Un commissionnaire-affilié rejoint une enseigne implantée surtout en province et ouvre en banlieue nord-est de Paris un point de vente qui doit rapidement fermer. Il assigne sa tête de réseau en justice pour tromperie sur le marché local et réclame des indemnités. Il est débouté en appel.
Est-ce la faute de la tête de réseau si l’un de ses concepts, qui fonctionne bien en province et dans la couronne ouest de Paris, échoue dans la banlieue nord-est ? Oui, affirme un commissionnaire-affilié dont le point de vente s’y est trouvé dès le départ (en 2013) déficitaire – avec un chiffre d’affaires inférieur de 70 % aux prévisions – et a dû fermer après deux exercices (en 2015).
Estimant que l’enseigne a « surestimé l’attractivité de son concept » dans ce type de territoire et lui a même « dissimulé les réalités du marché local » pour lui faire signer son contrat, l’affilié en réclame l’annulation devant la justice et plusieurs centaines de milliers d’euros d’indemnités correspondant à ses investissements perdus.
Saisie, la cour d’appel de Rennes n’est pas de son avis. Dans son arrêt du 17 mars 2020, elle considère qu’il n’y a pas eu tromperie.
Pour les juges, l’affilié connaissait bien le marché local et avait l’expérience requise pour évaluer ses risques
Il est vrai, admettent les magistrats, que deux autres points de vente de la même enseigne situés dans la même banlieue et ouverts en 2011 ont eux aussi échoué. Mais leur fermeture est intervenue après celle du plaignant. Et celui-ci avait, avant de signer son contrat, la possibilité de se renseigner auprès des affiliés concernés sur la situation réelle de leur commerce.
Par ailleurs, l’affilié connaissait bien le marché local animant déjà un point de vente sur un segment de marché très complémentaire dans le même centre commercial. Et n’ignorait pas, entre autres, les difficultés d’accès temporaires liées aux travaux du tramway.
En outre, en sa qualité de commerçant multi-enseignes ayant fondé son propre groupe, le commissionnaire-affilié avait à un moment ou à un autre dirigé ou été associé à la direction d’une douzaine de points de vente du même secteur d’activité dans la grande région parisienne. Il avait donc, selon la cour, « l’expérience requise » pour comprendre que, vu l’implantation habituelle de la marque (encore peu connue nationalement) et les caractères spécifiques de la clientèle sur le territoire ciblé, « une part d’inconnu préexistait au projet envisagé ». Les juges notent encore à ce propos que le plaignant ne prouve pas avoir procédé lui-même à une étude précise de son futur marché local ni aux « études comptables » auxquelles il s’était engagé par contrat.
Les chiffres transmis n’étaient, pour la cour, « pas irréalistes »
De son côté, la tête de réseau (qui développe une série de concepts complémentaires dans le même secteur d’activité), n’a pas, selon les juges, transmis de comptes prévisionnels aboutis, mais simplement des éléments chiffrés et des conseils de prudence.
Éléments qui, de plus, ne semblent « pas irréalistes » à la cour. D’abord parce que deux autres points de vente à l’enseigne situés dans d’autres centres commerciaux du même département ont atteint a posteriori leurs prévisions. Ensuite parce que, sur la période 2012-2013 qui précède le premier exercice du plaignant, le CA moyen d’un point de vente à l’enseigne pour sa première année d’ouverture a atteint plus de 880 k€ (au lieu des 202 réalisés par l’affilié). Des niveaux en conformité avec les éléments chiffrés transmis au candidat.
Pour les juges, il n’y a donc pas eu de « manœuvres dolosives » visant, de la part de la tête de réseau, à tromper le commissionnaire-affilié. Lequel est débouté de ses demandes d’annulation du contrat et d’indemnités.
Les risques spécifiques du contrat de commission-affiliation
De même, alors que la tête de réseau a, à deux reprises, accepté d’augmenter le taux de commission de l’affilié (le passant de 40 à 50 %) afin de l’aider à améliorer sa rentabilité, la cour écarte ses accusations sur le « manque d’assistance » de son partenaire.
Les magistrats ne retiennent pas davantage les reproches de l’affilié portant sur « l’inadaptation des produits et des prix à la clientèle locale ». Ils rappellent qu’en signant un contrat de commission-affiliation, par lequel il s’était engagé à commercialiser les produits de son commettant, l’affilié a précisément accepté de prendre ce « risque commercial ». Sans que cette situation puisse être « considérée comme symptomatique d’un comportement fautif » de la tête de réseau.
La cour d’appel de Rennes rejette donc également la demande subsidiaire de l’affilié tendant à obtenir la résiliation de son contrat aux torts exclusifs de l’enseigne. L’affilié est débouté de toutes ses demandes.