Encore plus en période de crise, une enseigne de mode doit bien positionner sa marque et maîtriser ses stocks pour se développer.
Plusieurs grands réseaux succursalistes comme Kiabi, Celio ou Jules, passés à la commission-affiliation, parviennent à tirer leur épingle du jeu sur un marché en souffrance (-3,4 % en 2009). Pourquoi, selon vous ?
La commission-affiliation leur permet de toucher des tailles de villes plus petites avec des détaillants qui connaissent la zone de chalandise. La crise a remis en lumière tout l’intérêt de la relation avec le client. L’adaptation à la clientèle locale n’a jamais été aussi primordiale.
Ces réseaux se distinguent car ils disposent d’une chaîne logistique performante. Or, aujourd’hui, sans une grande maîtrise de la marque et de la gestion des stocks, aucun développement n’est envisageable pour une enseigne de mode. Ces chaînes ont de fortes capacités d’achats et vont avoir des marges conséquentes.
Sur ces problématiques de produits, de réassort, de réactivité et d’actualisation des données, il y a une prime aux « gros ». Les écarts de performance s’accentuent en période de turbulences. A l’IFM, nous recevons tous les mois les chiffres de beaucoup de chaînes. Nous avons remarqué qu’en 2008, tout le monde baissait de concert alors qu’en 2009, les écarts-types sont vraiment forts. Globalement, on ne s’attend pas, pour cette année, à une dégradation du même ordre que l’an passé. Selon nous, le marché devrait terminer 2010 à -1 %. L’habillement est toujours une variable d’ajustement dans le budget des familles. La mode enfantine reste la plus performante et subit moins la crise, car les parents ne sacrifient pas le vestiaire des enfants.
Quelles sont les grandes tendances du marché et comment s’adaptent les enseignes de franchise, pour conserver, voire renforcer leur position ?
Les chaînes continuent à gagner des parts de marché alors que les indépendants et les multimarques sont fragilisés. Mais cette progression est basée sur l’ouverture de nouveaux points de vente. Or, le marché n’est pas élastique. Nous ne sommes pas loin de la saturation, en France comme en Europe.
Il faut aussi tenir compte de la progression d’Internet, qui représente désormais 6 % du marché et impacte notamment la clientèle jeune. Les chaînes de centre-ville se retrouvent coincées entre les acteurs périphériques entrée de gamme et la recherche de marques sur le web à prix intéressants.
Pour le reste, la réussite est avant tout basée sur le produit. Souvent, les difficultés rencontrées viennent d’un problème de collections. Nous sommes dans la mode : le produit reste la première clé d’entrée.
Les enseignes Beaumanoir en sont le meilleur exemple. C’est un groupe qui s’est développé discrètement, par des rachats (Scottage, Patrice Bréal et plus récemment Morgan), ou des créations de marques (Cache Cache, Bonobo). Ils n’étaient pas sur les Champs-Elysées mais dans les petites villes ou des banlieues avec des produits adaptés à leur clientèle. C’est un modèle en termes de logistique, de gestion des stocks et de positionnement des marques. C’est-à-dire le nerf de la guerre.
Il y a toujours de la place pour de nouveaux acteurs. Quand la marque et le concept sont bons, le consommateur répond. On l’a vu récemment avec le japonais Uniqlo (ndlr : succursaliste) ou le danois Bestseller (développé en franchise), qui apportent de la nouveauté.
La reprise des magasins Vêti par Kiabi, Celio qui pousse son réseau d’affiliés en signant un accord avec Team Formen… Assiste-t-on à une amorce de concentration dans le secteur ?
S’agissant de Kiabi, c’est le type même d’opération qui permet de concentrer les achats et de tendre vers une taille critique. Manifestement, l’intégration se passe bien. Vêti était un peu à cheval entre la chaîne et l’hyper, sans avoir les performances des premières en matière de mode, et sans l’organisation logistique des deuxièmes.
Avec Celio, nous sommes là aussi sur cette recherche de la taille critique. En France, nous avons peu de gros acteurs, exceptés les groupes Beaumanoir et Vivarte (Caroll, Kookaï…). Le marché demeure extrêmement atomisé, contrairement à d’autres pays européens.