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      La franchise De Neuville fait appel des sanctions infligées par l’Autorité de la concurrence - Brève du 25 mars 2024

      Brève
      25 mars 2024

      Le franchiseur De Neuville écope d’une amende de plus de 4 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence (ADLC). Motifs : avoir interdit à ses franchisés pendant 13 ans de créer leur propre site internet marchand et avoir limité pendant 16 ans leurs ventes aux professionnels. Une décision dont il fait appel.

      Autorité de la ConcurrenceL’Autorité de la concurrence a sévèrement sanctionné par une décision du 6 février 2024 le franchiseur De Neuville en lui imposant une amende de plus de 4 millions d’euros.

      S’appuyant sur les textes européens et français (article L.420-1 du code de commerce entre autres), l’ADLC reproche au franchiseur d’avoir interdit à ses franchisés pendant 13 ans, de 2006 à 2019, de vendre ses chocolats en ligne et d’avoir limité pendant 16 ans, jusqu’en 2022, leurs possibilités de proposer ses produits aux professionnels (comités d’entreprises, collectivités, associations et autres groupes de consommateurs).

      Selon l’ADLC, entre 2006 et 2019, les franchisés De Neuville auraient dû être libres de développer leurs propres sites internet marchands

      Concernant les ventes en ligne, le gendarme de la concurrence sanctionne le franchiseur parce qu’à partir de la création de son site internet marchand en 2006, il s’est réservé l’exclusivité de la vente en ligne de ses produits et a interdit à ses franchisés de créer leur propre site, sauf à ce qu’il reste une simple vitrine.

      Une interdiction qui figurait jusqu’en 2014 à la fois dans le contrat de franchise et dans le manuel opératoire (manuel de savoir-faire) puis dans ce seul document jusqu’en 2019.

      Selon les textes de droit en vigueur, le franchiseur aurait dû au contraire laisser ses franchisés libres de le concurrencer et de se concurrencer entre eux sur Internet afin de permettre aux consommateurs de pouvoir opter pour le meilleur prix.

      Les franchisés auraient dû pendant toute cette période pouvoir satisfaire toutes les demandes reçues de la part des consommateurs sur leur propre site marchand (ventes passives).

      De même, ils auraient dû pouvoir prospecter librement des clients dans toute la France et dans les autres pays de l’Union Européenne (et même au-delà) sans avoir à respecter de notion d’exclusivité territoriale (ventes actives).

      Les arguments du franchiseur, invoquant notamment la nécessaire unité du réseau, n’ont pas convaincu l’ADLC

      Pour sa défense, le franchiseur mettait en avant la nécessité de préserver l’unité de son réseau et son image de marque, sa volonté d’éviter que les franchisés se livrent entre eux à une concurrence déloyale.

      Il faisait valoir également que, vu les sommes importantes qu’il avait investies dans le développement du site marchand de l’enseigne, il était normal qu’il en ait compensation. Aucun de ces arguments n’a convaincu l’Autorité.

      Par ailleurs, celle-ci a noté que le fait d’avoir installé sur le site de l’enseigne une page dédiée à chacun de ses franchisés ne changeait rien à l’infraction. Pas plus que d’avoir accordé aux franchisés le principe d’une participation aux recettes réalisées sur le site national à partir de leurs territoires exclusifs ou encore d’avoir consenti momentanément certaines dérogations.

      Selon l’ADLC, le franchiseur a changé ses pratiques depuis 2019, mais il est sanctionné pour le passé

      E-commerceEnfin, l’Autorité reproche au franchiseur d’avoir assorti les différentes limites imposées à ses franchisés sur les ventes en ligne d’une clause résolutoire. En cas de non-application des règles du réseau, le franchiseur se réservait le droit, après une première mise en demeure non suivie d’effet, de résilier le contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé.

      Au total, le gendarme inflige pour l’ensemble de ce qu’il considère comme de mauvaises pratiques une amende de 2,312 millions d’euros.

      Selon l’ADLC, le franchiseur a modifié ses documents après 2019, ne faisant plus référence à une quelconque exclusivité de sa part sur les ventes en ligne de ses produits. Et une quinzaine de franchisés sur près de 140 ont ouvert depuis leur propre site marchand (contre un seul avant 2019).

      Par ailleurs, précise encore le texte, l’enseigne a mis en place depuis 2021 un service de click-and-collect permettant aux clients de passer une commande à distance et de la retirer en magasin. Dans ce cas, c’est le franchisé concerné qui est considéré comme le vendeur du produit.

      Ventes aux professionnels : dans la mesure où le franchiseur n’accordait pas d’exclusivité aux franchisés, il n’avait pas à poser de limites, estime l’ADLC

      L’Autorité de la concurrence sanctionne aussi l’enseigne de chocolats pour « avoir limité les ventes de ses franchisés aux professionnels » (groupes de consommateurs).

