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      Passage à la concurrence : attention à ce que prévoit le contrat de franchise - Brève du 9 juin 2022

      A l’issue d’un de ses deux contrats, un franchisé passe son point de vente sous une enseigne concurrente. Ce faisant, il viole la clause de non-concurrence de son second contrat encore en cours. Le franchiseur, débouté en première instance, obtient 280 000 € de dommages et intérêts en appel.

      Contract signatureLa cour d’appel de Paris a tranché le 30 mars 2022, un litige opposant un franchiseur à un de ses franchisés passé à la concurrence.

      Dans cette affaire le franchisé possède sous la même enseigne deux points de vente distants de quelques kilomètres. Il a constitué pour ce faire deux sociétés et conclu deux contrats de franchise d’une durée de 10 ans. L’un, signé en 2009, arrive à son terme le 30 septembre 2019. L’autre, acté en mai 2011, doit se terminer en 2021.

      Mais le 25 septembre 2019, le franchisé notifie au franchiseur son intention de ne pas renouveler son premier contrat une fois celui-ci arrivé à son terme (cinq jours plus tard.) Et dès le 1er octobre, il poursuit la même activité en rejoignant un réseau directement concurrent.

      Pour le franchiseur qui a résilié le contrat, la clause de non-concurrence a été violée

      Le 29 octobre, le franchiseur signifie au franchisé la résiliation immédiate à ses torts exclusifs de son deuxième contrat de franchise pour violation de sa clause de non-concurrence. Une clause classique qui lui interdit en effet explicitement, jusqu’en 2021 en l’occurrence, de participer à une activité similaire dans un autre réseau.

      En conséquence, le franchiseur lui réclame alors plus de 260 000 € de dommages et intérêts en application de la sanction pénale prévue au contrat pour la faute commise.

      De son côté, dès la notification de la résiliation de son deuxième contrat, le franchisé passe son deuxième établissement sous la même enseigne concurrente que le premier.

      Pour le franchisé et le tribunal de commerce, le franchiseur est coupable d’une rupture unilatérale injustifiée

      Le franchisé refuse de s’acquitter des dommages et intérêts réclamés et assigne en justice son ex-franchiseur, notamment pour « rupture unilatérale du contrat de franchise de mauvaise foi ». Il déplace le débat sur la clause de non-réaffiliation après la fin du contrat, expliquant qu’elle est injustifiée.

      Un avis partagé par les juges de première instance pour qui cette obligation du contrat « ne reposait sur aucun savoir-faire exclusif démontré ». Selon eux, la clause s’opposait en revanche « à la liberté d’entreprendre dont la valeur est constitutionnelle. »

      Devant la cour d’appel, le franchisé confirme ce caractère non exclusif en soulignant que son ancien réseau « appartient à un groupe dans lequel se trouvent d’autres sociétés pratiquant (sous une autre enseigne de franchise) la même activité que lui et qui connaissent donc son savoir-faire ».  Lequel, ajoute-t-il, n’est « pas non plus différent » de celui de sa nouvelle enseigne.

      Aux yeux du franchisé comme du tribunal de commerce, la clause de non-réaffiliation post-contractuelle est donc abusive. Et par conséquent, la demande de dommages et intérêts injustifiée.

      Pour la cour d’appel, ce qui compte c’est la violation de la clause de non-concurrence pendant le contrat…

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris ne partage pas cette analyse. Pour elle, ce qui compte dans ce conflit, c’est la violation de la clause de non-concurrence pendant le contrat. Clause « interdisant au franchisé de s’intéresser directement ou indirectement à des activités exploitées par son réseau (…) sous une (autre) enseigne de renommée nationale ou régionale. »

      Cette violation n’est d’ailleurs pas niée par le franchisé qui reconnaît avoir commis une erreur en passant son premier point de vente à la concurrence sans prendre garde aux dispositions de son second contrat.

      …Une clause de protection du savoir-faire que la seule existence de celui-ci suffit à justifier

      Pour la cour, cette clause « vise à protéger le savoir-faire (du franchiseur), comprenant notamment les méthodes commerciales et de gestion destinées à optimiser la rentabilité de l’exploitation ». Un savoir-faire « dont l’existence n’est pas contestée par le franchisé », même s’il en critique la qualité. Et dont la société du franchiseur « peut se prévaloir (…) sans avoir à établir (son) exclusivité (…) ni sa spécificité par rapport à un concurrent. »

      Conclusion des magistrats : le franchiseur est en droit d’obtenir les dommages et intérêts qu’il réclame et qu’il a calculé en application de ce qui était prévu sur ce point au contrat. A savoir une indemnité égale à cinq fois le montant annuel des redevances dues lors des trois dernières années, plus le montant du droit d’entrée. Soit, en l’occurrence, plus de 280 000 €.

      Une indemnité dont la cour n’estime pas nécessaire de réviser le montant à la baisse.

      La cour confirme toutefois la condamnation du franchiseur à verser 100 000 € de dommages et intérêts à son ex-partenaire. Motif : ne pas avoir respecté la disposition qui prévoyait la remise au franchisé de son fichier-client dès la fin de son contrat.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, arrêt du 30 mars 2022, n° 20/08551