La cour d’appel de Paris avait refusé à un franchisé d’annuler son contrat de franchise bien qu’elle ait reconnu les intentions déloyales, dissimulations et exagérations du franchiseur. L’arrêt est cassé et annulé.
La Cour de cassation vient de contredire la cour d’appel de Paris dans un litige où celle-ci avait refusé d’annuler un contrat de franchise.
On s’en souvient peut-être, le 20 janvier 2021, la cour d’appel avait rendu un arrêt surprenant. Bien qu’elle ait constaté des « exagérations » et des « dissimulations d’informations essentielles » de la part du franchiseur et son « intention déloyale», elle considérait qu’ il n’y avait eu ni erreur ni dol ! Et donc pas de nullité du contrat.
Des « informations essentielles » manquaient dans le DIP
Le constat des magistrats eux-mêmes était pourtant très clair. Pour eux, le franchiseur n’avait pas, en ce qui concerne l’état de son réseau, transmis les informations précontractuelles qu’il était tenu de communiquer de par la loi (articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce).
Il n’avait pas indiqué notamment « le nombre d’entreprises ayant cessé de faire partie de son réseau (en 2013), l’année précédant la délivrance du DIP ». Ni les raisons de ces sorties. Et s’était « borné à indiquer, pour l’année 2012, le chiffre de 47 ruptures contractuelles et/ou fermetures d’établissements contre 24 ouvertures » (pour un parc d’environ 350 adresses).
Les magistrats relevaient ainsi que « l’attention du candidat à la franchise n’avait pas été attirée sur un élément essentiel de l’expérience du franchiseur (concernant) l’année la plus récente, ce qui lui aurait permis de s’interroger utilement, selon le vœu de la loi, sur la vitalité du réseau et, en l’espèce, les causes de sa diminution. »
« L’intention déloyale du franchiseur de dissimuler l’état réel du réseau était caractérisée »
Manquait aussi (par rapport aux obligations légales) la précision du mode d’exploitation des établissements fermés (franchises ou succursales). Même remarque des juges : le candidat n’avait pas pu s’interroger sur la rentabilité des établissements appartenant au franchiseur, alors même que des unités de ce type avaient fermé en 2013.
Enfin, pour la cour, « l’intention déloyale du franchiseur de dissimuler dans le DIP l’état réel du réseau (était) caractérisée (…) par la totale absence d’indication sur la réorganisation du groupe exploitant l’enseigne après 2009, date de fin de l’historique fourni (…) » Ce qui a eu entre autres pour effet de passer sous silence l’échec d’une société membre du réseau ayant possédé jusqu’à 98 établissements.
Un « manquement du franchiseur (…) Participant bien d’une intention (…) établie par ailleurs, de dissimuler (au candidat) la gravité des risques d’échec (de l’ouverture prévue). »
Et pourtant, pour la cour d’appel de Paris, il n’y avait eu ni erreur sur la rentabilité ni dol
La cour d’appel reconnaissait encore qu’il y avait eu transmission d’un prévisionnel exagérément optimiste. Mais elle estimait que, vu son expérience dans l’activité et sa connaissance du marché local, le franchisé avait été en mesure de « relativiser au moins en partie les exagérations du franchiseur ». En outre, il « savait bien que le prévisionnel fourni par le franchiseur n’avait pas valeur contractuelle ».
Étonnamment, la cour d’appel écartait la nullité pour erreur du contrat de franchise car, selon elle, si le franchisé s’était « mépris sur le caractère rentable de l’opération au niveau de son entreprise, cette erreur (n’avait) pas été provoquée par une information établie et communiquée par le franchiseur. »
De même, il n’était, selon les magistrats parisiens, « pas prouvé » que le franchisé « n’aurait pas conclu son contrat s’il avait reçu l’ensemble des informations prévues par la loi ».
Enfin, il n’était pour eux pas davantage « démontré que la remise du prévisionnel litigieux établi par le franchiseur, même pris avec les manquements (…) à son obligation légale d’information, caractéris(ait) le dol. »
Débouté, le franchisé était ainsi condamné à verser 15 000 € de redevances et 50 000 € de loyers impayés au lieu d’obtenir la nullité de son contrat et des dommages et intérêts.
L’arrêt d’appel est annulé par la Cour de cassation
Saisie par le franchisé, la plus haute juridiction française casse logiquement cet arrêt « dans toutes ses dispositions ».
La sentence de la Cour de cassation est très nette : à partir du moment où la cour d’appel « avait retenu que l’omission des informations relevées participait d’une intention (du franchiseur) de dissimuler à la société (franchisée) des éléments manifestant la gravité des risques d’échec de l’ouverture d’une agence », elle aurait dû en déduire que ces informations « étaient de nature à empêcher le franchisé de contracter s’il les avait connues ».
L’arrêt du 20 janvier 2021 est annulé et l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement composée.