      Pour cette activité de prospection commerciale effectuée essentiellement par téléphone, le franchiseur n’accordait pas d’exclusivité aux franchisés.

      Objectif : ne pas les empêcher de démarcher des clients se situant dans la zone contractuelle d’un autre magasin (ancien contact professionnel, relation familiale). Il les autorisait ainsi à agir sans limite de territoire.

      Ce que l’ADLC lui reproche, c’est d’avoir quand même encadré cette liberté. Or, « dès lors que le choix clair et explicite de ne (leur) attribuer aucune exclusivité (sur ce point) a été fait (…), De Neuville ne pouvait parallèlement prévoir des stipulations restreignant les ventes actives et passives (à cette cible …)» (paragraphe 304 de la décision).

      Les règles instituées par le franchiseur pour éviter aux franchisés de se concurrencer dans cette activité complémentaire constituaient selon l’ADLC une infraction grave

      Devenir-Franchise-Etude-Marche-PrevisionnelsAfin d’éviter une concurrence déloyale entre les membres du réseau, le franchiseur avait édicté un certain nombre de règles, selon le « principe de l’escargot ».

      Chaque franchisé était invité à commencer par prospecter les cibles professionnelles situées sur son territoire exclusif, puis les zones vierges de tout établissement à l’enseigne, puis les groupes de consommateurs domiciliés dans les zones d’exclusivité des autres franchisés.

      Avec des garde-fous supplémentaires. Les exploitants étaient appelés à ne pas compromettre l’installation d’un nouveau confrère sur une zone vierge et à lui abandonner le terrain. De même, afin de maintenir une bonne ambiance dans le réseau, il leur était recommandé de ne pas entrer en concurrence avec un autre franchisé de l’enseigne si celui-ci était déjà en affaires avec un client potentiel et ce, quel que soit le territoire prospecté.

      Des règles du même ordre étaient prévues pour ce qui concerne les « ventes passives », c’est-à-dire les demandes spontanées émanant de ces consommateurs.

      Pour l’ADLC, il y a eu de 2006 à 2019, mise en place d’un système de répartition de la clientèle interdit par le droit de la concurrence

      Pour le gendarme de la concurrence, ces pratiques instituées par le franchiseur – dans le but selon lui de maintenir la cohérence et l’unité du réseau ainsi que son image de marque – constituaient « en réalité un système de répartition de la clientèle » interdit par la loi.

      Là non plus, les arguments du franchiseur expliquant par exemple qu’il y avait déjà assez de concurrence sur ce marché avec les autres marque-enseignes de chocolats pour ne pas en imposer une de plus à l’intérieur même du réseau n’ont pas convaincu l’Autorité.

      Laquelle a reproché également au franchiseur, comme pour les ventes en ligne, d’avoir transformé ses prescriptions en contraintes en les accompagnant de la même clause résolutoire avec résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchisé en cas de non application.

      Au total, le franchiseur est condamné pour l’ensemble de ces pratiques sur les ventes aux professionnels à 1,756 million d’euros d’amende. La faute est considérée comme plus grave que pour les ventes en ligne, mais la base de chiffre d’affaires prise en référence est moins importante, ce qui explique la différence de montant entre les deux sanctions.

      La société De Neuville a fait appel de cette décision

      La relative sévérité de ces sanctions est liée, selon l’Autorité de la concurrence, au fait que la vente en ligne de chocolats en général et la vente aux professionnels sont deux activités en pleine croissance, cette dernière représentant entre 10 et 30 % du chiffre d’affaires des magasins.

      Elle est due aussi au fait que De Neuville est l’un des trois plus importants réseaux de franchise du secteur en France avec un total de 154 adresses.

      Depuis, la société De Neuville a fait appel de la décision.

      Pour son directeur général, Christophe Gautier,  « les ventes aux professionnels ont toujours été libres dans le réseau (…) et la création de sites marchands par des franchisés est autorisée contractuellement depuis plus de dix ans, suite à la jurisprudence Pierre Fabre qui a mis fin au flou sur le sujet. (Notre) réseau est l’un des rares (…) à avoir un site marchand national et des sites marchands franchisés. »

      La décision de l’Autorité de la concurrence n’est donc pas définitive.

      >Référence de la décision :

      -Autorité de la Concurrence, décision 24-D-02 du 6 février 2024 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de chocolats.

      >A lire sur le sujet :

      -L’article de Maître Karine Biancone, avocat à la cour, dans la Lettre de la Distribution de mars 2024 destiné aux juristes

      -L’article en ligne sur le site du cabinet d’avocats Linkea destiné aux franchiseurs (sur le volet Internet)