Le choix du local doit se faire à deux, franchiseur et franchisé, sur un ensemble de critères.
Quand doit-on commencer à chercher son local pour devenir franchisé ? Faut-il déjà avoir signé son contrat ou avoir au moins réservé une zone ?
A partir du moment où l’on a choisi son enseigne, on sait quel type d’emplacement rechercher et quelle superficie minimum est requise par le concept, tant en termes de surface de vente que de réserves pour le stock ou les bureaux. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir signé son contrat de franchise ou d’avoir réservé une zone pour se mettre en chasse. D’ailleurs tous les franchiseurs ne proposent pas ce type de réservation.
Vous pouvez aussi signer votre contrat de bail avec une condition suspensive de financement, voire une condition suspensive d’enseigne. Ce qui veut dire que si vous n’obtenez pas votre emprunt ou si le projet n’aboutit pas avec le franchiseur, vous n’êtes pas coincé sur un emplacement. Mais pour cela, il vous faut négocier avec le bailleur (propriétaire des murs).
Ce n’est pas toujours simple et c’est la raison pour laquelle certains franchiseurs – une minorité c’est vrai – vont jusqu’à réserver des locaux pour leurs candidats. Cela permet au franchisé de gagner du temps et à l’enseigne de mieux maîtriser son planning d’ouvertures. Les candidats franchisés ne connaissent pas toujours toutes les ficelles pour négocier avec les bailleurs et le coup de pouce du franchiseur sur ce plan peut être le bienvenu.
« Allez vous-même faire du porte-à-porte auprès des commerçants pour savoir qui envisage de céder son local »
Comment les futurs franchisés doivent-ils procéder pour rechercher leur local ? Sur quelle aide peuvent-ils compter de la part des franchiseurs ?
Sans aller jusqu’à réserver des locaux, certains réseaux sont équipés de spécialistes dédiés à cette activité de recherche. On parle de développeurs immobiliers. Ce sont des salariés de l’enseigne. D’autres encore – la plupart – délèguent cette recherche à un réseau de professionnels de l’immobilier. Mais certains franchisés ont eux aussi cette capacité d’aller eux-mêmes faire du porte-à-porte auprès des commerçants pour identifier des locaux disponibles. Et c’est une bonne méthode. Car si vous attendez la parution d’une annonce correspondant à votre cible, vous risquez très vite de vous retrouver nombreux sur l’affaire. Alors que si vous obtenez l’information en amont, avant que le local soit en vente, vous augmentez sérieusement vos chances de trouver. Il ne faut donc pas hésiter à aller sonder les commerçants et leur demander s’ils ne connaissent pas quelqu’un qui, parmi leurs collègues autour d’eux, serait vendeur. Parfois, celui auquel on ne s’attendait pas répond oui, soit pour un voisin, soit pour lui-même. Parce qu’il se pose des questions, parce qu’il est pris à la gorge, etc. Si vous frappez à la bonne porte au bon moment, vous pouvez tomber sur une belle opportunité.
Trois années de pandémie ont fait des dégâts et on trouve aujourd’hui assez facilement des locaux vacants : comment savoir si la vacance en question n’a pas pour origine d’autres facteurs que le Covid ?
Il y a en effet une enquête à mener. La crise du Covid a modifié pas mal de données. Aujourd’hui par exemple, certaines zones de bureaux où des activités de restauration rapide fonctionnaient bien le midi n’offrent plus du tout le même potentiel en raison du développement du télétravail, dont l’impact continue à se faire sentir. C’est même vrai dans certaines zones mixtes (bureaux plus habitat) où les exploitants ajoutaient un peu de vente à emporter le soir. Certaines enseignes ont recentré leurs activités dans des zones différentes. De ce point de vue, le franchiseur a un rôle d’information à jouer et doit savoir dire non à une implantation inadaptée. C’est le cas par exemple de Starbucks qui le fait très bien et je trouve plutôt rassurant d’avoir des franchiseurs qui sont regardants sur ces questions-là. A l’inverse, j’ai vu dans l’équipement de la personne une enseigne qui avait validé un emplacement de premier ordre pour faire plaisir au franchisé alors qu’en termes de produits, elle était positionnée en moyenne gamme. Attention : dans ce cas le retour sur investissement se trouve nettement plus long !
Combien de temps dure en général la recherche du local ? Combien de temps faut-il prévoir ?
