La cour d’appel de Paris vient de condamner le groupe Holder à verser plus de deux millions d’indemnités à un ex-franchisé Paul. Pour manque de prudence et d’assistance.
La cour d’appel de Paris a sévèrement condamné, le 7 janvier 2015, le groupe Holder, en litige avec un ex-franchisé Paul.
L’origine du conflit remonte aux années 2004-2006. Un franchisé s’engage à ouvrir 18 boulangeries Paul dans sa région. 7 sont ouvertes. Mais les premiers chiffres d’affaires sont inférieurs de 30 à 50% parfois aux prévisionnels. Les ouvertures s’arrêtent. Le franchiseur met fin à la collaboration pour objectifs non atteints. Le franchisé l’assigne en justice.
Le groupe Holder se défend d’être responsable de cet échec.
Il estime avoir respecté ses obligations d’information préalable et de conseil en transmettant au franchisé des données de chiffres d’affaires et de marges (détaillées par produits) issues des moyennes réelles du réseau Paul.
Il considère avoir collaboré étroitement avec son franchisé lors de l’évaluation commune du marché local de chaque implantation. Il affirme l’avoir informé sur le coût réel de ses opérations en lui transmettant dans son DIP, comme l’exige la loi, le détail des investissements spécifiques à l’enseigne.
Il précise que le franchisé, ancien haut-cadre de Pizza del Arte et de McDonald’s, avait une expérience de la franchise et de la restauration rapide et que c’est lui qui a établi ses propres prévisionnels.
Enfin, il indique avoir proposé de suspendre les redevances, afin d’aider son franchisé. Lequel est, selon lui, seul responsable de ses difficultés et n’a pas respecté ses engagements contractuels de développement.
La cour d’appel de Paris a une tout autre lecture des faits.
Pour les juges, le franchisé n’est pas fautif. S’il n’a pas respecté son plan de développement, c’est en raison de ses difficultés dont la faute revient, selon eux, au seul franchiseur. Par ailleurs, il n’a « commis aucune faute de gestion ».
Pour la cour, le groupe Holder a « surévalué la force de son concept ». Il n’a pas assez tenu compte des difficultés locales, notamment à Toulon. Et n’a « pas apprécié prudemment les performances de sa franchise ».
Certes les prévisionnels ont été établis par le franchisé. Mais ils ont été soumis au franchiseur. Qui « n’a pas formulé la moindre observation » et les a donc validés de fait.
Un franchiseur « très confirmé »
L’itinéraire du franchisé n’y change rien. Pour la cour, les activités concernées sont bien différentes et le franchisé ne connaissait pas Paul avant de s’engager. Il a simplement fait confiance à un « franchiseur très confirmé ».
Sur les coûts, la cour estime que le groupe Holder aurait dû être transparent pour l’ensemble des travaux nécessaires (gros œuvre, démolition). Puisque, en l’occurrence, ils étaient réalisés par une des filiales du groupe et « finalement imposés ».
Enfin, l’enseigne Paul aurait dû, selon les magistrats, assister davantage son franchisé afin qu’il sorte de ses difficultés. Par exemple en réduisant les montants de ses loyers, considérés par les juges comme « excessifs ». (Pour certains magasins, le franchiseur était aussi le bailleur, via une filiale du groupe Holder).
De même, le franchiseur aurait dû obtenir auprès d’autres filiales, « la révision du contrat d’approvisionnement » de certains produits « non liés au savoir-faire de Paul« et d’un coût « exorbitant ».
Conclusion, sévère, de la cour : à l’origine des difficultés du franchisé, le groupe Holder doit « supporter les conséquences de ses manquements ».
Le franchisé, dont les sociétés liées à l’accord de 2004 ont été placées en liquidation judiciaire ou sous procédure de sauvegarde ou cédée pour un euro, devrait recevoir au total plus de 2 millions d’indemnités diverses.
Le franchiseur peut, bien sûr, se pourvoir en cassation.
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