C’est assez rare pour être souligné : la cour d’appel de Paris – Pôle 5, chambre 4 – donne tort à un franchiseur. Motif : la clause de non-concurrence d’un de ses contrats limitait abusivement la liberté du franchisé après son départ du réseau.
La cour d’appel de Paris a tranché le 21 juin 2017 un litige survenu – après la fin du contrat – entre un franchiseur et un de ses ex-franchisés.
Le conflit éclate en septembre 2012. Après 8 ans de collaboration, le franchisé indique à son partenaire qu’il ne continue pas son activité sous son enseigne. Le contrat de franchise prend fin à son terme en mars 2013.
Méfiant, le franchiseur fait procéder deux mois plus tard à un constat d’huissier puis assigne son ex-franchisé en justice pour violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle et parasitisme.
Débouté de sa demande par le tribunal de commerce de Paris en juin 2015, le franchiseur fait appel. Il réclame que le franchisé soit contraint de cesser son activité et condamné à lui verser, entre autres, 250 000 € « en réparation du trouble commercial et de la captation de savoir-faire commise au préjudice (de l’enseigne) ».
Une clause de non-concurrence post-contractuelle jugée non valide…
La cour d’appel confirme au contraire le jugement de première instance qui déboutait le franchiseur. Pour les magistrats de Paris (Pôle 5, chambre 4), la clause de non-concurrence post-contractuelle sur laquelle il s’appuie « n’est pas valide, n’étant limitée ni dans son objet, ni dans l’espace ».
La clause litigieuse interdisait au franchisé toute activité « proche ou éloignée de l’activité du réseau ». Aux yeux des juges, elle allait ainsi au-delà de la spécialité du franchiseur et donc de l’objet du contrat. Et ce, pendant un an sur l’ensemble du territoire national. Une durée admise, mais un espace très important, régulièrement retoqué par la jurisprudence, qui s’est plutôt limitée jusqu’à présent à la zone d’exclusivité des franchisés.
Pour sa défense, le franchiseur invoque la nécessaire protection de son savoir-faire spécifique. Les magistrats en reconnaissent l’existence, ce qui fonde pour eux en partie la clause de non-concurrence. Mais ils estiment que celle-ci a «pour conséquence de restreindre abusivement les domaines dans lesquels (le franchisé) pouvait exercer une activité à l’expiration du contrat ».
…« N’étant limitée ni dans son objet, ni dans l’espace »
Pour les magistrats de Paris, cette clause de non-concurrence post-contractuelle annulée à juste titre par les premiers juges n’est donc « pas opposable (au franchisé) ». Qui peut continuer son activité et n’a pas à verser de réparations à son ex-franchiseur.
La cour d’appel ne reconnaît pas davantage le parasitisme. Estimant que l’activité poursuivie par l’ex-franchisé se distingue suffisamment de celle de son ancien réseau et n’en « constitue pas un plagiat », malgré des « similarités techniques ».
De même pour sa communication (site Internet, tracts, etc.) et ses méthodes commerciales également mises en cause par le franchiseur. Qui se voit ainsi débouté de ses demandes contre son ex-franchisé.
Non-concurrence post-contractuelle : ce que dit la loi
Cette décision de la cour d’appel de Paris, sévère pour le franchiseur, s’inscrit dans l’esprit du droit européen sur la question (règlement d’exemption du 20 avril 2010, article 5.3).
Un droit européen désormais intégré au droit français, depuis la loi du 6 août 2015 (dite loi Macron). Laquelle précise (article L 341-2 du Code de commerce) que pour être admise, une clause de non-concurrence post-contractuelle doit, à la fois :
-concerner les biens et services en concurrence avec l’objet du contrat,
-être limitée aux terrains et locaux de l’exploitant,
-être indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur,
-ne pas excéder un an après la fin du contrat.
Une loi qui, certes, laisse une place à l’appréciation des juges (notamment sur la protection du savoir-faire), mais fixe des limites bien précises aux franchiseurs.
A lire aussi sur le sujet :
-l’analyse approfondie d’Anouk Bories, Maître de conférences à l’Université de Montpellier, dans la « Lettre de la Distribution » de septembre 2017.