Se prononçant sur renvoi de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris a déclaré illicite une clause de non-concurrence post-contractuelle. Elle interdisait au franchisé toute activité identique ou similaire après le contrat pendant un an dans un rayon de 150 km autour de son établissement. Une contrainte justifiée, selon le franchiseur, par la nature de son activité.
La cour d’appel de Paris s’est prononcée, le 13 décembre 2019, dans un litige franchiseur/franchisé intervenu notamment sur la question de la concurrence après le contrat.
La clause contestée interdisait au franchisé en cas de résiliation ou d’expiration du contrat « pour quelque raison que ce soit », toute activité « similaire ou identique » à l’activité franchisée. Et bien sûr toute affiliation à un réseau concurrent.
Une clause justifiée aux yeux du franchiseur et validée en 2017 par la cour d’appel de Paris…
Pour le franchiseur, la clause était justifiée car limitée dans le temps (à un an) et dans l’espace (à 150 km autour de l’établissement franchisé). Un rayon de protection qu’il estimait nécessaire, vu son activité d’enseignement de l’informatique, afin de pouvoir réinstaller un franchisé dont l’entreprise soit viable.
Dans un premier arrêt de mai 2017, la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4) avait suivi cette argumentation et condamné le franchisé à plusieurs centaines de milliers d’euros d’indemnités. Motif : il avait continué son activité pendant des années après la résiliation de son contrat, ne respectant donc pas un de ses engagements.
Saisie, la Cour de cassation était visiblement d’un autre avis puisque, dans son arrêt du 28 novembre 2018, elle cassait partiellement l’arrêt d’appel, entre autres sur ce point. La plus haute juridiction française estimait ainsi que la cour d’appel aurait dû “rechercher si l’interdiction d’exercer” la même activité et de « s’affilier à un réseau concurrent » … dans un rayon de 150 kilomètres autour de l’établissement “n’apportait pas une restriction excessive à la liberté d’exercice de la profession (du franchisé)”.
…Mais jugée excessive et même « illicite » après l’intervention de la Cour de cassation
Dans son arrêt du 13 décembre 2019, la cour d’appel de Paris « autrement composée » (Pôle 5, chambre 11) s’aligne sur la Cour de cassation (au moins sur ce sujet).
Les magistrats rappellent d’abord que « pour être valable, une clause de non-concurrence doit être non seulement limitée dans le temps et dans l’espace, mais aussi proportionnée par rapport à l’objet du contrat et nécessaire à la protection des intérêts légitimes de son bénéficiaire. »
Si la cour d’appel reconnaît que le franchiseur disposait d’un réel savoir-faire à protéger, contrairement à ce qu’estimait le franchisé, elle critique en revanche la taille de la zone de protection. Pour elle, la clause interdisait en fait au franchisé d’exercer dans « un bassin important de population évalué par (le franchiseur lui-même) à 5 millions de personnes dont de nombreux étudiants ».
Les magistrats concluent au caractère « disproportionné » et « illicite » de la clause. Ils annulent donc les indemnités auxquelles le franchisé avait été condamné en 2017.
Ils ne remettent pas en cause toutefois d’autres points de l’arrêt cassés en 2018. Ils estiment par exemple que le franchiseur a eu raison de résilier le contrat pour non-paiement des redevances et condamnent le franchisé à s’acquitter en conséquence de la clause pénale de 72 000 € correspondant à une année de cotisation.
A noter : les dispositions de la loi du 6 août 2015 concernant les clauses de non-concurrence post-contractuelles (article L.341-2 du code de commerce), plus restrictives encore pour les franchiseurs, ne s’appliquaient pas ici, puisque les faits jugés dans cette procédure sont intervenus avant l’entrée en vigueur du texte.