L’Agence nationale de sécurité sanitaire, l’ANSES, vient de publier un « Avis » concernant l’épilation à la lumière pulsée. L’Agence recommande de revoir la réglementation qui pose problème aux franchises du secteur.
Les acteurs de l’épilation à la lumière pulsée – dont plusieurs chaines de franchise-, l’attendaient depuis de longs mois. Le rapport de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire est (enfin) paru ce lundi 20 mars.
L’Agence, qui enquête depuis plusieurs années, rappelle d’abord dans son communiqué que « la demande d’actes à visée esthétique est en forte croissance, stimulée par le développement de nouveaux appareils utilisant (…) la lumière pulsée intense (…) ». De même la pratique à usage domestique de ce type d’épilation, est elle aussi « en forte croissance ».
Or, la mise sur le marché de ces appareils n’est, sauf exception, « pas encadrée ». Un problème d’autant plus sérieux qu’ils sont accessibles aux particuliers. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont demandé dès 2012 à l’ANSES de se prononcer, ce qu’elle fait aujourd’hui en rendant un « Avis » de plus de 300 pages.
Des effets indésirables pour les utilisateurs
A l’issue de son enquête, l’Agence relève, dans le cas des appareils à visée d’épilation, des « effets indésirables pouvant aller de réactions inflammatoires légères jusqu’à des brûlures cutanées (…) en cas d’usage inadapté des appareils ».
En conséquence, elle « souligne la nécessité de prendre des mesures visant à limiter la survenue » de ces effets. Et « recommande de revoir l’ensemble du cadre réglementaire associé aux appareils à visée esthétique et à leur utilisation (…) »
Entre autres, elle propose de « soumettre les appareils à visée esthétique (…) aux mêmes exigences que celles applicables aux dispositifs médicaux (…) », en soulignant que cette suggestion est « cohérente avec les travaux européens actuels visant à réviser le règlement » (de ces dispositifs).
Pour une habilitation des esthéticiennes, hors contrôle médical
Pour sa part, le Comité des experts spécialisés (CES) réuni par l’Agence « estime que tous les professionnels (médecins, collaborateurs de médecins, esthéticiens) amenés à utiliser des appareils à visée esthétique devraient être titulaires d’une habilitation (…) complétée d’une formation continue (…) ».
Plus précisément encore, au point 9.4.3 du rapport, page 237, sous le titre « Extension possible du rôle des esthéticiens », l’Avis de l’ANSES indique :
« Pour une activité dans un cabinet esthétique sans contrôle médical direct, (L’Agence) propose que la pratique de certains actes puisse être accordée à des esthéticiens diplômés à condition d’avoir suivi une formation complémentaire adaptée à chaque technique employée et au matériel utilisé. Cette mesure permettrait d’étendre le domaine d’activité d’une catégorie de ce personnel sans modifier le décret de 1962 qui continuerait à concerner tout opérateur sans formation spécifique. »
Rappelons que ce décret de 1962 interdit toute épilation autre qu’à la cire ou à la pince à tous les non-médecins. Un décret à l’origine de nombreux procès et de condamnations diverses pour exercice illégal de la médecine, notamment à l’encontre des franchiseurs et des franchisées du secteur.
La CNEP, qui fédère les esthéticiennes, se réjouit
Pour Régine Ferrere, présidente de la CNEP, qui regroupe des syndicats d’esthéticiennes, des chaînes de franchise ainsi que des fabricants et des vendeurs de matériel, ce rapport « va exactement dans le sens souhaité. L’amélioration de la qualité des machines ? Nous y serons à la fin de l’année avec le nouveau règlement européen. La formation des esthéticiennes ? C’est ce que nous pratiquons déjà. Leur habilitation hors de tout contrôle médical ? C’est ce que nous réclamons depuis des années. C’est à l’État maintenant de rendre cette formation obligatoire et cette habilitation possible. Lui seul le peut. »
«Il s’agit dans l’immédiat d’attendre les résultats des élections, car il faudra une véritable volonté politique pour mettre en place cette nouvelle réglementation », ajoute Régine Ferrere.
La franchise Dépil Tech se déclare déjà aux normes
Côté franchiseurs, l’enseigne Dépil Tech (dont l’activité est entièrement dédiée à l’épilation par lumière pulsée) précise dans un communiqué qu’elle a déjà « mis en place » les recommandations de l’ANSES dans les 120 centres de son réseau. Qu’il s’agisse de la formation initiale (de 4 semaines) et continue de ses esthéticiens diplômés, de l’information des clients ou de la qualité des matériels utilisés.
Régine Ferrere fait toutefois observer que « seules les écoles et centres de formation ayant satisfait aux critères de qualité (de la Direction générale de la santé) pourront prétendre donner des formations inscrites au registre national des certifications professionnelles ». Les formations délivrées par les franchiseurs ne sauraient donc, selon elle, suffire.
Prudence côté franchisé
Pour Maître Florian de Saint-Pol, avocat de plusieurs franchisés en litige avec leur franchiseur spécialisé en épilation à la lumière pulsée, ce rapport de l’ANSES est « intéressant ».
« L’Agence est pragmatique. Elle reconnaît qu’il vaut mieux encadrer cette activité plutôt que de l’interdire. L’interdiction ne parvenant pas, de fait, à endiguer le flot des ouvertures. »
Ceci étant « cela reste un rapport de plus. Voilà des années que l’on nous annonce une réforme et l’on ne voit rien venir. Et ce n’est sans doute pas en période électorale que les choses vont changer rapidement. En outre, cela n’impactera pas les procédures en cours car la réalité d’un contrat s’apprécie à la date de sa signature. »
Avocat d’une quinzaine de franchisés, Maître Charlotte Bellet va dans le même sens : « Les franchiseurs ne peuvent prétendre qu’ils seraient « déjà aux normes » et qu’ils auraient déjà mis en place les recommandations de l’ANSES par la dispense d’une formation alors que les victimes de brûlures dans les centres sont une réalité ».
Des victimes, qu’elle conseille également et qui ont, pour plusieurs d’entre elles, entamé une procédure à l’encontre de franchiseurs. « Les risques pour les clients sont importants », insiste Maître Bellet. « A ce jour, tout concept de dépilation à la lumière pulsée reste contraire à la réglementation et amène à la pratique d’un exercice illégal de la médecine. »
Les médecins « se félicitent », mais…
Quant aux médecins, et notamment au syndicat des dermatologues, ils « se félicitent » dans un communiqué « des conclusions du rapport de l’ANSES ». Pour eux, le fait que « l’Agence de sécurité sanitaire préconise de revoir le cadre règlementaire associé aux appareils à visée esthétique » (…) va « complètement dans le sens » de ce qu’ils réclament. A savoir « la nécessité de prendre des mesures visant à limiter la survenue d’effets indésirables. »
Le syndicat rappelle une fois de plus « les risques liés à l’utilisation des appareils à rayonnement électromagnétiques (laser, lampe flash) hors de tout contrôle médical ». Et renouvellent leur souhait qu’un « diagnostic soit posé avant toute utilisation d’un appareil » (…) « dans un cadre médical ».
Reste que l’ouverture en toute légalité de cette activité aux esthéticiennes (sous certaines conditions de formation) est bel et bien envisagée et même recommandée par l’ANSES.
Mais on le voit, les médecins n’ont pas dit leur dernier mot contre « les lobbies industriels (et) catégoriels ».
La balle est maintenant dans le camp de l’État.