Après la résiliation de ses contrats, un multifranchisé fait passer ses points de vente (et d’autres) sous une enseigne commune créée pour l’occasion. Ce faisant il ne constitue pas un réseau concurrent de son franchiseur, estime la cour d’appel de Paris.
La cour d’appel de Paris a tranché, le 23 janvier 2019, un litige entre un franchiseur et un de ses multifranchisés portant, notamment, sur la création d’un réseau concurrent après le contrat.
Dans cette affaire, un franchisé signe, en 2004 et 2005, une série de contrats et ouvre 7 points de vente à l’enseigne du franchiseur dans une même région. En 2010, il crée une seconde société et ouvre deux nouvelles adresses dans une région voisine. Mais la belle mécanique se grippe. En mars 2012, les deux parties échangent des courriers recommandés. Le franchiseur réclame le règlement de ses redevances tandis que le franchisé, constatant la situation déficitaire de ses deux derniers établissements, se plaint du défaut d’assistance de son partenaire et réclame une séparation amiable.
En juillet, le franchiseur résilie tous les contrats pour défaut de paiement. Quelques mois plus tard, le franchisé, qui poursuit son activité, arbore sur ses 7 premiers points de vente une nouvelle enseigne.
Début 2013, le franchiseur saisit la justice afin d’obtenir la résiliation des contrats aux torts du franchisé et le paiement des redevances. Mais aussi 100 000 € de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle qui, pendant un an après la fin du contrat, interdit au franchisé de « créer (ou adhérer à ) un réseau concurrent (dans le même domaine) sur toutes les villes » où il a ouvert un point de vente.
Des contrats résiliés aux torts du franchisé
Saisie, la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4) confirme la résiliation des contrats aux torts du franchisé. Pour les juges, celui-ci ne peut pas invoquer comme il l’a fait de « défaut d’informations préalables » lors de ses dernières ouvertures (notamment l’absence d’informations sur les difficultés du franchisé précédent et l’état du marché local). Puisqu’il était « membre du réseau depuis 6 ans » et le « connaissait parfaitement » lors de la création de sa seconde société. Par ailleurs, la cour ne constate « aucun manquement du franchiseur en lien direct avec les mauvais résultats » de la société franchisée concernée.
Aussi, la cour d’appel confirme sur ce point le jugement du tribunal de commerce. Les sociétés du franchisé sont condamnées à régler au total près de 300 000 € de factures impayées (y compris chacune 10 000 € de pénalité prévue au contrat comme indemnité de rupture).
Une nouvelle définition du réseau de franchise
En revanche, la cour d’appel déboute le franchiseur de ses demandes en matière de non-concurrence post-contractuelle.
Pour le franchiseur, pourtant, le franchisé a « sciemment enfreint son obligation de non création d’un réseau concurrent :
-en apposant une enseigne (proche de la sienne sur 7 de ses 9 points de vente),
-(en acceptant qu’elle soit adoptée par d’autres entrepreneurs du secteur) dont un ex-franchisé (du réseau),
-en proposant à des franchisés arrivés au terme de leur contrat (d’en faire autant),
-en plagiant le concept (prestations et formule identiques).»
Pour les magistrats, au contraire, le franchisé n’a « ni créé ni adhéré à un réseau concurrent car :
-(cela) implique l’existence de contrats de franchise comportant des obligations réciproques entre une tête de réseau décisionnaire et ses affiliés, ainsi qu’une organisation commune,
-l’adoption par tous (ses) magasins d’une enseigne commune ne suffit pas à constituer un réseau,
-cette faculté ne (lui) était pas interdite par les contrats de franchise,
-(le fait) que plusieurs (autres) magasins, dont deux anciens franchisés, aient adopté cette (nouvelle) enseigne ne démontre pas en soi la création d’un réseau,
-les allégations d’imitation du concept et de démarchage des franchisés (du réseau) ne sont pas établies (…).»
Le franchiseur n’obtient donc pas de dommages et intérêts sur ce point. Et l’ex-multifranchisé peut continuer son activité sous sa nouvelle enseigne.
Quant aux acteurs de la franchise, ils disposent désormais d’une toute nouvelle définition juridique du réseau de franchise…