Une décision de la Cour d’appel de Paris, passée inaperçue, remettrait-elle en cause l’obligation d’information pré-contractuelle des franchiseurs à l’égard des candidats ? Un spécialiste s’interroge…
En près de vingt années d’existence, la loi Doubin – devenue article L 330-3 du Code de commerce – n’a cessé d’alimenter les rubriques « jurisprudence » de la presse spécialisée. Ce texte prévoit que toute personne qui met à la disposition d’une autre un signe distinctif et exige d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue de lui transmettre, avant la signature du contrat, une information sincère lui permettant de s’engager en connaissance de cause.
Par un arrêt récent et passé presque inaperçu, la Cour d’appel de Paris retient une approche résolument restrictive de la notion d’exclusivité d’activité, réduisant sensiblement le champ d’application de la loi (Cour d’appel de Paris, 27 septembre 2007, n° 262/07).
Il en résulte une interrogation volontairement provocatrice : les franchiseurs ont-ils encore intérêt à remettre un document d’information précontractuelle à leurs candidats franchisés ?
Dans le cas d’espèce, la tête de réseau avait conclu avec son affilié un «contrat de groupement de consultants» selon lequel ledit affilié se voyait concéder l’usage d’une enseigne ainsi qu’une zone territoriale exclusive hors de laquelle il s’interdisait d’intervenir.
Par ailleurs, le contrat prévoyait une clause prohibant à l’affilié d’exercer toutes activités concurrentes à celles exercées dans le cadre du réseau.
Pour autant, aucun document d’information précontractuelle n’avait été remis avant la signature du contrat.
Considérant avoir été trompé par la tête de réseau, l’affilié décidait de l’assigner, invoquant notamment la violation de l’article L 330-3 et le vice du consentement en découlant.
Suivi en première instance, il était finalement débouté en appel. En effet, la Cour devait estimer que, limitant l’exclusivité d’activité aux seules activités exercées au sein du réseau et autorisant l’exercice par l’affilié d’activités non concurrentes, le contrat n’entrait pas dans le champ d’application de l’article L 330-3 du Code de commerce, dispensant ainsi la tête de réseau d’avoir à remettre un DIP au candidat.
Au moment où la Cour de Cassation semble retenir le principe de l’indemnisation des clauses de non-concurrence post contractuelles en franchise, au mépris de la nécessaire protection du savoir-faire, l’on pourrait se féliciter de l’élan de souplesse que ce jugement insuffle au profit des têtes de réseaux.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue le rôle essentiel et bénéfique pour les franchiseurs de l’information précontractuelle.
En effet, elle participe depuis sa création à l’apurement de la profession de franchiseur, décrédibilisée par le passé par quelques scandales retentissants et c’est d’ailleurs en ce sens, notamment sous l’impulsion de la FFF, que la loi Doubin a été votée.
Au demeurant, la Cour de Paris semble ne pas être en phase avec l’approche de la Cour de cassation qui admet pour sa part l’application de l’article L 330-3 en présence d’une clause se limitant à interdire « une activité concurrente [à celle du réseau] ou susceptible de l’être » (Cour de cassation, 24 septembre 2003, n° de pourvoi : 01-11595) estimant qu’il s’agit dans ce cas d’une quasi exclusivité d’activité, elle aussi visée par le texte.
Nonobstant la décision de la Cour de Paris – qui au demeurant est surprenante en fait, s’agissant d’informations d’apparence légère transmises à l’affilié- je ne saurais qu’inciter les franchiseurs à s’astreindre au parfait respect de la loi Doubin, dès lors que leur contrat intègre une exclusivité d’activité, même limitée.