La cour d’appel d’Angers, statuant sur renvoi de la Cour de cassation, vient de débouter et condamner un ex-franchiseur. Selon les juges, il n’a, entre autres, pas prouvé que sa centrale d’achats avait bien joué son rôle. Ni qu’il avait respecté ses engagements contractuels en matière de formation continue et d’assistance.
Statuant sur renvoi de la Cour de cassation, la cour d’appel d’Angers vient de trancher en faveur d’une franchisée un conflit qui dure depuis 10 ans.
Dans ce litige, le contrat est signé en 2004 pour une ouverture de point de vente en juillet 2005. Mais en janvier 2008, après plusieurs courriers et une mise en demeure, la franchisée notifie au franchiseur sa sortie du réseau. Celui-ci l’assigne peu après en justice.
Pour le franchiseur, le contrat a été rompu sans raison valable. Il doit donc être résilié aux torts exclusifs de la franchisée. Son magasin doit être fermé et le matériel restitué. De même, elle ne doit pas exercer d’activité concurrente pendant un an sur la totalité du territoire national, comme le prévoit la clause de non-concurrence de son contrat. En outre, il faut, toujours selon le franchiseur, la condamner à plus de 300 000 € de dommages et intérêts.
« Des prix anormalement élevés », selon la franchisée
De son côté, la franchisée accuse le franchiseur de ne pas avoir respecté ses engagements contractuels, tant en ce qui concerne son rôle de centrale d’achats qu’en matière de formation et d’assistance. Elle parle de « marchandises de qualité douteuse, mal entreposées et à des prix anormalement élevés ». Elle rappelle au passage que 40 autres franchisés ont quitté à l’époque le réseau pour des raisons similaires.
Dès 2009, et à nouveau en 2012 et 2015, différentes instances de justice, dont la cour d’appel de Bordeaux, donnent satisfaction au franchiseur. Jusqu’au 29 mars 2017 où la Cour de cassation se prononce.
Pour la plus haute juridiction française, en considérant que les reproches formulés par la franchisée n’étaient pas prouvés, les magistrats de Bordeaux « ont inversé la charge de la preuve ». Car, en l’occurrence, c’est au franchiseur de démontrer qu’il a bien exécuté les obligations mises à sa charge par le contrat.
C’est ce que la cour d’appel d’Angers s’emploie à établir pour motiver son arrêt du 5 mars 2019.
« Nombreux courriers » côté franchisés, « pas de preuve » côté franchiseur
Concernant la centrale d’achats, le franchiseur s’était engagé dans le contrat à ce qu’elle propose aux franchisés des prix de vente plus avantageux que ceux des fournisseurs (au moins 20 % plus bas). Or, la cour note que le franchiseur « ne communique ni la liste des fournisseurs référencés (…), ni les cahiers des charges négociés avec (eux) (…), ni enfin de documents de comparaison (…) ». Le franchiseur ne produit pas davantage « les procès-verbaux de la commission-achats » ou encore « de l’assemblée générale » du réseau « qui auraient pu permettre à la cour » d’apprécier sa « politique d’achats ».
En revanche, la franchisée, qui a elle-même alerté à plusieurs reprises son partenaire par écrit, a « versé aux débats de nombreux courriers émanant d’autres franchisés et de leur association (…) reprochant (au franchiseur) de ne pas satisfaire à son engagement de leur fournir un meilleur prix global ».
Pour la cour, le franchiseur a, en la matière, « manqué à ses obligations contractuelles ». « Un tel manquement ayant un impact direct sur l’activité et la situation financière (de la franchisée), compte tenu de (son) obligation de s’approvisionner auprès de la centrale (…) pour au moins 75 % de (ses) achats, il apparaît suffisamment grave pour justifier de la résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs (du franchiseur). »
Formation et assistance : des manquements « graves », selon les juges
Concernant la formation et l’assistance promises pendant le contrat, la cour d’appel d’Angers estime de même que le franchiseur ne « produit aucune pièce » attestant de propositions de formation continue. Il ne démontre pas non plus, selon les juges, avoir réalisé régulièrement, sur le point de vente de la franchisée, les trois visites par an prévues au contrat.
« Ce manquement du franchiseur à son obligation contractuelle d’assistance et de formation qui est pourtant un des engagements premiers de tout contrat de franchise, revêt une gravité certaine compte tenu de l’inexpérience (de la franchisée), et ce d’autant plus que la redevance mensuelle versée (par elle) était en partie présentée comme la contrepartie de l’assistance et des formations ainsi promises. Il justifie donc également la résolution du contrat aux torts exclusifs (du franchiseur) ».
En conséquence, la clause de non-concurrence n’a pas à être appliquée et la franchisée peut poursuivre sous sa propre enseigne son activité dans son point de vente.
La cour condamne en outre le franchiseur à lui verser 50 000 € de dommages et intérêts « en réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat » (plusieurs mois d’inactivité assortis d’un redressement judiciaire, dont elle est, toutefois, sortie depuis).
Et à 20 000 € « en réparation du préjudice moral » qu’elle a subi.
L’ex-franchiseur, qui a revendu son réseau depuis plusieurs années et qui est coutumier des procédures judiciaires au long cours, peut bien sûr retourner devant la Cour de cassation. Avec quelles chances de réussite, cela reste à voir.