L’auteur voit, dans les « lignes directrices » du Règlement européen en vigueur depuis juin 2010, l’amorce d’un changement de cap favorable en matière de prix conseillés et de prix imposés. Les franchiseurs auraient selon lui davantage de possibilités légales désormais, sur ce plan, ce qui leur permettrait d’organiser davantage d’actions commerciales concertées, comme peuvent le faire les succursalistes.
Le consommateur voit rouge lorsqu’il constate une différence de prix entre deux magasins d’un même réseau de franchise. Pourtant, notre droit interdit d’imposer aux franchisés un prix de revente des produits ou services, même s’il valide l’interdiction de dépasser un certain prix.
Le chef de réseau est certes autorisé à conseiller les prix, mais la frontière est ténue entre prix conseillés et prix imposés, ce qui est source d’insécurité juridique.
Le Nouveau règlement d’exemption du 20 avril 2010 n’apporte pas de solution à cette problématique, mais ses lignes directrices paraissent opérer une amorce de changement de cap.
D’emblée, celles-ci dénoncent des effets particulièrement nocifs des prix imposés pour la concurrence, et donc pour le consommateur. (§ 223 à 224).
Toutefois, elles consacrent un développement assez long à leurs possibles effets positifs dans certaines circonstances limitativement énumérées.
La Commission cite trois exemples qui pourraient valider le prix imposé :
1/ Lancement d’un nouveau produit.
Dès lors que nous sommes dans une telle phase, le prix imposé peut être utile « pour inciter les distributeurs à mieux tenir compte de l’intérêt du fabricant à promouvoir le produit en question. Les prix imposés peuvent permettre au distributeur d’augmenter les efforts de vente et, si les distributeurs sur ce marché sont soumis à des pressions concurrentielles, les inciter à développer la demande globale pour le produit et à faire de ce lancement un succès, dans l’intérêt des consommateurs également » ;
L’explication donnée par la Commission peut paraître confuse. Un intérêt principal émerge, celui des fabricants. L’intérêt du consommateur est certes visé, mais en second plan. Les franchiseurs sont souvent fabricants. Même quand ils ne le sont pas, il leur arrive fréquemment de participer au lancement d’un nouveau produit. Voilà donc une première porte ouverte.
-2/ Opérations de promotion.
Pour certaines de ces opérations organisées par des réseaux indépendants appliquant un format de distribution uniforme, la Commission voit l’utilité possible d’un prix imposé, en vue d’ « organiser… une campagne de prix bas coordonnée de courte durée (2 à 6 semaines le plus souvent) qui profitera également au consommateur. »
La promotion ne constitue pas une mince dérogation. Elle est un élément moteur du commerce moderne. Cet exemple constitue donc une sérieuse entorse aux règles antérieures. La Commission innove d’autant plus que là encore, l‘intérêt du consommateur est visé en second… ( «profitera également » ).
-3/La troisième porte ouverte cible les aides à la vente.
C’est l’hypothèse où des distributeurs fournissent des services spécifiques afin de favoriser substantiellement les ventes des produits du fournisseur.
Un grand nombre de clients peuvent s’appuyer sur ces services de pré-vente pour faire leur choix, mais en achetant ensuite les produits à un prix plus bas à des détaillants qui ne fournissent pas ces services.
Dans une telle hypothèse, la position de la Commission est explicite sur la validation des prix imposés. Il faudra que les parties démontrent que l’imposition des prix donne les moyens de surmonter un éventuel parasitisme entre les détaillants et que les services de pré-vente profitent globalement au consommateur.
Le pas franchi par la Commission est pragmatique et réaliste. Après tout, n’est-ce pas le consommateur qui, le premier, veut l’uniformité ?
Lire également l’article d’Hubert Benoussan sur le nouveau règlement et les ventes sur internet