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      A la fin de son contrat, un franchisé peut-il ouvrir un commerce concurrent ? - Brève du 28 novembre 2022

      Brève
      28 novembre 2022

      Un an après la fin de son contrat, un ex-franchisé prévoit d’ouvrir un commerce concurrent à proximité de son ancien point de vente. Le franchiseur, invoquant le non-respect de la clause de non-concurrence – de 5 ans après le contrat – réclame l’interdiction de ce projet. Il est débouté.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Nancy a eu à se prononcer, le 5 octobre 2022, dans un litige survenu entre un franchiseur et un de ses ex-franchisés à propos d’une clause de non-concurrence après le contrat.

      Dans cette affaire, trois contrats sont signés en juin et juillet 2018 : un contrat de location-gérance par lequel le franchiseur met un fonds de commerce à disposition de son partenaire, un contrat de franchise et un troisième contrat par lequel le franchisé s’engage à s’approvisionner en priorité auprès d’une filiale de son franchiseur.

      Le contrat de location-gérance stipule que le fonds de commerce doit être exploité exclusivement sous l’une des enseignes du franchiseur. Par ailleurs, il contient une clause de non-concurrence qui interdit au franchisé d’ouvrir un commerce dans la même activité pendant 5 ans après la fin de son contrat dans un rayon de 5 kilomètres à vol d’oiseau en zone urbaine et 15 kilomètres en zone rurale. Le contrat de franchise quant à lui précise, entre autres, que la fin du contrat de location-gérance entraine automatiquement la sienne.

      A l’origine du conflit : le non-respect par l’ex-franchisé et locataire-gérant de sa clause de non-concurrence après le contrat

      En avril 2021, le franchiseur dénonce le contrat de location-gérance, faisant courir le délai de trois mois prévus au contrat pour un arrêt en juillet 2021. Or, en mars 2022, l’ex-franchisé créé une société avec pour but l’exploitation d’un fonds de commerce sous une enseigne concurrente dans la même rue, à quelques numéros de distance seulement.

      Le franchiseur somme rapidement son ex-partenaire de renoncer à son projet et saisit le juge des référés (président du tribunal de commerce) pour qu’il décide à bref délai de le stopper et le contraigne ainsi à respecter sa clause de non-concurrence. Le juge donne satisfaction au franchiseur dans une ordonnance de juin 2022. Il constate un « dommage imminent » et fait interdiction au franchisé d’ouvrir son commerce jusqu’à ce que le juge du fond se prononce. C’est de cette ordonnance que le franchisé fait appel devant la cour de Nancy.

      Pour les magistrats d’appel, la clause de non-concurrence litigieuse tombe sous le coup de la loi Macron

      Juridique-2Les magistrats de Nancy déboutent le franchiseur. Pour eux le caractère licite de la clause de non-concurrence du contrat de location-gérance « n’apparait pas avec l’évidence requise devant le juge des référés ».

      La cour se prononce « au regard des dispositions des articles L 341-1 et L 341-2 du code de commerce ». Des articles de la loi du 6 août 2015, dite « loi Macron », qui concernent spécifiquement les réseaux de distribution dans le commerce de détail.

      Pour les magistrats, il ne fait pas de doute que dans ce litige, « l’ensemble des contrats » (signés par le franchisé) entre dans le champ d’application de la loi. Puisqu’ils ont « pour but commun l’exploitation d’un magasin de commerce de détail et comportent des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale ».

      Une loi qui stipule que pour être valable ce type de clause ne doit, entre autres, pas dépasser la durée d’un an après le contrat

      La cour le rappelle : l’article L 341-2 prévoit que les clauses de non-concurrence après le contrat des réseaux concernés sont « réputées non-écrites » donc non valables… Sauf si, tout à la fois, elles concernent des biens et des services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat ; sont limitées aux terrains et locaux à partir duquel s’est effectuée l’exploitation ; sont indispensables à la protection du savoir-faire du franchiseur et limitées à une durée d’un an après la fin du contrat.

      Vu la durée et le périmètre de la clause litigieuse, elle ne correspond pas aux critères qui la valideraient.

      Il n’y a donc, selon la cour, pas de « dommage imminent » dans cette affaire car seul le non-respect d’une clause de non-concurrence valable pourrait en créer un.

      La cour écarte de même l’argument du franchiseur selon lequel le fait de permettre à l’ex-franchisé « de se réinstaller à proximité immédiate du fonds qu’il exploitait précédemment aurait pour conséquence d’amoindrir la protection du nouveau locataire-gérant ». Cela « n’est pas de nature », estime la cour, « à remettre en cause » l’absence de validité de la clause.

      La cour d’appel infirme donc l’ordonnance du juge des référés de juin 2022. L’affaire devra maintenant être jugée au fond. Mais, comme le fait remarquer Maître Karine Biancone, avocat à la cour, qui analyse l’arrêt dans le numéro de novembre de la Lettre de la Distribution, « les juges du fond ne devraient pas adopter une solution contraire » à ceux de la cour d’appel de Nancy.

      >Référence de la décision :

      -Cour d’appel de Nancy, 5 octobre 2022, n° 22/01549