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      Contrats : attention à la confusion entre partenariat et franchise - Brève du 10 novembre 2021

      Brève
      10 novembre 2021

      Accusant son ancienne tête de réseau de s’être fait passer pour une franchise avec l’assistance que cela induit, un ex-partenaire déçu de ses performances demande la nullité de son contrat. Il est débouté et sévèrement condamné en appel pour non-respect de ses engagements contractuels. Si la formule est réputée plus souple que la franchise, un contrat de partenariat peut comporter des exigences bien précises.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris a débouté récemment un plaignant qui estimait avoir été trompé par sa tête de réseau. Parce que celle-ci avait entretenu selon lui la confusion entre partenariat et franchise, il s’était attendu à une assistance et des performances bien supérieures à la réalité.

      Dans ce litige, le contrat est signé en 2013 pour une durée de 6 ans. Le dirigeant s’engage à transmettre des informations résultant de l’expérience acquise par l’exploitation de sa succursale ouverte en juillet 2012, une formation théorique puis pratique à son domaine d’activité et à ses produits ainsi qu’une assistance (définie) et une exclusivité territoriale.

      En contrepartie le partenaire doit verser un droit d’entrée symbolique de 1 000 €, respecter la gamme de marchandises imposée par la marque, s’approvisionner exclusivement auprès d’elle à hauteur de 80 %, respecter un objectif minimum de commandes et lui verser une redevance de 4,5 % de son chiffre d’affaires HT.

      Un chiffre qu’il doit régulièrement communiquer à l’enseigne, ainsi que les coordonnées de ses clients de façon à lui permettre d’organiser des actions publicitaires. Le contrat comprend aussi des clauses de non-concurrence pendant et après le contrat.

      A mi-parcours, la tête de réseau résilie le contrat de partenariat

      Mais les relations vont peu à peu se détériorer. En mars 2016, après s’être plaint auprès du partenaire de ses « nombreux manquements contractuels », l’avoir mis en demeure d’y mettre fin, lui avoir envoyé un huissier, la tête de réseau résilie le contrat.

      Peu après, les deux parties saisissent la justice.

      En juin 2018, le tribunal de commerce de Paris déboute l’ex-partenaire de ses demandes et le condamne assez sévèrement pour fautes. Celui-ci fait appel, réclamant toujours la nullité de son contrat pour dol par vice du consentement ou, à défaut, sa résolution aux torts exclusifs du dirigeant de la chaîne.

      Pour le partenaire, l’enseigne s’est  « fait passer pour une franchise »

      Le plaignant affirme que « l’enseigne a mélangé, dans sa communication précontractuelle, les termes de franchise et de partenariat et s’est fait passer pour une franchise ». Pour lui, cette démarche était intentionnelle. Il s’agissait de faire croire aux partenaires qu’ils allaient bénéficier du sérieux d’un véritable réseau de franchise.

      Il souligne aussi qu’il n’était « pas un juriste spécialisé en franchise mais un ancien commercial » dans un secteur d’activité sans aucun rapport avec celui de l’enseigne rejointe. Il n’a donc « pas pu percevoir les différences » entre les deux formules.

      Il considère que s’il avait connu la réalité, il n’aurait pas signé ce contrat. Il en demande donc l’annulation.

      Pour la cour, la communication de l’enseigne était claire « même pour un profane »

      Selon la cour, au contraire, qu’il s’agisse de communication précontractuelle (publicité, DIP), du contrat lui-même, ou de communications ultérieures dans la presse, la tête de réseau a bien précisé qu’elle « ne proposait pas un contrat de franchise, mais une formule plus souple, proche de la licence de marque » .

      Aux yeux des magistrats, dans tous ces documents, les choses étaient « claires et ce, même pour un profane en droit de la franchise ». Il n’y avait pas de confusion possible selon eux sur « l’étendue de l’obligation d’assistance ». Il n’était pas question non plus de « transmission de savoir-faire ». On n’était pas en présence d’une franchise.

      Le jugement du tribunal de commerce de Paris, qui déboutait l’ex-partenaire de sa demande d‘annulation du contrat, est donc confirmé.

