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      Échec de deux concessionnaires : ni le concédant ni la banque ne sont en cause, selon les juges - Brève du 20 décembre 2021

      Brève
      20 décembre 2021

      Deux néophytes devenus concessionnaires échouent dans leur projet en quelques mois. Ils assignent leur concédant et la banque qui les a financés, leur reprochant de les avoir trompés pour l’un, pas mis en garde pour l’autre. La cour d’appel de Paris les déboute de toutes leurs demandes.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris a refusé le 14 octobre 2021 d’annuler un contrat de concession et a rejeté toutes les autres demandes des deux concessionnaires concernés.

      Dans ce litige, le contrat est signé par les deux associés en avril 2012 et le magasin ouvert en août. Mais après seulement quelques mois, les difficultés et les impayés s’accumulent. Et en octobre 2013, la société concessionnaire est placée en liquidation judiciaire.

      « Mauvais emplacement, DIP inexact et informations financières trompeuses » : les concessionnaires demandent la nullité du contrat

      Devant la cour d’appel de Paris, les concessionnaires et le liquidateur de leur société, déboutés en première instance, réclament la nullité du contrat et d’importantes sommes en compensation du préjudice qu’ils estiment avoir subi.

      Ils reprochent au concédant de leur avoir permis de trouver et validé « un emplacement trop grand pour leur zone de chalandise » et d’avoir persisté dans ce choix malgré les doutes qu’ils avaient exprimés.

      Ils affirment que les informations précontractuelles délivrées se sont révélées « insuffisantes, inexactes et parcellaires », viciant ainsi leur consentement. Ils ajoutent que les informations financières transmises ont provoqué une erreur sur la rentabilité du projet.

      Tous les deux anciens salariés, les concessionnaires soulignent enfin leur méconnaissance de l’activité commerciale choisie, même si l’un travaillait dans un secteur proche et l’autre était informaticien depuis 17 ans dans le réseau concerné.

      « Rien ne prouve que l’emplacement était inadapté et imposé par le concédant », juge la cour d’appel

      La cour d’appel de Paris écarte tous leurs arguments. Aux yeux des juges, « les courriels produits aux débats ne permettent pas d’établir que (le concédant) a joué (…) un rôle déterminant dans le choix de la ville (…) ou du local finalement retenu ». Ils mettent « au contraire en évidence » que les concessionnaires « ont été très actifs dans les recherches » et ont « préféré ce local à d’autres ».

      Ce n’est pas parce qu’ils ont évoqué leurs doutes dans un courriel qu’ils ont pour autant réellement sollicité le conseil de la société concédante, estiment les magistrats.

      En outre ils « ne démontrent aucunement que la surface de leur local (…) était manifestement disproportionnée (…) ». Une telle preuve ne pouvant résulter, selon la cour, du fait que d’autres magasins du même réseau se sont installés sur des surfaces plus petites dans des zones à plus forte densité de population.

      Certes, les chiffres du DIP étaient anciens, la présentation du marché succincte et celle du réseau incomplète. Mais cela ne suffit pas, explique la cour

      Concernant l’état local du marché et les perspectives de développement « il n’est pas établi », indique l’arrêt, « que cette présentation, bien que succincte, soit mensongère ou trompeuse. »

      Certes, les chiffres de l’INSEE cités dataient de 2006. Mais « il n’est pas indiqué quelle information était inexacte en 2012 » ni quelle information absente aurait été « de nature à induire en erreur les concessionnaires » à qui il appartenait, rappellent les juges, d’effectuer une étude d’implantation précise, ce qu’ils n’ont pas fait.

      Quant à l’état de la concurrence, il « n’est pas démontré » non plus qu’il aurait été inexact. Les concessionnaires auraient pu d’ailleurs demander qu’il soit complété, indique la cour.

      Certes, elle l’admet, la présentation du réseau était incomplète. « Il n’est cependant pas démontré en quoi les informations manquantes étaient susceptibles d’avoir une influence sur l’appréciation de la rentabilité du projet ou de nature à déterminer la société concessionnaire à ne pas s’y engager. »

      Quant aux informations financières transmises, elles étaient sérieuses, estiment les magistrats

      Concernant le compte prévisionnel, « il n’est nullement établi » pour la cour, qu’il ait été élaboré par la société concédante. Certes elle a mis en contact les concessionnaires avec un cabinet d’experts-comptables spécialisés en franchise, mais «il n’est pas démontré qu’elle l’aurait imposé ».

      Et ce n’est pas parce que le responsable de secteur a transmis des informations sur les frais d’établissement à prévoir et le potentiel d’achat de la zone qu’il a pour autant réalisé le prévisionnel.

      Ce sont les concessionnaires eux-mêmes qui ont validé ces comptes établis par l’expert-comptable qui a d’ailleurs retravaillé les chiffres transmis par l’enseigne, notent les magistrats.

