Un an et demi après l’acquisition du réseau Pizza Sprint, Domino’s Pizza a rallié 29 franchisés (sur 60) et annonce avoir converti, grâce aussi à des rachats, 46 magasins (sur 89). Le grignotage continue, mais des tensions demeurent et le volet judiciaire du conflit se complique.
Un an après le clash survenu le 26 mai 2016 entre 31 franchisés Pizza Sprint (sur 60) et Domino’s Pizza, le réseau breton de pizza livrée n’a pas encore été complètement avalé par le géant américain.
A ce jour, selon Domino’s Pizza, 46 magasins (dont des succursales) ont été convertis sur les 89 du réseau initial. 29 franchisés Pizza Sprint ont changé d’enseigne, et des opérations de rachat (puis de revente à des franchisés) sont venues compléter ces ralliements.
Mais 34 points de vente gardent le contrat et l’enseigne Pizza Sprint. Tandis que 9 magasins ont fermé ou sont sortis du réseau (pour continuer en solo).
15 % de CA en plus pour les magasins convertis : insuffisant pour les opposants
Une partie significative des franchisés Pizza Sprint n’a donc toujours pas rejoint Domino’s Pizza. Ces commerçants ne sont pas convaincus par les performances des magasins convertis.
Pourtant, selon le franchiseur, la plupart de ces points de vente ont vu leur chiffre d’affaires augmenter. « La croissance moyenne est de 15 % depuis juin 2016», indique Mael Barth (Directeur Administratif et Financier). Il l’assure, les anciens franchisés Pizza Sprint se sont bien adaptés à leur nouveau concept. Et plusieurs d’entre eux ouvriront, dans les 12 ou 18 mois, d’autres établissements.
Malgré cela, les franchisés Pizza Sprint opposés au ralliement ne croient toujours pas à la perspective annoncée fin 2015 de « doubler voire tripler » le chiffre d’affaires de leurs points de vente s’ils changeaient d’enseigne. Et ils continuent d’affirmer que, comme les redevances, les contributions marketing et les charges de personnel sont «nettement plus élevées » chez Domino’s Pizza, la rentabilité n’y est pas meilleure.
Un marché difficile et des concurrences nouvelles pour Domino’s Pizza
Ils savent aussi que le marché de la pizza livrée est en baisse de 0,3 % depuis le début de l’année. Certes, les ventes du réseau Domino’s Pizza en France ont, selon sa direction, « augmenté de 12 % depuis juin 2016 », mais cela est dû surtout à la croissance du parc de magasins. A périmètre constant, l’évolution serait « légèrement en positif » de l’aveu même de l’enseigne.
En cause : le contexte économique général et des concurrences nouvelles comme celles de Deliveroo ou Foodora « qui mobilisent une pléthore de livreurs ». Une situation face à laquelle l’enseigne se déclare « attentive et vigilante ».
La direction insiste ainsi sur la nécessité pour le réseau « d’améliorer le service aux clients et notamment la livraison ». « Nous savons que si nous descendons en dessous de 25 minutes, nos ventes augmenteront » indique Mael Barth.
14 conversions de magasins Pizza Sprint « planifiées » d’ici la fin de l’année
Ce contexte délicat n’empêcherait pas toutefois l’intégration progressive du réseau Pizza Sprint de se poursuivre. Domino’s Pizza annonce que « 14 autres conversions de magasins sont planifiées d’ici la fin de l’année 2017, au plus tard début 2018. » Dont 5 par ralliement de franchisés.
Début 2018, l’enseigne compterait donc 60 magasins Pizza Sprint convertis. D’autres rachats ne sont pas exclus (mais pas prévus non plus). A l’opposé, d’autres sorties de réseau (avec dépôt de l’enseigne) pourraient encore se négocier. Mais Domino’s Pizza se prépare à continuer d’honorer jusqu’à leur terme au moins une vingtaine de contrats Pizza Sprint.
Un réseau Pizza Sprint dont les ventes « ne souffrent pas »
Une contrainte qui laisse le franchiseur serein. Selon Mael Barth, « le réseau (Pizza Sprint) n’est pas en souffrance sur ses ventes. Après une croissance de 4 % en 2016, il est à + 0,1 % depuis le début de l’année, soit au-dessus du marché ». Une tendance qui s’explique selon lui notamment par « des campagnes marketing régulières ».
Un domaine contesté, côté franchisés, où on souligne qu’elles n’ont « rien de comparable» avec les moyens mis en œuvre pour le réseau Domino’s Pizza.
De fait, les relations ne sont toujours pas apaisées avec une partie des franchisés, encore heurtés par la volonté du géant américain de faire à terme disparaître leur enseigne. Même si la direction de Domino’s Pizza se félicite d’avoir « trouvé un accord avec 14 d’entre eux (sur les 32 en contentieux il y a un an) ».
Le Ministère de l’économie assigne Domino’s Pizza en justice
Le volet judiciaire du conflit vient cependant de se compliquer puisqu’une nouvelle procédure a été enclenchée, cette fois par le Ministère de l’économie (à partir du rapport de la Dgccrf, la Direction de la concurrence). Le 21 mars dernier, le Ministère a assigné les deux franchiseurs (Pizza Sprint et Domino’s Pizza) devant le tribunal de commerce de Rennes.
Objectif : obtenir l’annulation de 9 clauses des contrats de franchise Pizza Sprint (et l’arrêt des pratiques en cause) pour « déséquilibre significatif » (agencement, approvisionnement et prix imposés, intuitu personae et conditions de résiliation non réciproques, etc.) Une annulation que le Ministère souhaite voir assortie de remboursements aux franchisés (pour 200 000 € indûment perçus selon lui) et d’une amende civile de 2 millions d’euros.
Au moins 18 franchisés ou ex-franchisés Pizza Sprint (au total 21 sociétés et 7 personnes physiques) se sont portés intervenants volontaires dans cette procédure qui sera sans doute jointe à celle du 26 mai 2016. Et face à laquelle Domino’s Pizza «se battra pour se faire entendre car il y a, de la part du Ministère, une grande incompréhension de ce qu’est la franchise ».
Il faudra donc attendre à nouveau une année et sans doute plus pour connaître la décision de la justice. Et savoir si l’addition de Domino’s Pizza pour ce rachat de réseau difficile sera encore un peu plus salée (et amère) que prévu.