      L’ex-partenaire multiplie aussi les reproches quant à l’exécution du contrat

      Rupture contrat de franchiseMais le partenaire reproche aussi à l’enseigne de nombreux manquements dans l’exécution du contrat. Des fautes qui justifient selon lui qu’il n’ait pas respecté de son côté ses obligations contractuelles. Et qu’il demande la résolution aux torts exclusifs de son ex-dirigeant.

      Ainsi, la tête de réseau aurait notamment « modifié de façon totalement arbitraire » la composition de sa gamme contractuelle, stoppé le référencement de produits appréciés de la clientèle. Elle n’aurait pas fourni un logiciel essentiel à l’activité et se serait livrée à des actes de concurrence déloyale.

      La cour rejette sa demande de résolution aux torts de la tête de réseau…

      La cour rejette une à une ces accusations. Elle retient notamment que le contrat « autorisait la tête de réseau à retirer certains produits de sa gamme » et que la décision a d’ailleurs « été prise avec l’appui de partenaires en réunion de réseau ».

      Les magistrats écartent aussi l’organisation de concurrence déloyale même si « certaines sociétés tierces autonomes par rapport à la tête de réseau » ont continué à vendre les produits objets du litige.

      Enfin un constat d’huissier montre que c’est le partenaire qui a « refusé d’acquérir le logiciel prévu au contrat », même après que les problèmes posés par son imperfection aient été résolus.

      La cour déboute le plaignant de ses demandes. Comme elle le fait à propos du déséquilibre significatif, également invoqué.

      …et la prononce au contraire à ses torts exclusifs pour de « nombreux manquements contractuels

      A l’inverse, elle prononce la résolution du contrat aux torts exclusifs du partenaire. Les magistrats listent 9 manquements contractuels de sa part.

      Ainsi, il n’a selon eux « pas respecté la gamme obligatoire de produits, ne s’est pas approvisionné à hauteur de 80 % auprès de l’enseigne,  a refusé de recourir au logiciel contractuel », manquements qui à eux seuls justifient la résolution du contrat à ses torts.

      Mais en outre, la cour lui reproche de n’avoir pas communiqué mensuellement ses factures d’achat de produits, de ne pas avoir soumis ses publicités à l’approbation du réseau, de ne pas lui avoir communiqué ses comptes sociaux, de ne pas avoir informé la tête de réseau qu’il n’était pas majoritaire dans sa société

      Validant les clauses de non-concurrence post-contractuelles, la cour reproche à l’ex-partenaire de ne pas les avoir respectées

      La cour valide également les clauses de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelles du contrat car « limitées dans le temps à une année et dans l’espace au territoire concédé, elles n’étaient nullement disproportionnées » à la nécessaire protection de la marque. Or, le partenaire n’a pas respecté ces clauses en continuant la même activité dans son point de vente.

      Qui plus est, les magistrats lui reprochent d’avoir « fautivement et intentionnellement continué d’utiliser commercialement une page Facebook » au nom de son ex-enseigne. Et d’avoir « apposé pour l’exploitation illicite de son magasin une nouvelle enseigne de nature à prêter confusion avec les éléments distinctifs (de son ancien réseau) ».

      Près de 250 000 euros de pénalités diverses pour l’ex-partenaire

      En conséquence, le partenaire est condamné à verser à son ex-tête de réseau plus de 60 000 € correspondant notamment aux redevances qui auraient été dues si le contrat était allé à son terme.

      La cour ajoute 90 000 € de clause pénale (10 000 € par manquement contractuel constaté). Ainsi que 75 000 € pour le « viol des clauses de non-concurrence post-contractuelles » et encore 20 000 € pour la confusion créée dans son point de vente avec les signes distinctifs de sa précédente enseigne.

      Cette dernière condamnation, explique l’arrêt, est justifiée par l’importance de la marque dans ce type de contrat (dans ce litige, sa mise à disposition du partenaire représentait la contrepartie de 40 % du montant de la redevance).

      Les juges prennent soin de préciser que ces sommes ne leur paraissent « pas excessives » (à l’égard des manquements commis). Pas sûr que ce soit l’avis de l’ancien partenaire.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 1er septembre 2021

      A lire aussi sur le sujet :

      -l’article de Nicolas Eréséo, maitre de conférences à l’université de Strasbourg, paru dans la Lettre de la distribution d’octobre 2021