En publiant le 7 décembre son « Avis » sur les contrats d’affiliation des magasins indépendants dans la distribution alimentaire, l’ADC a au moins atteint un premier objectif : retenir l’attention. Tout le monde a bien entendu que, selon le contrôleur de la concurrence, les affiliés étaient trop attachés à leurs enseignes et que celles-ci avaient un an pour modifier leurs contrats, sous peine d’un appel au législateur. Les réactions des groupes pointés du doigt ont été assez diverses. En apparence du moins.
Si Michel-Edouard Leclerc a, dès le 15 décembre dans « Le Figaro », annoncé qu’il allait déposer un recours devant le Conseil d’Etat pour faire annuler l’avis de l’ADC, criant à la « démarche dogmatique », au « parti-pris militant » et à la volonté de « fragiliser les réseaux d’indépendants » (au profit des intégrés), son homologue de Système U, Serge Papin s’est montré deux jours plus tard dans « Les Echos » plus conciliant, affirmant que l’avis avait « vocation à ouvrir le débat ».
Et si, jusqu’ici, les groupes intégrés sont restés discrets sur le sujet, certaines prises de position des responsables « Proximité » de Carrefour et Casino que nous avons interrogés s’inscrivent aussi dans une tonalité apparemment pacifique. « Si une loi doit s’appliquer, nous l’appliquerons » affirme Gérard Dorey, directeur exécutif de Carrefour Proximité. « Si nous devons supprimer certaines conditions de sortie actuellement insérées dans nos contrats, nous les supprimerons » ajoute-t-il. Et Jean-Pierre Lanzetti, directeur général de Casino Proximité est sur la même longueur d’ondes quand il reconnait que certaines clauses, de non-concurrence post-contractuelles, par exemple, n’ont pas lieu d’être.
Pourtant, au-delà de ces déclarations apparemment consensuelles (officiellement, on « réfléchit » ), les groupes préparent leur contre-offensive sur les points qui leur semblent essentiels.
Si Serge Papin (Système U), dont la coopérative ne pratique pas les clauses de non-concurrence post-contractuelles et autorise la sortie de ses membres chaque année, se montre plus décontracté que Leclerc (dont les statuts prévoient une adhésion de 30 ans au groupement), il ne semble pas pour autant prêt à tout accepter. Et en tout cas pas l’abandon de l’OPV, Offre Préalable de Vente, à laquelle tout membre de la coopérative est tenu chez U comme chez Leclerc (avant de céder son entreprise, l’adhérent doit informer la coopérative, qui peut alors se porter acquéreur). « Cela n’est autre chose qu’un pacte d’actionnaires » souligne Serge Papin pour qui la liberté de cession pourrait être accordée, mais pas avant 10 ans de collaboration.
« Si chaque coopérateur peut céder sans aucune limitation, illustre un observateur proche du dossier, et que les groupes intégrés passent avec leur chéquier et leur puissance financière, vous imaginez les risques… »
« Les droits de priorité sont des outils indispensables à la pérennité des réseaux, argumente Alexandra Bouthelier, déléguée générale de la FCA (Fédération du commerce associé). Les adhérents de nos groupements ne sont pas des commerçants indépendants isolés. Ils ont construit et développé leurs entreprises grâce au savoir-faire des anciens et de la collectivité. Ils ont rejoint une coopérative pour tout ce qu’elle leur apporte. Il est normal qu’en retour ce savoir-faire ne disparaisse pas avec eux, mettant ainsi en péril ceux qui restent « .
Un argumentaire que ne désavoueraient sans doute pas les franchiseurs de Carrefour et Casino Proximité pour qui ces clauses sont, à l’évidence, importantes.
Au total, si les positions divergent sur certains points soulevés par l’ADC (notamment les clauses de non-concurrence post-contractuelles), d’autres « recommandations » de l’Autorité – par exemple sur la durée maximum des contrats, limitée à 5 ans, ou l’interdiction des clauses de préférence – font pratiquement l’unanimité des opérateurs contre elles.
Le débat est ouvert. En coulisse surtout. Les contrats changeront-ils dans la réalité ? Peut-être sur certains aspects. Mais pas tout de suite !
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