Deux contrats annulés et plus de 1,7 million d’euros d’indemnités à verser à un ex-affilié : la sanction est sévère. Motif : des informations précontractuelles « sciemment tues ou erronées » par l’affiliant, selon la cour d’appel de Douai.
La cour d'appel de Douai a pris, le 30 octobre dernier, une décision très argumentée en matière d'information précontractuelle. Les magistrats ont annulé deux contrats d'affiliation, signés en 2006 et 2007, et condamné la tête de réseau pour non-respect de la loi Doubin.
La cour estime que l'affiliant a « sciemment dissimulé (à son futur partenaire) des informations essentielles ». Selon elle, un DIP (Document d'Information Précontractuelle) a bien été remis – pour deux magasins ouverts dans des villes différentes-, mais aucun « état du marché local » n'a été transmis.
Au contraire, le chef de réseau a « communiqué des prévisions optimistes dépourvues de toute crédibilité et manifestement contraires à la réalité économique de son réseau d'affiliation tout juste naissant ». Au lieu des 1 500 € de chiffres d'affaires prévus au m², l'affilié a enregistré entre 617 et 981 € selon les années et les magasins, soit des écarts de « 30 à 50 % ».
Quant aux deux derniers comptes de résultats de sa société – non transmis selon les juges alors que la loi le prévoit -, ils étaient en fait déficitaires. Comme l'ont été ceux des trois années suivantes. La cour note aussi que, selon une enquête officielle de 2011, 9 magasins en propre avaient fermé sur les 12 ouverts depuis la création de l'enseigne (4 sur 8 pour les affiliés entre 2006 et 2011).
La loi Doubin est claire
Au passage la cour rappelle les règles, désormais bien établies, de la jurisprudence. « La violation (par l'affiliant) de l'obligation d'information précontractuelle ne saurait en elle-même entrainer la nullité du contrat ». Encore faut-il que s'y ajoute « la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ».
Mais précisément, pour la cour de Douai, dans cette affaire, l'enseigne « s'est volontairement livrée à une présentation inexacte de ce réseau, à dessein d'inciter (l'affilié) à s'engager et à investir (…) ».
De même, « ces informations sciemment tues ou erronées, en ce qu'elles portaient sur la santé financière du groupe et la rentabilité du concept proposé (…) revêtaient un caractère déterminant (pour le) consentement (de l'affilié)« . Un consentement qui a donc été vicié.
Résultat : les contrats sont annulés. L'affiliant est condamné à verser à l'affilié près de 1,5 million d'euros correspondants aux pertes subies. Auxquels s'ajoutent près de 100 000 € en réparation de sa perte de revenus et 120 000 au titre de son « préjudice moral » et de sa « perte de chance » (notamment d'obtenir un nouveau crédit suite à la liquidation judiciaire de sa société).
La cour le rappelle : la loi Doubin est claire. Elle oblige les enseignes à transmettre certaines informations (état du marché, comptes de résultats du franchiseur, etc.) avant la signature du contrat. Les études prévisionnelles ne font pas partie de la liste. Mais si la tête de réseau en transmet, elles doivent être, elles aussi, « sincères » et « loyales ». Afin de permettre au candidat de s'engager « en connaissance de cause « . C'est la règle. Elle doit être suivie. Sous peine de sanctions qui peuvent s'avérer sévères.
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