C’est très variable et cela dépend de beaucoup de facteurs. J’ai l’exemple d’un candidat qui, au bout de six mois n’avait toujours pas trouvé de locaux pour son activité. Il ne s’agissait pourtant pas d’un emplacement n°1 en centre-ville, mais d’un local de 80 m² plutôt en extérieur dans une ville moyenne. Il a fini par trouver et a ouvert mais a dû reprendre un peu de formation terrain. Certains contrats de franchise prévoient d’ailleurs un délai à respecter entre la signature et l’ouverture effective (pour pallier ce risque de perte de la formation).
« Le coût de l’entrée dans les locaux n’est pas le seul élément à prendre en compte. »
En termes de droit au bail ou de pas de porte, le franchiseur donne-t-il à ses futurs partenaires une fourchette de prix, des niveaux à ne pas dépasser ?
L’entrée dans les locaux ne doit pas être le seul élément à prendre en compte. Il faut avoir une vision globale et considérer aussi le coût des loyers. Et de ce point de vue, mieux vaut avoir un droit au bail élevé et de petits loyers que l’inverse. Car le loyer va tomber tous les mois et peser sur le chiffre d’affaires. Et il peut encore augmenter par la suite. Il vous faut savoir aussi quelle va être l’enveloppe des travaux. Et bien mesurer si vous entrez dans des locaux déjà équipés (en termes d’eau, d’électricité, etc.) ou bien s’il s’agit d’un local « brut de béton »… Il vous faut bien calculer le tout afin de savoir si « çà passe » ou non par rapport au potentiel de l’emplacement. Sur ce plan-là aussi le franchiseur a un référentiel d’expérience qui doit participer à informer le franchisé. Le choix du local doit se faire à deux.
Les franchiseurs, les développeurs de réseaux n’ont-ils pas tendance à minorer les coûts pour les franchisés afin de ne pas effrayer les candidats ?
Je ne le crois pas. Ce temps-là est terminé. A l’inverse, il arrive que certains franchisés veuillent y aller à l’économie et s’engagent sur des emplacements pour lesquels le franchiseur n’ose pas dire que cela ne colle pas (en termes de superficie ou d’environnement commercial par exemple). Le franchisé pense bien faire et c’est le franchiseur qui se retrouve pris au piège…
En termes d’équipement et d’agencement du local, certains avocats de franchisés conseillent aux candidats de majorer de 20 % au moins les chiffres indiqués par les enseignes, partagez-vous ce conseil ?
Pas forcément. Attention, certains concepts sont très demandeurs, d’autres beaucoup moins. Dans la restauration à table par exemple, il y a beaucoup de matériel technique. Là aussi j’ai un retour d’expérience qui peut intéresser les candidats à la franchise. Je connais les dirigeants d’une jeune enseigne de restauration qui ont mis au point leur site pilote en faisant le pari de se lancer avec du matériel pas trop cher en cuisine. Ils se sont assez vite rendu compte que cela faisait reposer trop de tensions sur les équipes et qu’il valait mieux en fait investir dans un matériel beaucoup plus professionnel permettant des rendements bien supérieurs et moins de fatigue et de stress. Sur ce point aussi, il faut faire les bons calculs. En outre, rien n’interdit au futur franchisé d’avoir une démarche d’entrepreneur et de se garder une poire pour la soif.
« Changer de région grâce à la franchise, pourquoi pas ? »
Est-ce que l’on peut profiter de la franchise pour changer de région ou bien est-ce qu’il vaut mieux éviter ? N’y a-t-il pas parfois des phénomènes de rejet quand on se retrouve « parachuté » quelque part et ne vaut-il pas mieux de toute façon chercher un local dans une ville que l’on connaît bien ?
Aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs peut se révéler une fausse bonne idée, c’est vrai. Mais pour certains franchisés, cela se passe très bien. C’est un calcul à faire. Tout dépend aussi de votre projet : voulez-vous ouvrir un seul ou plusieurs points de vente ? De ce point de vue, choisir de s’exiler en dehors des zones déjà très développées d’une enseigne pour aller ouvrir plusieurs établissements sur une agglomération à conquérir comme Bordeaux par exemple peut être tout-à-fait pertinent.
Quant à croire que, parce que l’on va ouvrir une unité franchisée dans sa propre ville, automatiquement son réseau d’adresses, d’amis, de relations, va rappliquer dans son point de vente, c’est gravement s’illusionner. En revanche, cela peut être intéressant sur le plan de la vie personnelle. En zone rurale, dans certaines activités très prenantes comme l’alimentaire, mieux vaut animer un magasin pas trop éloigné du collège ou du lycée de vos enfants si vous voulez les voir un peu…
La recette d’un bon emplacement en région parisienne par exemple est-elle forcément reproductible à l’identique dans une autre région ? Et inversement ?
