La cour d’appel de Paris vient de le rappeler : un franchiseur peut interdire à ses franchisés de rejoindre un réseau concurrent après la fin de leur contrat. Pour être valable, cette clause de non-réaffiliation post-contractuelle doit toutefois répondre à plusieurs conditions.
La cour d’appel de Paris vient de rendre, en matière de non-réaffiliation post-contractuelle en franchise une décision intéressante.
Le litige commence en février 2016. A cette date, un franchiseur résilie trois contrats d’un de ses franchisés pour cause d’impayés. Quelques mois plus tard, lui reprochant d’avoir rallié un réseau concurrent alors que son contrat le lui interdisait, le franchiseur assigne son ex-franchisé en référé. Le tribunal de commerce de Paris se prononce en faveur du franchiseur.
Dans son arrêt du 16 novembre 2017, la cour d’appel de Paris (Pôle 1, chambre 2) confirme ce jugement. Elle estime en effet que la clause du contrat contestée par le franchisé est valable.
Pour les juges, la clause est suffisamment limitée dans l’espace et dans le temps…
D’abord parce qu’elle est limitée dans le temps à un an « ce qui correspond pratiquement à une durée minimale ». Ensuite parce qu’elle est « parfaitement circonscrite » dans l’espace pour chaque magasin (aux zones d’exclusivité décrites précisément dans les contrats).
La cour note également que « la clause litigieuse n’interdit pas (au franchisé) d’exercer son activité à titre individuel ». Et surtout, aux yeux des juges, rien ne prouve que cette activité ne pourrait pas être exercée « dans des conditions viables » :
D’une part parce que le franchisé « exerce depuis de nombreuses années et a dû normalement réussir à fidéliser une clientèle ».
D’autre part « et surtout » parce que le franchiseur a « produit aux débats un document » « non contesté (par le franchisé) pour ce qui est des statistiques annoncées ». Selon lequel les magasins en réseau (franchise et succursale, hors coopératives) sont « finalement plutôt minoritaires » dans le secteur concerné, représentant seulement 17 % du parc tandis que « indépendants et enseignes locales y sont presque majoritaires à concurrence de 48 % ».
« Il est donc permis de conclure, note la cour, que la clause n’entraîne aucunement pour (le franchisé) une incapacité de fait d’exercer son activité dans des conditions normales ».
…Et proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur
Enfin, concernant le fait de savoir si l’interdiction de réaffiliation de ce contrat est bien proportionnée à l’intérêt légitime du franchiseur (à savoir la protection de son savoir-faire), la cour répond sans ambiguité par l’affirmative.
D’abord parce que les trois contrats concernés « consacrent de longs développements au savoir-faire particulier (du franchiseur) ». Et qu’en signant ces contrats, le franchisé a reconnu son existence (notamment en agencement des magasins et concepts innovants en matière de commercialisation).
Mais aussi parce que la clause restrictive « est applicable dans tous les cas de cessation du contrat, ce qui permet de conclure que (le franchiseur) n’entend pas utiliser de manière dévoyée la clause de non-réaffiliation comme une clause pénale pour sanctionner les franchisés qui quittent la relation contractuelle avant son terme ».
Pour la cour, « il n’existe donc aucun motif » d’écarter la clause de non-réaffiliation post-contractuelle de ces contrats de franchise. Car elle répond aux exigences légales et aux critères de la jurisprudence française en la matière.
La cour se déclare toutefois incompétente quant aux 300 000 € de dommages et intérêts réclamés par le franchiseur. Même si, selon ce dernier, l’ex-franchisé n’a régularisé sa situation qu’en façade…
A lire aussi sur le sujet :
-L’article de Anouk Bories dans La lettre de la distribution de décembre 2017, page 4