Pour la première fois, le 15 mars dernier, la Cour de cassation a invalidé une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière dans un contrat qui n’était pas un contrat de travail…
« Au visa de l’article 1131 du Code civil relatif à l’exigence d’une cause à l’obligation et du principe fondamental de la liberté du travail, la Cour de cassation (Cass. Com. 15 mars 2011) a jugé que la clause de non-concurrence stipulée dans un pacte d’actionnaires et applicable à un actionnaire, par ailleurs salarié de la société à laquelle le pacte est applicable, devait comporter une contrepartie financière, outre qu’elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et l’espace, et qu’elle doit tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié. » Quel rapport avec les contrats de franchise ?
C’est la première fois que la Cour de cassation invalide une clause de non-concurrence ne comportant pas de contrepartie financière insérée dans un contrat autre qu’un contrat de travail.
Certes, cela ne signifie pas que les clauses de non-concurrence devront à l’avenir comporter une contrepartie financière dans les contrats de franchise, dans la mesure où la Cour de cassation a pris soin de motiver son arrêt en exposant que c’est l’insertion de la clause de non-concurrence dans le pacte d’actionnaires plutôt que dans le contrat de travail qui a constitué un détournement de l’exigence d’une contrepartie financière aux clauses de non-concurrence imposées aux salariés. Ainsi, la portée de cette jurisprudence demeure limitée aux salariés.
Cela signifie que les clauses de non-concurrence stipulées dans les contrats de franchise ne seront plus efficaces en cas d’application de l’article L. 7321-2 du Code du travail à ces contrats, dès lors qu’elles ne comportent aucune contrepartie financière.
Rappelons que cet article permet, tout en laissant subsister le contrat de franchise, au gérant de la société franchisée, de solliciter le bénéfice des dispositions du droit du travail dès lors que : le local a été fourni ou agréé par le franchiseur, lequel est le fournisseur exclusif du franchisé et fixe soit les conditions de travail, soit les prix, en droit ou en fait.
Ces conditions se trouvent fréquemment réunies en pratique, en particulier dans les contrats de commission-affiliation, et l’on voit déjà poindre les stratégies des franchisés qui disposent désormais d’un nouvel argument judiciaire pour faire valoir ce statut afin de se trouver déliés de la clause de non-concurrence stipulée à leur contrat de distribution. Face à ce risque, les franchiseurs doivent toujours mieux chercher à se prémunir contre les applications de l’article L. 7321-2 du Code du travail à leurs contrats.
Ils doivent aussi conserver à l’esprit qu’un courant général en jurisprudence porte une exigence de plus en plus grande de proportionnalité entre les restrictions à la liberté du commerce et à la libre entreprise imposées par la clause de non-concurrence, et la nécessité de protéger leurs intérêts : préservation du savoir-faire et conservation de parts de marché. La recherche de cet équilibre s’apparente à la quête d’un Saint Graal et comporte bien des incertitudes judiciaires.
Plus que jamais, il est donc indispensable de protéger ses signes distinctifs et les supports exprimant le savoir-faire grâce aux techniques de la propriété intellectuelle et au contrat lui-même, en dehors de la clause de non-concurrence, comme de renforcer les clauses permettant de contrôler le périmètre du réseau.