Fermer
Secteurs / Activités

      Comment bien choisir le nom de son enseigne de franchise ? - Brève du 15 mars 2025

      Brève
      15 mars 2025

      L’enseigne de votre futur franchiseur doit vous procurer des clients, pas des ennuis du type de ceux qui ont frappé le réseau Stéphane Plaza Immobilier. Comment savoir si la marque choisie sera à la fois attractive, protégée de la concurrence et pérenne ?

      Franchise-Stephane-Plaza-Immobilier-Agence-Levallois-PerretLongtemps, le nom de Stéphane Plaza et sa notoriété télévisuelle ont constitué de puissants leviers de développement pour son réseau de franchise immobilière.

      Mais depuis ses ennuis judiciaires, la mécanique s’est inversée et nombre de franchisés à l’enseigne en ont sévèrement pâti. Pertes de clientèle et de chiffre d’affaires, évasion des salariés, effondrement de la valeur des fonds de commerce, agressions verbales et vitrines taguées : le bilan est parfois lourd.

      Le réseau, qui revendiquait il y a un an encore de l’ordre de 660 agences franchisées, n’en alignait, selon certains observateurs, qu’un peu plus de 560 le 18 février 2025, jour de la condamnation de l’animateur de M6.

      Et l’hémorragie n’est peut-être pas terminée. Selon Maître Charlotte Bellet qui, avec son associé Rodolphe Perrier (cabinet BMGB), en représentent « une quinzaine animant une vingtaine d’agences », les franchisés accompagnés par trois cabinets d’avocats seraient « une cinquantaine » au total à vouloir quitter l’enseigne sans frais.

      Une sortie qui n’est pas si simple à obtenir car la chaîne leur demande toujours – malgré un récent et important assouplissement – de s’acquitter en cas de rupture anticipée de leur contrat d’une partie des redevances qu’ils auraient dû régler s’ils étaient allés jusqu’à son terme.

      Leur contrat prévoit aussi une clause de non-affiliation post-contractuelle qui leur interdit de rejoindre un réseau concurrent pendant un an après leur sortie. Et ils aspirent à en obtenir la levée.

      Certes, plusieurs causes peuvent expliquer cette évaporation massive de franchisés depuis fin 2023 : un marché immobilier moins porteur, le taux élevé de redevances (8 %), la croissance rapide du réseau, le décès en 2019 d’un des directeurs, etc. Mais l’image abîmée de sa figure de proue joue à plein depuis plusieurs mois.

      Et c’est précisément en invoquant cette détérioration de la marque – l’un des trois éléments essentiels de tout contrat de franchise avec le savoir-faire et l’assistance – que les avocats des franchisés tentent d’obtenir satisfaction pour leurs clients.

      Maître Fanny Roy, associée du cabinet lyonnais Piot-Mouny, Roy & Machado
      Maître Fanny Roy, associée du cabinet lyonnais Roy & Associés

      « L’argument des franchisés qui consiste à dire que, (dans ces conditions), le franchiseur ne remplit plus ses obligations contractuelles est entendable par une juridiction », estime Maître Fanny Roy, du cabinet lyonnais Roy & Associés, qui conseille principalement des dirigeants de chaînes.

      Une chose est sûre : le groupe M6 – qui est l’actionnaire majoritaire (à 51 %) de Stéphane Plaza Immobilier – est devant un problème sérieux et risque de perdre encore du terrain. A moins de changer le nom de l’enseigne, ce qui l’obligera à repartir sur d’autres bases avec l’assentiment des franchisés, car il s’agit de modifier un élément-clé du contrat.

      En tout cas, « de nombreux franchisés semblent attendre de connaître la décision de M6 avant de décider eux-mêmes de rester ou de partir », indique Maître Charlotte Bellet.

      Personnalisation du nom d’enseigne en franchise : attention au revers de la médaille !

      On le comprend donc aisément : en franchise, le choix du nom de l’enseigne n’est pas anodin. Il peut avoir des conséquences importantes, positives ou négatives, sur le ralliement de la clientèle et donc l’activité des franchisés. Les candidats à la franchise, futurs franchisés comme futurs franchiseurs, ont donc tout intérêt à ne pas traiter cette question à la légère.