      Enfin, ils soulignent que le délai de 11 mois qui s’est écoulé entre la première rencontre en mai 2011 et la signature du contrat en avril 2012 était « largement suffisant pour que les concessionnaires analysent et complètent les informations transmises par le concédant. »

      La nullité du contrat de franchise pour vice du consentement est donc rejetée

      Devenir-Franchise-DIPConclusion : les plaignants « échouent à démontrer » que la société concédante aurait « par réticence dolosive ou en fournissant des informations inexactes ou trompeuses » induit en erreur les concessionnaires « sur la rentabilité du projet de magasin et vicié leur consentement ».

      La demande de nullité du contrat de concession est rejetée. En conséquence, le liquidateur de la société n’obtient pas les 500 000 € qu’il réclamait en compensation de l’investissement compromis. Les deux associés ne percevront pas non plus les 50 000 € qu’ils espéraient chacun pour « perte de chance de mieux investir leurs capitaux » ni les près de 50 000 pour l’un et plus de 70 000 pour l’autre, correspondant aux salaires qu’ils auraient perçus s’ils étaient restés dans leurs emplois entre avril 2012 et octobre 2013…

      Pas de résiliation aux torts du concédant non plus car « pas d’obligation d’assistance pour lui dans ce contrat »

      La cour d’appel de Paris refuse également de résilier le contrat aux torts du concédant, ce que réclamaient les plaignants faute de nullité. Car pour eux, le concédant avait « manqué à son obligation d’assistance en n’engageant pas de mesures sérieuses en vue d’améliorer les résultats ».

      La cour confirme sur ce point aussi le jugement de première instance.

      Certes, elle rappelle que « le concédant doit une certaine assistance commerciale et technique au concessionnaire, qui peut être également assortie d’une assistance financière et d’un devoir de conseil », mais c’est pour ajouter aussitôt que cette « obligation d’assistance ne doit pas porter atteinte à l’indépendance juridique du distributeur sous peine de considérer que le concédant est un dirigeant de fait. »

      Et surtout, les magistrats observent que le contrat de concession signé par les parties en litige ne prévoyait « aucune obligation d’assistance à l’égard des concessionnaires (…) en dehors d’un support fourni pour le lancement du point de vente ».

      Pour les concessionnaires, la banque qui les a financés avait aussi une responsabilité dans leur échec

      Enfin, les plaignants mettaient en cause la banque qui leur avait accordé un emprunt de 197 000 € pour un investissement total de 462 000.

      Relevant qu’elle fait partie d’un groupe « qui se prévaut au niveau national d’une compétence particulière en matière de franchise », ils considèrent qu’elle « s’est engagée en amont », selon les termes mêmes de sa communication, « à réaliser un travail d’analyse de la qualité à la fois de l’emplacement, du franchisé et du franchiseur ».

      Pour eux, cet engagement avait « valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillé, il a nécessairement eu une influence sur le consentement des concessionnaires et leur a légitimement fait croire qu’ils bénéficieraient de l’éclairage particulier de la banque ».

      Par ailleurs, la banque a selon eux « gravement manqué à ses obligations de mise en garde » des concessionnaires « en les laissant emprunter près de 200 000 € sans vérifier si ce montant était adapté aux capacités financières de la société et des cautions ».

      Là encore, la cour rejette leurs arguments : selon eux, la banque n’a pas commis de faute

      La cour rejette ces arguments. Pour elle « il ne résulte d’aucun document contractuel produit aux débats que la banque se serait engagée à apporter une expertise sur l’opération financée. Les publicités (du groupe national concerné) ne sauraient concrétiser un tel engagement, d’autant plus que l’opération envisagée portait sur une concession et non sur une franchise. » En outre, les plaignants « n’apportent pas la preuve » que l’établissement bancaire aurait détenu des « éléments sur le projet envisagé qu’ils ignoraient ».

      Concernant le devoir de mise en garde du banquier, la cour indique d’abord, rappelant une règle générale, qu’il « ne porte pas sur l’opportunité ou les risques de l’opération financière mais sur une inadaptation de l’engagement aux capacités financières de l’emprunteur ou de la caution et au risque d’endettement qui en résulte. »

      La cour relève ensuite que « les prévisionnels établis par le cabinet d’expertise comptable faisaient état d’un chiffre d’affaires annuel espéré de l’ordre d’1,2 million d’euros », et qu’aucun élément « ne lui permettait de remettre en cause les documents fournis qui présentaient un caractère sérieux et approfondi. (…) Dans ces conditions, en absence de risque, la banque n’était tenue d’aucun devoir de mise en garde à l’égard de la société concessionnaire ».

      Enfin, les emprunteurs étaient tous les deux propriétaires de biens immobiliers (dont une résidence secondaire mise en location) estimés à hauteur au total de 545 000 € pour l’un et 240 000 pour l’autre, de quoi pouvoir honorer, selon les juges, un engagement de caution de 59 100 € chacun.

      L’action en responsabilité de la banque dans l’échec des concessionnaires est donc elle aussi rejetée.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de paris, Pôle 5, chambre 4, 14 octobre 2021, n° 17/10801

      A Lire aussi sur le sujet :

      L’écho de Théodora Leichnig, chargée d’enseignements, dans la Lettre de la distribution de novembre 2021