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      Les nouveaux filons des franchises de stations-service

      Actu secteurs
      29 septembre 2014

      A la recherche de nouveaux gisements de rentabilité, les réseaux de distribution de carburant se tournent de plus en plus vers l’alimentaire et les services. Au point, pour certains, de faire passer la vente d’essence au second plan.

      Résister aux assauts de la grande distribution

      L’année dernière, 186 stations-service ont encore fermé dans l’Hexagone. Leur nombre est tombé à 11 476, soit deux fois moins qu’il y a vingt-cinq ans. Si moins de 50 % de ces stations (4 979) appartiennent à la grande distribution, cette dernière réalise 62 % des ventes du secteur, contre 38 % pour les réseaux traditionnels… soit l’exact inverse de la situation de 1990.

      C’est qu’avec leur approche low-cost, les Carrefour, Leclerc et autres Mousquetaires ont su flatter le portefeuille en berne de l’automobiliste français. Et le détourner des chaînes spécialistes qui, de leur côté, bataillent pour préserver leurs marges et la rentabilité de leur modèle. Il était temps, autrement dit, que ces acteurs historiques réagissent. Le mouvement est lancé et leurs initiatives se multiplient.

      Total et son réseau low-cost Total Access

      Total a donné le la en inaugurant, en 2011, son concept de stations-service à bas prix, Total Access. L’objectif était clair : aller chasser directement sur les terres de la grande distribution. A la mi-juin 2014, la bannière flottait déjà sur 650 des quelque 3 800 unités qu’exploite le groupe pétrolier en France (majoritairement par le biais de gérants indépendants).

      Mais le modèle à ses limites. “Il n’est viable que si la baisse des marges induite par ces prix bas est compensée par des volumes importants. Nous ne pouvons donc pas l’implanter partout”, explique Patrice Brès, le directeur général de Total Marketing Services, qui pense à terme pouvoir aller jusqu’à “750 ou 800 Total Access sur le territoire”.

      Aussi le prix n’est-il pas l’unique levier qu’ait décidé d’actionner le leader du marché ces dernières années. “Notre stratégie est clairement orientée qualité de services”, résume le responsable. Total est historiquement partenaire de La Croissanterie ou de Brioche Dorée, dont elle a profité de l’expertise pour ajouter une offre de restauration à ses unités.

      Plus récemment, elle s’est rapprochée de Darty ou de La Grande Récré pour enrichir ses rayons. En juin, enfin, l’enseigne a signé l’ouverture d’un 20ème centre Speedy dans l’une de ses stations ; et accueilli dans une autre un premier atelier d’entretien de deux-roues Doc’Biker. Une diversification tous azimuts, donc. “Total doit renforcer sa stratégie de différentiation en continuant d’enrichir son offre en permanence. Et le faire avec des spécialistes”, estime Patrice Brès.

      BP joue la carte de la proximité avec 8 à Huit

      Des spécialistes qui, pour certains, collaborent aussi avec des concurrents de Total. Speedy, par exemple, est également présent dans une vingtaine de stations-service à l’enseigne BP (400 points de vente en France, appartenant depuis 2010 non plus au groupe pétrolier éponyme, mais à l’Israélien Delek, qui a conservé le droit d’utiliser la marque, et tenus majoritairement par des locataires-gérants).

      Mais c’est surtout sur son partenariat avec Carrefour qu’a misé ces dernières années BP pour, à son tour, se diversifier. En ville, la chaîne a multiplié l’adjonction de supérettes 8 à Huit à ses pompes.

      Une petite cinquantaine de ses stations, en région parisienne pour la plupart, mais aussi à Lyon, Grenoble ou Aix-en-Provence, jouent ainsi la “carte de la proximité” et du dépannage en proposant, 7 jours sur 7 et de 7h à 22h, voire minuit, une offre alimentaire large et variée à une clientèle locale qui, signe des temps, se rend le plus souvent en station… à pied.

      Café, snacking et viennoiserie chez ENI-Agip

      “Le commerce du carburant est l’un de ceux proposant la plus grande amplitude journalière et horaire d’ouverture. Nous devons en profiter”, est convaincu David Bertoni, le responsable appels d’offres et projets spéciaux d’ENI France. Son groupe fédère 168 stations-service sur le territoire, battant pavillon Agip ou ENI, et exploitées par des locataires-gérants. Une quarantaine s’égrène le long des autoroutes du pays ; les autres sont en ville. “Pour celles-ci, violemment malmenées par la grande distribution, la diversification n’est ni plus ni moins qu’une question de survie”, va jusqu’à affirmer le responsable.

