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      La cour d’appel de Paris annule un contrat de franchise pour tromperie - Brève du 28 février 2018

      Brève
      28 février 2018

      La cour d’appel de Paris vient d’annuler un contrat de franchise pour transmission d’un DIP incomplet et d’un prévisionnel inadapté à l’emplacement retenu. Le franchiseur ayant ainsi induit en erreur une jeune franchisée sur ses espoirs de rentabilité. 

      Le 17 janvier dernier, la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4) a annulé le contrat d’une franchisée pour « dol ayant vicié (son) consentement ».

      Devenir-Franchise-DIPDans ce litige, le contrat est signé en décembre 2011 avec un groupe leader sur son marché qui développe une dizaine d’enseignes en franchise. Un DIP (document d’information précontractuelle) a été remis largement dans les délais légaux pour une ouverture dans une ville moyenne.

      Mais un problème surgit, car la galerie commerciale de périphérie retenue pour le projet ne souhaite pas l’implantation de l’enseigne choisie par la franchisée. Le franchiseur propose alors un autre emplacement en centre-ville où un fonds développé par un franchisé d’une autre marque du même groupe est à reprendre. L’établissement de la franchisée y ouvre finalement à l’enseigne qu’elle souhaitait, en juillet 2012.

      Huit mois plus tard, la société franchisée est placée sous procédure de sauvegarde. Puis, face au non-paiement des redevances, le franchiseur résilie le contrat. L’aventure se termine en liquidation judiciaire en juillet 2014 avec un passif de 113 000 €.

      Saisi par la franchisée et le liquidateur de sa société, le tribunal de commerce de Paris constate, en mai 2015, que le DIP est incomplet (sur le marché local entre autres). Mais, comme souvent en pareil cas, il déboute les plaignants de leur demande d’annulation du contrat. Le vice du consentement n’étant à ses yeux pas prouvé.

      Le franchiseur affirme avoir délivré une information précontractuelle sincère

      Cour-Appel

      Appelée à se prononcer, la cour d’appel de Paris infirme ce jugement dans toutes ses dispositions et condamne le franchiseur.

      Celui-ci se défend, pourtant, d’avoir eu « pour but de cacher des éléments essentiels sur la rentabilité, afin de tromper la franchisée. » Même si, il le reconnaît, certaines informations ne figuraient pas dans le DIP remis.

      De même, si la transparence n’était pas totale sur l’état du réseau, l’enseigne, avec 5 % de sorties, « ne subit pas de turn-over anormal ».

      Sur le marché local, le franchiseur rappelle que « c’est au franchisé de réaliser lui-même une analyse d’implantation », la présentation du marché n’étant « qu’une obligation de moyens. »

      Quant au prévisionnel, il a, selon le franchiseur, été « construit en utilisant des facteurs de commercialité locaux et (…) des méthodes comptables prudentes et raisonnables. »

      Mais la cour ne se montre pas sensible à ces arguments.

      État du réseau et du marché local : des omissions décisives selon la cour

      Première faute du franchiseur, selon les magistrats : il a indiqué, en annexe du DIP, les sorties de réseau de son groupe sans distinction d’enseigne. Ainsi, « la franchisée n’a pas pu être informée du départ de 11 franchisés dans l’année précédant sa signature du contrat » (sur 200 points de vente dans le réseau). Or, précisent les magistrats, « le nombre ainsi que les motifs (de ces sorties…) constituaient (…) un élément d’information essentielle pour la candidate à la franchise, qui n’a ainsi pas été en mesure d’appréhender avec exactitude la pérennité du réseau ».

      Concernant l’état du marché local, le document transmis ne faisait état « d’aucune information pertinente sur la situation économique (du secteur d’activité) », ne contenant que des statistiques anciennes (datant de 2008) et générales sur la ville, mais « rien sur le centre-ville ». Et notamment « pas l’existence d’un concurrent direct implanté sur la zone » concédée. « Le DIP ne renseign(ait) donc pas sur la zone de chalandise alors qu’en l’espèce ce renseignement était essentiel à la candidate franchisée pour appréhender la concurrence », estime la cour.

      Enfin, sur les prévisionnels, si les chiffres transmis « n’étaient pas grossièrement erronés », aux yeux des juges, ils ont été « établis par le franchiseur à partir des chiffres d’affaires réalisés précédemment » par le fonds développé sous une autre enseigne du groupe. Un établissement  qui n’était « pas positionné sur le même segment de marché et ne s’adressait  donc pas à la même clientèle. De sorte que le prévisionnel établi par le franchiseur était inadapté ». Or, « si le franchiseur remet un (tel document), il doit donner des informations sincères et véritables »

      « Dûment informée (par le franchiseur), la franchisée n’aurait pas contracté »

      Conclusion, « en l’absence d’information complète et sincère » sur tous ces points, la franchisée « n’a pas pu apprécier justement les perspectives de rentabilité », des « données constituant (pourtant) la substance même du contrat de franchise, pour lequel l’espérance de gains est déterminante. »

      « Ces omissions successives du franchiseur, en violation de ses obligations légales d’information précontractuelles sont constitutives d’un dol ayant vicié le consentement de la franchisée, qui dûment informée n’aurait pas contracté ou contracté à d’autres conditions et notamment pour un autre emplacement. »

      Le contrat est donc annulé. Le franchiseur est condamné à rembourser le droit d’entrée et les redevances perçues (7 000 + 5 000 €).

      La cour ne va pas jusqu’à accorder la prise en charge par le franchiseur du passif de la société franchisée. Car, à ses yeux, le « lien de causalité » entre les « manœuvres dolosives » du franchiseur et les pertes d’exploitation de la franchisée n’est pas démontré.

      Les magistrats accordent toutefois 10 000 € de dommages et intérêts à la franchisée « au titre de la perte de chance » d’avoir pu faire une meilleure utilisation de ses fonds. Plus 5000 € « compte tenu des nombreux tracas occasionnés par cette première expérience malheureuse. »

      La franchisée avait 23 ans au moment de la signature du contrat et était alors « novice en affaires ». Un état de fait qui a, sans doute, influencé les juges de Paris, plus prompts d’habitude à considérer que « c’est au franchisé de se renseigner ».