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      Information précontractuelle : le DIP ne suffit pas… - Brève du 2 juillet 2024

      Brève
      2 juillet 2024

      La Cour de cassation vient de rappeler que la transmission d’un Document d’information précontractuelle correct n’est pas suffisante. Encore faut-il que, dans la période qui sépare la remise de ce DIP et la signature du contrat – qui parfois peut être longue -, le franchiseur n’omette pas d’actualiser des informations déterminantes pour le consentement de son futur partenaire.

      Cour de cassation juridique franchiseLa Cour de cassation vient de contredire en partie, par un arrêt du 26 juin 2024, un arrêt de la cour d’appel de Paris de 2023 en matière d’information précontractuelle. Il s’agit pour elle d’une décision importante puisqu’elle a tenu à la publier dans son bulletin.

      Dans ce litige, un contrat de franchise de cinq ans est signé en juin 2013. Mais en mai 2017, la société franchisée est placée en liquidation judiciaire.

      Estimant avoir perdu de l’ordre de 350 000 € par la faute du franchiseur, les gérants franchisés réclament de la justice en 2019 l’annulation de leur contrat, ou à défaut sa résiliation aux torts exclusifs du franchiseur, accompagnée de dommages et intérêts.

      Déboutés en première instance, ils font appel.

      Pour la cour d’appel de Paris, le DIP (Document d’information précontractuelle) transmis par le franchiseur était correct

      Devant la cour d’appel de Paris, les franchisés font notamment valoir que leur consentement a été vicié.

      Selon eux, le franchiseur a fourni dans son Document d’information précontractuelle (DIP) « une (présentation) tronquée de l’état du marché local et une présentation trompeuse du réseau, omettant de faire état du nombre important de franchisés (l’ayant quitté) lors des 12 mois précédant la conclusion du contrat de franchise. »

      Les magistrats parisiens écartent ce raisonnement et rejettent les demandes des franchisés.

      Pour eux, le DIP remis en octobre 2012 (soit 8 mois avant la signature du contrat) « est conforme aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce ».

      La preuve ? « Il présente l’état général du marché (concerné) de façon suffisante ». En outre le franchiseur y a « mentionné le nombre d’entreprises ayant, dans les douze mois antérieurs, cessé de faire partie du réseau en raison de l’expiration ou de la résiliation des contrats ou de la cession du fonds de commerce, ainsi qu’en raison d’une procédure collective ».

      Le DIP contient enfin, toujours selon la cour, outre les investissements prévisibles avant le commencement de l’exploitation, le chiffre d’affaires moyen des franchisés membres du réseau et différentes précisions permettant au futur franchisé d’évaluer ses recettes possibles et ses coûts et charges de financement probables.

      Pour la cour d’appel de Paris, les franchisés « ne démontrent donc pas en quoi ils auraient eu communication d’informations insincères du franchiseur, ne leur permettant pas d’apprécier la pertinence économique de l’opération, ce qui leur aurait causé préjudice. »

      Mais pour les franchisés, le franchiseur avait omis de signaler les nombreux départs pour cause de procédure collective survenus après la remise du DIP…

      Devenir-Franchise-DIPLa Cour de cassation ne partage pas cette analyse.

      Pour la plus haute juridiction française, « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si (le franchiseur) n’avait pas gardé intentionnellement le silence sur les procédures collectives survenues dans le réseau après la remise du DIP et avant la signature du contrat de franchise et si cette information n’aurait pas dissuadé la société (franchisée) de contracter, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

      L’arrêt d’appel est cassé sur ce point (parmi d’autres) et l’affaire renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

      Le franchiseur doit respecter le code de commerce, mais aussi le code civil…

      Comme l’ont affirmé les avocats des franchisés devant la Cour de cassation, « la fourniture d’un document d’information précontractuelle conforme aux exigences de l’article L. 330-3 du code de commerce ne suffit pas à écarter tout manquement commis par le franchiseur lors de la période précédant la conclusion dudit contrat, notamment la réticence dolosive. »

      Le code civil applicable dans ce litige (dans sa version d’avant la réforme du droit des contrats de 2016) indique, comme le rappelle la Cour, que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté » (article 1116).

      De même (article 1382) : « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

      La cour d’appel de Paris devra dire s’il y a eu ou non manœuvre dolosive du franchiseur après la remise du DIP et s’il y a lieu de satisfaire les demandes des franchisés. Mais elle ne peut pas se contenter de valider le Document d’information précontractuelle.

      >Référence des décisions citées :

      -Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, arrêt du 26 juin 2024. Pourvoi n° 23-14.085

      -Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, arrêt du 4 janvier 2023,  n° 20/11055