      Elle a été assez radicale chez ENI, dont de nombreux points de vente sont devenus ces dernières années non seulement distributeurs des produits Casino, mais aussi Relais Colis, détaillants Française des Jeux et/ou terminaux de cuisson proposant pain et viennoiseries.

      Aujourd’hui, le “chien à six pattes italien” veut aller encore au-delà. Il travaille, explique David Bertoni, à un “concept de café, snacking, viennoiserie qui permettrait encore davantage de “proximité avec la clientèle” et surtout aux exploitants de compenser les marges relativement faibles qu’ils tirent des carburants. La tête de réseau l’admet toutefois, les autoroutes, qui offrent une bien meilleure rentabilité, seront son axe prioritaire de développement à l’avenir. Se faisant ainsi l’écho de toute la profession, certes soucieuse de maintenir ses positions dans les villes et les villages en y trouvant des repreneurs pour leurs locataires-gérants au seuil de la retraite, mais globalement peu encline à s’y développer à l’avenir ex-nihilo.

      Avia et le concept Honiby : rompre avec les codes du secteur

      Un groupe a décidé de pousser encore plus loin la logique de la diversification. Au point de faire de la distribution de carburant une activité… accessoire ! Ce groupe c’est Picoty, plus connu sous le nom de son réseau Avia (plus de 700 points de vente dans l’Hexagone, majoritairement en location-gérance).

      En juillet, il a inauguré au cœur de Reims le pilote d’un nouveau concept, baptisé Honiby. Un commerce “moderne, frais et innovant”, offrant des “services originaux” destinés à une clientèle plutôt “féminine et urbaine”. Avec son design boisé et végétal, son intérieur “chaleureux et ludique”, il rompt totalement avec les codes du marché pétrolier. Et c’est précisément le but de ce modèle, présenté non plus comme une station-service, mais bien comme un convenience store, autrement dit une supérette de proximité proposant, à l’image d’un Daily Monop’ ou d’un Carrefour City, produits frais, snacking, boissons, boulangerie et même surgelés (dans son cas fournis par Casino).

      Honiby n’est pas destiné à remplacer tous les points de vente Avia, mais un déploiement du concept “sur les franchises du groupe implantées en centre-ville et en proche périphérie” est envisagé à compter de 2015.

      Des pompistes nouvelle génération

      Toutes ces évolutions auront sans doute des conséquences sur la stratégie de recrutement des réseaux de stations-service. Si la rigueur et la résistance à de fortes amplitudes horaires ont toujours été des prérequis pour devenir locataire-gérant dans le secteur de la distribution de carburants, il faudra aussi désormais être un “bon commerçant”.

      Exit le pompiste installé derrière sa caisse à simplement attendre le client, le gérant nouvelle génération saura animer son point de vente, manier l’accueil et le relationnel, le conseil et la fidélisation. Le prix à payer pour faire des stations-service d’aujourd’hui, les stations de services de demain.

      Location-gérance : comment ça marche ?

      La location-gérance (ou gérance libre) permet au propriétaire d’un fonds de commerce ou artisanal de le conserver dans son patrimoine et d’en tirer des revenus sans l’exploiter lui-même : il en confie la gestion à un tiers qui l’exploite à ses risques et périls, moyennant le versement d’une redevance.

      C’est le modèle de partenariat majoritairement utilisé dans le secteur de la distribution de carburants. Le fonds de commerce de la station-service est la propriété de l’enseigne, qui le confie en gérance à son partenaire. Celui-ci paie un loyer (différent, au sein d’un même réseau, d’un point de vente à un autre). Lorsqu’il est aussi mandataire, le gérant vend le carburant et les produits de son magasin pour le compte de la tête de réseau, qui lui verse des commissions.

      La formule permet d’être “à son compte” en réduisant l’investissement aux seuls frais liés à l’exploitation de l’activité. Les travaux de gros œuvre, agencement et le mobilier sont à la charge du loueur de fonds.

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