      Alors comment faire pour ne pas se tromper ?

      « Opter pour la personnalisation à outrance de la marque-enseigne, c’est prendre un risque pour un réseau », avertit Maître Fanny Roy, qui tire ainsi les leçons des déboires de la chaîne immobilière.

      Salon de coiffure à l'enseigne Franck ProvostCertes, l’histoire de la franchise en France est jalonnée de succès de franchiseurs qui ont donné leur nom à leur enseigne, d’Alain Afflelou à Yves Rocher en passant par Jacques Dessange, Franck Provost, Guy Hoquet, etc. Il n’empêche, le risque est là. D’ailleurs, parmi les centaines de réseaux présents au salon Franchise Expo Paris 2025, seule une petite vingtaine avait fait ce choix.

      « Ce n’est pas la tendance », confirme Éric Schahl, associé du cabinet Made in IP (MIIP) et expert en propriété intellectuelle bien connu du monde de la franchise. « Il est vrai qu’un nom d’enseigne de ce type, outre qu’il a un caractère distinctif très fort, présente un côté « intuitu personæ », un aspect rassurant pour le consommateur et donc pour le franchisé. Et tant qu’il n’y a pas d’imprévu, tout va bien. Mais dès qu’un problème surgit, on prend de plein fouet le retournement de notoriété qui en découle. »

      « On touche là aussi à la question de la séparabilité », poursuit le spécialiste : « si le prénom Kenzo est devenu une marque détachée de la personne du célèbre couturier après la cession de son entreprise, cela n’est pas toujours possible. » « Enfin, on peut être contesté par un homonyme »…

      Les dangers d’une marque-enseigne de franchise trop descriptive

      De fait, beaucoup de franchiseurs choisissent un nom d’enseigne à caractère descriptif, c’est-à-dire plus ou moins proche de leur domaine d’intervention. C’est le cas notamment au démarrage. « L’intérêt est évident : cela rend l’activité du réseau immédiatement compréhensible par le public », admet Éric Schahl.

      La pratique comporte cependant des risques et notamment celui d’être imité par des suiveurs, ce qui peut créer la confusion dans l’esprit du public placé devant un bouquet de chaînes aux noms très proches. On l’a vu dans plusieurs secteurs.

      Les réseaux risquent aussi de voir leur marque-enseigne purement et simplement annulée par les tribunaux. C’est ce qui est arrivé en juin 2024 à une franchise d’une trentaine d’unités qui avait attaqué un concurrent dont elle jugeait le nom trop proche du sien. C’est la plaignante qui a été condamnée. Sa marque a été annulée par la cour d’appel de Rennes parce qu’elle n’était « pas distinctive ».

      Il faut dire, comme le rappelle Maître Fanny Roy, que « dans cette affaire, le nom de l’enseigne reprenait celui du produit vendu. Un peu comme si une franchise de chocolats avait pris pour marque le seul mot chocolat ». L’unique élément qui le distinguait était un petit dessin discrètement ajouté au-dessus d’une des lettres. « Insuffisant » ont dit les juges qui ont de même estimé son développement comme ne permettant pas encore « d’asseoir (sa notoriété) auprès du grand public ».

      Depuis, le réseau a fait appel à un expert en propriété intellectuelle qui lui a recommandé de faire évoluer l’identité visuelle de la marque. Cela a été fait, de manière à conserver le nom déjà connu tout en l’accompagnant d’une base-line descriptive et d’un dessin nettement plus flagrant que le précédent. La réparation est sans doute judicieuse, mais un choix plus réfléchi dès le départ aurait permis d’éviter cette mésaventure judiciaire.

      Hélas, les experts en conviennent, « trop de jeunes réseaux déposent leur marque sans se faire aider d’un spécialiste » et les erreurs ne sont pas rares.

