La bataille judiciaire continue dans l’épilation à la lumière pulsée et dans le secteur « beauté bien-être » en général. En franchise ou non, les esthéticiennes viennent de marquer plusieurs points face, entre autres, à certains médecins.
Les esthéticiennes, notamment celles qui pratiquent l’épilation à la lumière pulsée, viennent à trois reprises de marquer des points sur le plan judiciaire.
Le 12 mai 2017, le tribunal d’instance de Marseille a mis hors de cause un institut franchisé accusé par une cliente d’être responsable de ses brûlures.
L’expert judicaire a estimé que les prestations avaient été délivrées correctement. Notamment concernant « Le délai de réflexion, le spot test, les intervalles entre les séances (plusieurs mois à chaque fois, Ndlr), les mesures de protection, la puissance du flash et la surface du traitement ».
Brûlures : un institut de beauté franchisé hors de cause
En revanche, la cliente « s’est rendue à sa quatrième séance (…) sans informer l’esthéticienne qui la suivait de la prise (nouvelle) de médicaments » contre-indiqués (car photosensibilisants). Or, « aux termes du formulaire d’information et de consentement » signé au début de son protocole, elle s’y était engagée.
Pour le tribunal un « manquement aux règles de l’art » n’est donc pas démontré de la part de l’institut de beauté. Une décision saluée par la CNEP (Confédération nationale de l’esthétique-parfumerie). Même si la consommatrice déboutée peut encore faire appel.
Le Conseil de l’ordre contre les « médecins esthétiques »
Autre décision significative : le 22 juin, la cour d’appel de Paris a condamné plusieurs médecins esthétiques pour « concurrence déloyale » et « atteinte à l’image » de leur profession.
A la demande du Conseil de l’ordre des médecins, ils doivent cesser leurs publicités pour des actes médicaux tels que des injections de Botox, sous astreinte de 1 000 € par jour. Les médecins étant tenus de s’abstenir de commerce et de publicité dans l’exercice de leur mission.
En revanche, des promotions pour d’autres actes, considérés par la cour comme esthétiques et non médicaux, ne sont pas sanctionnées.
La cour d’appel de Paris distingue actes médicaux et soins esthétiques
Pour Maître David Simhon, conseil de la CNEP, partie intervenante à ce procès « afin d’y défendre le périmètre d’activité des esthéticiennes », c’est le principal intérêt de cet arrêt : « Pour la première fois, souligne l’avocat, une juridiction (de haut niveau) reconnaît qu’il y a deux critères pour distinguer un acte médical d’un acte esthétique, à savoir la finalité (beauté bien-être ou thérapie) et l’effraction de la peau (ou son absence)». Y a-t-il par exemple injection à l’aide d’une seringue ? Le produit injecté est-il résorbable par l’organisme ? Etc.
Ces considérations des juges à propos, en l’occurrence, d’un acte de rajeunissement, pourraient-elles être étendues à l’épilation par la lumière pulsée (actuellement interdite aux non-médecins) ? L’arrêt ne le dit évidemment pas. Mais une possibilité semble s’ouvrir.
Des médecins bientôt poursuivis pour exercice illégal de la profession d’esthéticienne?
La cour d’appel ne suit pas pour autant la CNEP dans sa demande visant à imposer aux médecins d’effectuer leurs prestations esthétiques « sous le contrôle effectif et permanent d’un esthéticien ». « Ou de les faire réaliser » par lui (dans l’esprit de la loi du 5 juillet 1996).
« Mais c’est pour des raisons de procédure et non de fond », analyse M° David Simhon. Pour qui la cour admet « implicitement » que « l’activité esthétique de beauté bien-être exercée par un médecin constitue un exercice illégal de la profession d’esthéticien(ne) ».
Voilà en tout cas les médecins esthétiques prévenus. S’ils s’avisent de poursuivre leurs attaques contre les esthéticiennes et les franchises du secteur, celles-ci estiment avoir de quoi leur répondre devant les tribunaux.
Un médecin esthétique bientôt radié de l’ordre définitivement ?
Elles peuvent aussi en appeler au Conseil de l’ordre des médecins. L’UBP (Union des professionnels de la beauté et du bien-être), un des syndicats de la CNEP, a obtenu ainsi le 10 mars 2017, la radiation d’un médecin esthétique par le Conseil de l’ordre d’Île-de-France.
A la tête d’un syndicat de médecins, il avait, selon l’UBP « multiplié les actions pénales contre les esthéticiennes (pratiquant l’épilation à la lumière pulsée) » les accusant d’exercice illégal de la médecine. Or lui-même « ne respectait pas les règles de la profession » et notamment « déléguait la pratique de l’épilation par laser à des « petites mains » non diplômées en médecine. »
La décision est en appel. Le verdict de la chambre disciplinaire nationale devrait être connu « d’ici 6 mois » selon Maitre Simhon.
D’autres décisions et une nouvelle réglementation toujours attendues
Les esthéticiennes et les franchises du secteur attendent aussi « pour juin 2018 » les résultats de leur procédure d’appel suite au jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 15 mars 2016.
L’avocat de la CNEP espère en tout cas que, d’ici là, « la réglementation aura été revue ». Le communiqué du Ministère de la Santé du 20 mars dernier, suite à la parution du rapport de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) donne selon lui assez bien la direction dans laquelle l’administration va avancer. Avec des premiers résultats espérés « à l’automne».
L’épilation à la lumière pulsée sera-t-elle finalement autorisée (à certaines conditions de qualification et de formation) aux esthéticiennes et aux franchises qui la pratiquent ? La CNEP continue, en tout cas, d’y croire. Même si elle ne baisse pas les armes sur le terrain judiciaire.