Un franchisé estimait avoir reçu un DIP « lacunaire et trompeur » et réclamait la nullité de son contrat et des dommages et intérêts. La cour d’appel de Paris considère que, de la part du franchiseur, l’intention de tromper son partenaire n’est pas établie.
La cour d’appel de Paris a refusé, le 12 janvier 2022, d’annuler un contrat de franchise signé en 2011. Le liquidateur de la société franchisée avait pourtant des arguments.
Le franchiseur avait ainsi omis de transmettre, en annexe de son DIP (Document d’information précontractuel), les comptes annuels de sa société. Dans le document lui-même, il faisait état à la place du sien, du chiffre d’affaires d’une société sœur. Par ailleurs, il n’indiquait pas les CA réalisés par les sociétés de ses trois franchisés, ce qui aurait pu grandement aider le candidat à la franchise dans sa décision.
En guise de présentation de l’état général du marché, prévu par la loi, les études mentionnées dataient de 5 ans avant la transmission du DIP. Quant à l’état local de marché, il était totalement absent.
Enfin s’agissant de prévisions, le DIP mentionnait en dernière page un CA de 850 000 € la première année, alors que le CA moyen de la profession s’était stabilisé depuis 2008 autour de 422 000 € et que le franchisé a réalisé 386 261 € en 2012 puis 300 298 en 2013 avant de baisser encore en 2014 et d’être placé en redressement en 2015 puis en liquidation judiciaire en 2016.
« C’était au franchisé d’étudier la faisabilité de son projet », expliquent les juges
Cependant, les magistrats parisiens refusent de considérer qu’il y a eu dol, c’est-à-dire, de la part du franchiseur, volonté de tromper son futur partenaire.
L’absence des comptes en annexe du DIP ? Ils étaient « disponibles au greffe du tribunal de commerce ». L’absence des chiffres d’affaires des franchisés ? « La loi n’impose pas au franchiseur de les transmettre ».
La vétusté des informations sur le marché du secteur ? Sans conséquence puisque « les études plus récentes auraient montré que le marché était en progression ». Le fait que cette progression ait été seulement de 1,6 % avec 2,1 % d’inflation « ne peut suffire à établir que le marché tant national que local était déjà lors de la signature du contrat de franchise dans un état bien moins favorable qu’annoncé, avec des perspectives baissières évidentes. »
Quant à l’absence d’un état du marché local, elle est sans gravité pour la cour puisque le franchiseur a transmis ces données au banquier en annexe de la demande de financement du franchisé.
Enfin sur le prévisionnel, le franchisé était « un commerçant indépendant à qui il appartenait de réaliser une étude de marché (…) d’étudier la faisabilité de son projet et d’en assumer les risques. » La cour enfonce le clou : « le franchiseur n’ayant aucun devoir de réserve et de modération lorsqu’il présente des chiffres et des éléments de comparaison. »
Les juges ont trouvé une autre cause à l’échec du franchisé
Le fait que le franchisé ait eu recours au même expert-comptable que celui du franchiseur est également « indifférent » aux juges. Même si le prévisionnel indiquait une progression du chiffre d’affaires « plus de quatre fois supérieure à la moyenne du secteur, » ce document « n’étant pas imputable au franchiseur ».
Enfin, le franchisé « n’a pas remis en cause son engagement au vu des résultats du premier exercice ». Les difficultés de sa société ne sont pas imputables au franchiseur puisqu’elles résultent, aux yeux des juges, d’un conflit entre les associés (l’un des deux s’étant séparé du projet pour créer un magasin dans une branche voisine sur la même ville). Conflit qui expliquerait la tendance baissière du CA à partir de 2013. La cour relève en passant que le premier exercice s’était soldé par un bénéfice de 23 000 €
Pour la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4), le dol reproché au franchiseur « n’est (donc) pas établi ». La nullité du contrat de franchise pour manquement à l’obligation d’information précontractuelle n’a pas lieu d’être prononcée.
« Le franchisé connaissait parfaitement le concept » avant de signer, ajoute la cour
Le plaignant reprochait aussi au franchiseur une absence de savoir-faire puisqu’il n’avait « transmis que des fiches de présentation d’un concept banal » et que le réseau « n’avait pas plus de sept points de vente franchisés ». Il réclamait la nullité du contrat pour absence de cause.
La cour écarte de la même manière tous les arguments sur ce sujet du liquidateur de la société franchisée, estimant que le savoir-faire original du franchiseur est bien réel, de même que sa formation.
Le choix de l’emplacement (également contesté par le plaignant) ne paraît pas davantage critiquable aux magistrats pour qui à nouveau « il appartenait au franchisé de procéder lui-même à une analyse d’implantation précise ».
Enfin, il est établi que le franchisé « connaissait parfaitement le concept pour l’avoir expérimenté en qualité de directeur de magasin (…) ainsi qu’il résulte de son CV ».
Le dol pour absence de savoir-faire et absence de cause « n’est pas démontré ». La nullité du contrat n’est pas davantage prononcée pour ces motifs que pour le précédent volet sur le DIP.