      L’intérêt pour une franchise d’un nom d’enseigne distinctif

      Exeprt-Franchise-Eric-Schahl
      Éric Schahl, associé du cabinet Made in IP (MIIP)

      Voilà pourquoi nombre d’autres franchiseurs préfèrent, et pas seulement pour des raisons juridiques, un nom de marque-enseigne qui affirme plutôt un « caractère distinctif ». « C’est-à-dire qui met suffisamment de distance entre l’activité pratiquée et le signe choisi, à la manière d’Orange en téléphonie, illustre Éric Schahl. Et là, pour se faire connaître et attirer les premiers clients, il faut faire un gros effort de communication. »

      « On peut être descriptif au départ », nuance le spécialiste membre du collège des experts de la FFF, « mais quand on commence à avoir du succès, on se doit souvent de basculer vers un nom moins connoté, moins facile à imiter. C’est ainsi que Covoiturage.fr est devenu Bla Bla Car par exemple, ce qui permet aussi de se développer plus facilement à l’international. »

      Maître Fanny Roy va dans le même sens. Pour elle, le fait d’arborer parfois d’emblée un nom d’enseigne sans aucun lien évident avec l’activité, voire une marque qui peut paraître énigmatique, n’est pas un handicap. « D’abord parce que cela évite les risques liés aux enseignes trop descriptives, mais aussi parce qu’avec une bonne campagne de communication, c’est de la marque énigmatique que le consommateur se souviendra et pas de celles qui se confondent. C’est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui avec les réseaux sociaux et les influenceurs, il est plus facile et moins coûteux qu’avant de se faire remarquer. »

      « Le plus malin sans doute est de trouver un nom d’enseigne qui soit à la fois bien distinctif et suffisamment évocateur, de façon à amener le consommateur à faire des associations d’idées », suggère Éric Schahl, qui donne en exemple la chaîne de restauration rapide Big Fernand. « Pour valoriser sa promesse-produit différente de celle de ses concurrents anglo-saxons – il propose des hamburgers sur mesure en moins de cinquante-cinq secondes -, il fait clairement allusion à un produit phare du métier tout en mettant l’accent sur son côté français. Il se définit et s’oppose. C’est plutôt une bonne formule. »

      Face au dénigrement de la marque-enseigne de franchise sur les réseaux sociaux

      Autre point de fragilité des enseignes : les réseaux sociaux où il est facile à un client mécontent ou à un influenceur de s’en prendre à une marque et de faire des dégâts. Face à ce problème, « les franchiseurs ne sont pas démunis », affirme Maître Roy : « si le dénigrement est commandité par un concurrent, on peut l’attaquer en concurrence déloyale ; sinon, il est possible de mener une action en responsabilité civile à l’encontre de l’influenceur. En assignant puis en négociant, on peut obtenir le retrait des commentaires qui gênent ».

      Un avis partagé par Éric Schahl, pour qui « le dirigeant de réseau peut aussi riposter sur le plan communication, de préférence en utilisant l’humour, c’est-à-dire en tournant en dérision l’attaque, si nécessaire en faisant appel à une agence spécialisée. Le défi est de ne pas réagir de manière négative ou de surréagir. Parfois, le silence est la meilleure réponse : après quelques temps, la vague retombe. »

      Conseils aux futurs franchisés

      On le comprend, si le choix du nom de la marque-enseigne est bien, comme sa protection par la suite, du domaine de compétence du franchiseur, il peut avoir des conséquences importantes sur l’activité des franchisés.

      D’où la nécessité, pour les candidats à la formule, de s’y intéresser en s’assurant d’abord que la société qui développe le réseau est bien propriétaire de la marque – ou au moins titulaire des droits – et qu’elle est bien protégée.

      Pour cela, le mieux est de « faire analyser par un avocat spécialisé en franchise le DIP, Document d’information précontractuelle » qui contient normalement des informations à ce sujet. « L’expert verra tout de suite si le réseau tient la route », assure Maître Fanny Roy.

      « Le candidat a intérêt aussi à demander au franchiseur de lui détailler sa stratégie de marque et ce qu’il a décidé pour qu’elle reste pérenne », ajoute Éric Schahl. Les entreprises de franchise sont censées avoir des idées précises sur le sujet, vérifiez donc si c’est bien le cas. Si votre interlocuteur élude votre question ou vous répond de manière plutôt vague, attention ! »

      >A Lire aussi sur le sujet :

      -L’interview de Maître Fanny Roy, avocate spécialisée en franchise

      -L’interview d’Eric Schal, spécialiste en propriété intellectuelle