C’est un sujet auquel il faut être attentif. S’il y a une prise de risque supplémentaire de la part du franchisé, tout dépend de ce que propose le franchiseur comme accompagnement en termes de site pilote ou de retour d’expérience depuis une autre région. Il faut de toute façon que la tête de réseau apporte la preuve que son concept fonctionne. C’est la même problématique, d’ailleurs, entre centre-ville et centre-commercial de périphérie.
« En centre-ville : préférer une activité où il y a aussi du trafic via le web »
A ce propos, précisément, ne se trouve-t-on pas dans nombre de villes moyennes devant un déplacement toujours croissant des commerces du centre-ville vers la périphérie ?
On assiste, c’est vrai, à des baisses de flux dans nombre de centres-villes. Mais c’est le cas aussi pour certains grands centres commerciaux de périphérie… On se demande parfois où vont les clients ! Et la réponse est… en partie vers le e-commerce. Alors, on peut évidemment continuer à s’implanter en
-ville. Toute la question est de bien choisir avec qui. Et plutôt qu’un concept purement physique, mieux vaut sans doute privilégier une activité où il y a aussi du trafic via le web. Et là, attention, le point de vente du franchisé ne doit pas pour autant devenir juste un entrepôt de la chaîne où l’exploitant va passer le plus clair de son temps dans les cartons et ne pas pouvoir se consacrer à ses ventes. Certaines enseignes l’ont bien compris, qui centralisent toute cette activité web et reversent un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé aux membres du réseau.
Étant donné les événements qui ont compliqué le fonctionnement du commerce depuis 2019, mieux vaut aussi demander aux enseignes de communiquer leurs chiffres non pas seulement sur les trois dernières mais sur les cinq dernières années. Il y a des réseaux qui sont toujours en progression. On s’interroge naturellement sur l’impact qu’aura, dès 2023, la crise énergétique sur l’activité commerciale. Bien évaluer le poids de l’emplacement dans l’investissement global devient d’autant plus essentiel.
Dans les centres commerciaux aussi les réussites sont diverses. Certains ne vont pas très fort. D’autant que les ouvertures de nouveaux centres continuent… Y a-t-il des types de centres à éviter ? Que penser des centres thématiques ?
Au niveau de la composition des sites, je suis plutôt partisan des mélanges… Concernant maintenant le potentiel des centres commerciaux, il ne faut pas hésiter à les comparer. Des études de marché très pointues existent pour cela. Les candidats peuvent facilement y recourir. C’est ce qu’a fait une franchisée de la région de Bordeaux qui hésitait entre deux centres. Pour quelques milliers d’euros, on peut avoir des réponses très précises.
« S’écarter des standards de l’enseigne ? Il faut au moins respecter huit critères sur dix ! »
Quand on n’a pas trouvé exactement le local idéal correspondant aux standards de l’enseigne, que ce soit en termes d’implantation précise ou de superficie, peut-on y aller quand même ? On sait qu’à quelques mètres près parfois, on peut passer à côté de la réussite. On sait que s’engager sur de trop grandes surfaces peut s’avérer dangereux…
Ce n’est pas évident, en effet. Et on doit trancher cela avec l’enseigne. Parfois, on peut sans doute s’écarter un peu des standards, mais il faut être attentif au taux de concurrence. Si vous avez un loyer fort et une densité commerciale dans votre activité qui n’est pas encore au maximum sur la zone, vous avez un risque sérieux de voir arriver un concurrent qui va vous prendre des parts de marché. Ce qui va peser encore plus sur votre entreprise. En revanche, si vous avez un loyer correct et une densité au taquet, alors vous avez un peu plus de souplesse. Mais il faut avoir une approche globale de la question. Sur une dizaine de critères communiqués par l’enseigne, il faut en respecter au moins huit pour tenter le coup. Et attention, il ne s’agit pas pour autant d’une garantie absolue.
Concernant le potentiel du local choisi en termes de rentabilité future, quelle importance accorder à l’état du marché local transmis en principe par le franchiseur avec le DIP ?
C’est un premier niveau d’information qui peut se révéler utile. Mais souvent, le franchiseur se limite au minimum syndical. Sauf dans la grande distribution où ils fournissent des états parfois extrêmement fins. Le candidat à la franchise a intérêt par ailleurs à faire réaliser une étude de marché. Cela l’aidera de toute façon à obtenir son financement.
