Dans un jugement du 12 juin 2015, le Tribunal de commerce de Nice a annulé les contrats de deux franchisées pratiquant l’épilation par lumière pulsée. « Un rappel à l’ordre », estime l’auteur, avocate spécialisée dans le conseil aux franchisés.
Le jugement rendu le 12 juin 2015 par le Tribunal de commerce de Nice est un rappel à l’ordre. La dépilation définitive, par l’utilisation de la technologie de la lumière pulsée, a le vent en poupe. Les réseaux de franchise se développent tous azimuts sur le secteur, sans se soucier de la règlementation applicable.
Les arguments des franchiseurs sont alléchants : « La technique révolutionnaire de la lumière pulsée permet la dépilation définitive en seulement 5 séances. Un CA de 300 k€ dès la première année, avec seulement une cabine et deux personnes. Une absence de saisonnalité et un traitement de toutes les peaux ». De quoi attirer les candidats à la franchise, exploitants ou investisseurs.
Un arrêté ministériel de 1962 interdit la pratique aux non-médecins
Le franchiseur se garde bien d’indiquer aux candidats que le concept de la lumière pulsée est réservé aux seuls médecins, ce qui interdit à une esthéticienne d’exploiter le concept. L’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 fixe la liste des actes médicaux qui ne peuvent être pratiqués que par des médecins, des auxiliaires médicaux ou des directeurs de laboratoires d’analyses médicales non médecins : « Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine, conformément à l’article L.372(1°) du Code de la santé publique, les actes médicaux suivants : (…)Tout mode d’épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire (…) ».
En conséquence, toute utilisation d’appareil de lumière pulsée pour pratiquer des épilations définitives, par des personnes qui ne sont ni médecin, ni auxiliaire médical, ni directeur de laboratoires d’analyses médicales, constitue le délit d’exercice illégal de la médecine (article L.6141-1 du Code de la santé publique).
En application de ce texte, la cause du contrat de franchise est illicite en ce qu’elle engendre une activité illicite. Vainement, les franchiseurs prétendent que les textes seraient totalement obsolètes et que les règles auraient été dictées à une époque où la lumière pulsée n’existait pas.
Deux contrats de franchise annulés « pour cause d’objet illicite »
Plusieurs décisions de justice ont jugé que l’arrêté du 6 janvier 1962 conservait sa pleine efficacité. Ainsi, la Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 1er février 2007, a jugé : « Le principe ainsi posé d’interdiction générale de l’activité d’épilation par toute personne qui n’a pas la qualité de médecin a pour conséquence nécessaire que seuls les deux procédés compris dans l’exception peuvent être pratiqués par ces personnes, à l’exclusion de tout autre procédé, même si, comme le laser, il n’existait pas à l’époque de la prise de l’arrêté ministériel et de sa dernière modification. En effet, par ces textes, le pouvoir règlementaire a entendu non pas dresser une liste des moyens d’épilation dont l’usage serait autorisé aux personnes qui ne sont pas médecin, mais de leur interdire en principe tout mode d’épilation. Dès lors, il importe peu que l’utilisation du laser pour pratiquer l’épilation n’ait pas existé à ces dates puisque l’interdiction étant posée en principe, seule une nouvelle disposition expresse et dérogatoire, prise par le pouvoir règlementaire, aurait pu soustraire ».
Dans un arrêt du 22 novembre 2007, la Cour d’appel d’Aix en Provence a repris cette analyse. Récemment, le Tribunal correctionnel d’Orléans, dans un jugement du 11 mars 2014, a confirmé l’illicéité du concept de la lumière pulsée en entrant en voie de condamnation à l’encontre de deux franchisées, jugées coupables d’exercice illégal de la médecine.
Le Tribunal de commerce de Nice, dans son jugement du 12 juin 2015, suit cette logique en annulant les contrats de franchise signés par deux franchisées « pour cause d’objet illicite du contrat visant expressément l’exercice illégal de la médecine, les franchisées n’ayant aucun titre professionnel pour exercer la dépilation avec usage de la lumière pulsée« .
Le Tribunal souligne encore que si les franchisées ont, chacune, essuyé plus de 10 refus d’établissements bancaires pour le financement de leur projet, c’était en raison du caractère illicite de l’activité, fait imputable au seul franchiseur. Le Tribunal condamne logiquement le franchiseur à restituer aux deux franchisées le droit d’entrée versé à hauteur de 23 920 €, outre le remboursement des frais engagés.
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