L’actualité ancienne ou plus récente le démontre : le rachat d’enseigne peut représenter une solution alternative de croissance pour les réseaux. Les auteurs, experts en politique de marque, délivrent leurs conseils sur ce qu’il convient de faire : conserver une seule des deux enseignes ou les faire cohabiter ?
Par M. Eric SCHAHL, Conseil en propriété industrielle, Associé fondateur du cabinet Inlex IP Expertise
Et Mme Caroline JOUVEN, conseil en propriété industrielle, responsable du pôle LexRetail, Inlex IP Expertise
Le rapprochement de deux réseaux implique de savoir s’il faut ne conserver qu’une seule des enseignes en fusionnant les marques ou faire cohabiter les deux. La réponse doit être abordée, au travers de la stratégie commerciale, en fonction des conséquences juridiques et fiscales.
Une marque, comme un savoir-faire, sont des actifs valorisables, selon les critères définis de la norme Iso, et doivent être des tremplins de valeur et de développement.
Il ne s’agit pas de percevoir une solution affective liée à la marque, plusieurs critères doivent en effet être étudiés :
- Il faut d’abord bien entendu arriver à faire coexister deux contenus souvent différents. Quel concept spécifique est abrité sous la marque enseigne ? Est-il possible de le faire héberger sous une nouvelle marque ? L’exemple du rachat de Lissac par Optic 2000 démontre bien l’importance du contenu du concept au côté de la marque, quand bien même l’enseigne bénéficie d’une notoriété sur son marché.
- Comment conserver le même niveau de notoriété attachée à une marque si, en cas de fusion, cette maque s’étend à un nouveau concept ? Pour reprendre l’actualité récente d’un marché qui connait depuis une à deux années un essor fulgurant : celui de la restauration de burger illustre cette problématique. Le groupe Bertrand qui a réussi à faire renaitre en France la notoriété de la marque Burger King avec un concept également remis à l’ordre du jour, devrait absorber sous cette enseigne à consonance américaine, le concept développé et bien connu sous « feu » la marque Quick. Le titulaire va-t-il décider de conserver pour autant les piliers du concept Quick (Giant, Quick N’Toast et autres Chicken Dips...) afin de maintenir la success story de l’enseigne rivale historique en France de McDonalds ?
- La nature de la marque permet-elle d’avoir le choix ? Le contenu de la marque et son périmètre de protection sont en effet variables : en présence d’une marque peu distinctive (par exemple : Optic 2000), l’étendue de protection sera plus faible que la marque du réseau racheté (par exemple : Lissac qui s’apparente par ailleurs à un nom patronymique).
- Le projet de développement à l’international permet-il de conserver une enseigne marquée d’origine française (exemple d’actualité le réseau Norbert Dentressangle racheté par l’américain XPO….). Or, une protection forte de la marque à l’international confère une survaleur au niveau financier au réseau.
- Comment concilier le niveau de protection existant avec un développement de nouvelles activités ? A titre d’exemple, le souhait actuel du réseau Starbucks de se positionner dans la grande distribution nécessite d’avoir anticipé le dépôt de la marque dans toutes les classes d’activité.
- L’étude de la question sous l’angle budgétaire est important mais ne suffit pas à réussir à faire cohabiter deux concepts différents, exemple : le rachat par Noura du réseau Lina’s avec deux contenus totalement différents ne permet pas la fusion des deux marques.
- Comment concilier le changement avec les dispositions contractuelles préexistantes ? Il est important de se rapprocher des conseils de ses avocats pour savoir si le contrat permet le changement ou la fusion de deux marques.
- Ces questions sont étudiées ici sous l’angle de la marque enseigne en retail magasin, sachant que le rapprochement de deux enseignes dont l’une ou les deux seraient des pures player entrainerait des conséquences juridiques supplémentaires sur la protection de le marque et du concept.
Quelle que soit la solution choisie, il faut veiller à poser les bon marqueurs juridiques sur les concepts, et un rapprochement de deux réseaux s’anticipe au niveau des marques mais doit s’anticiper aussi au regard de la protection de concept.
En conclusion, le respect de l’identité juridique en cas de rapprochement de deux réseaux nécessite d’anticiper une politique de marque en fonction de la nature des marques en cause, leur niveau de notoriété, la stratégie de défense de la marque et en cas de fusion au respect de chacun des concepts avec des réajustements de la protection du concept si nécessaire.