Avant de le signer, le franchisé a-t-il intérêt à faire relire son contrat de bail commercial par les services juridiques de l’enseigne ou bien à s’adresser à un avocat spécialisé ? Ou les deux ?
Parfois, l’enseigne propose ce service. Si c’est inclus, pourquoi pas. Chez TGS France, nous avons à ce sujet des équipes dédiées au service des franchisés. Tout en ayant une bonne connaissance des réseaux, ces spécialistes savent décrypter un contrat de bail et éviter les pièges. Cela nous permet d’apporter au franchisé un regard extérieur. Nous pouvons y compris aller négocier avec le bailleur. Ce n’est pas neutre, notamment si votre activité démarre alors que vous arrivez dans la dernière période triennale du bail (3,6,9). De même, mieux vaut par exemple essayer d’obtenir un bail « tous commerces », car si demain vous êtes contraint de stopper votre activité franchisée, pour une raison ou pour une autre, vous pourrez revendre plus facilement votre droit au bail.
« Oui, le franchiseur doit valider l’emplacement choisi, oralement au moins »
Le franchiseur doit-il valider l’emplacement de son futur franchisé ?
Oralement, oui, c’est la moindre des choses. Et souvent la promesse de le faire figure dans le contrat de franchise. La plupart des franchiseurs ne vont pas pour autant jusqu’à s’engager là-dessus par écrit pour des raisons d’ordre juridique que l’on peut comprendre. Ils peuvent aussi se protéger en écrivant qu’ils ne le valident pas, cela peut arriver. L’opinion favorable du franchiseur n’est pas non plus une garantie de flux et de chiffre d’affaires. Mais il faut que l’enseigne prenne ses responsabilités, qu’elle assume ses choix. Elle doit dire clairement ce qu’elle pense du local.
On a vu, y compris de gros réseaux comme Subway par exemple, se développer pendant des années en ouvrant à tour de bras un peu n’importe où pour s’emparer du marché aux dépens des franchisés qui se sont cannibalisés. Sans aller jusqu’à cette dérive, reconnue y compris par l’enseigne concernée qui a déclaré l’avoir maintenant corrigée, la concurrence ordinaire n’a-t-elle pas tendance à pousser les développeurs de réseaux d’abord vers l’ouverture des points de vente, même si, en termes d’emplacement on n’est pas forcément exactement dans les clous du concept ?
Je ne le crois pas. J’espère en tout cas que ces dérives sont derrière nous. Mais c’est vrai que parfois on ne comprend pas comment des candidats peuvent – on en a vu – se laisser littéralement hypnotiser par une tête de réseau. J’ai le cas d’un porteur de projet à qui l’enseigne de sandwicherie avait proposé un emplacement dans une zone résidentielle de Nantes sans bureaux. Interrogé, le candidat pensait que le réseau avait fait une étude de marché. C’est du moins ce qui lui avait été dit. Mais il n’avait pas demandé qu’on la lui transmette… J’ai l’espoir que ce type de relations n’a plus lieu.
« Le candidat à la franchise ne doit pas choisir son local sur un seul élément »
En conclusion, quel conseil principal donnez-vous à un candidat à la franchise (ou à un réseau du commerce organisé) pour qu’il réussisse sa recherche de local ?
Il ne doit pas choisir sur un seul élément. Ce n’est pas, par exemple, parce que le droit au bail est attractif qu’il doit forcément s’engager. Il faut aussi prendre en compte le montant du loyer, les coûts associés, le type d’emplacement, la localisation exacte, la surface, etc. Il y a tout une mille-feuille à décortiquer, à vérifier. Il faut croiser les informations, pas juste se dire : le local est disponible, j’y vais. Si le candidat peut se faire aider par le franchiseur dans cette démarche, tant mieux, il doit en profiter.
Il faut d’ailleurs, avant de choisir son enseigne, évaluer le degré d’assistance du franchiseur dans le choix de l’emplacement. Ne pas passer à côté du responsable de réseau qui sait dire non. Il ne faut pas non plus hésiter à faire réaliser une étude de marché pour comparer deux emplacements. C’est un peu plus cher, mais les données accessibles aujourd’hui sont telles qu’il ne faut pas s’en priver. Certaines peuvent vous dire si vous devez choisir le trottoir de droite ou le trottoir de gauche… Pour une part minime de votre investissement global, ne vous privez pas de données qui pourront se révéler très précieuses !