats de prévisionnel chiffré.
Cette absence d’obligation, maintes fois confirmée par les Tribunaux (par exemple : Cour d’Appel de Versailles 15 février 2001), découle fort logiquement du fait que le contrat de franchise est conclu entre deux personnes indépendantes, autonomes et assumant l’une et l’autre les risques de leur entreprise.
A ce titre, le franchiseur ne peut et ne doit s’engager sur des chiffres dont il n’a pas la maîtrise puisqu’ils dépendent en grande partie de l’implication et des qualités professionnels du franchisé ainsi que de facteurs économiques extérieurs.
Cependant, lorsque le franchiseur va délibérément au delà de ses obligations en communiquant à son candidat un compte d’exploitation prévisionnel, il s’expose à voir sa responsabilité engagée en cas d’inexactitude substantielle.
En effet, les juges n’hésitent pas à condamner les têtes de réseaux et à prononcer la résolution de contrats pour dol dans des occurrences ou la décision du franchisé a été manifestement obtenue au moyen de prévisionnels grossièrement erronés (Cour de cassation, Chambre commerciale, 6 mai 2003).
On citera un arrêt particulièrement instructif de la Cour d’appel de Montpellier qui prononce la résolution d’un contrat de franchise au motif que le franchisé a été trompé par la remise de documents prévisionnels faisant ressortir « des perspectives de gains chimériques » (Cour d’appel de Montpellier, 27 novembre 2007).
En réalité, la remise de comptes d’exploitation prévisionnels ne rend service ni au franchiseur ni au franchisé.
Le premier prend des risques importants en spéculant sur la réussite d’un partenaire qui demeure maître de son entreprise.
Le second en prend tout autant en ne procédant pas, de lui-même, à une analyse approfondie du potentiel de sa future activité.
Les franchiseurs doivent par conséquent s’abstenir de mettre en œuvre cette pratique qui excède leurs obligations légales.
Reste que, pour permettre au candidat franchisé de se livrer avec l’aide de son expert-comptable à une analyse pointue et pertinente, le franchiseur pourra néanmoins lui remettre des données chiffrées à caractère indicatif.
En pratique, il s’agira des chiffres réalisés par des unités implantées dans des zones de chalandise comparables à celle proposée au candidat ou de la moyenne du chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des unités du réseau.
Mais, dans tous les cas, le franchiseur devra entourer la communication de ces informations de toutes les réserves nécessaires en sorte d’éviter les incompréhensions.