La version de l’article 29 bis A de la loi Travail, adoptée à l’Assemblée via le 49-3, semble avoir tenu compte en partie des critiques formulées par les acteurs de la franchise. Mais en partie seulement…
C'est fait, via le fameux 49-3. Comme l'ensemble de la Loi Travail, son article 29 bis A visant spécifiquement la franchise est désormais considéré comme adopté en deuxième lecture par l'Assemblée Nationale.
Le texte de loi doit encore retourner au Sénat, avant l'adoption officielle prévue le 20 juillet. Mais si les sénateurs ont une première fois supprimé l'article contesté, ils n'auront, on le sait, pas le dernier mot.
Signé par de nombreuses fédérations du commerce, à l'initiative de la Fédération française de la franchise, un Manifeste réclamant le retrait de l'article 29 bis A, a été adressé au Président de la République le 5 juillet. Une pétition en ligne allant dans le même sens a réuni plusieurs milliers de signatures.
Mais rien ne semble plus pouvoir éviter aux réseaux de franchise de devoir créer demain des instances de dialogue ouvertes à leurs salariés.
L'article 29 bis A de la loi Travail : un texte moins brutal que sa version initiale…
Après son passage au Sénat et l'intervention de la FFF auprès des instances gouvernementales, le texte a certes été allégé.
Là où il prévoyait en détail :
- la composition de l'instance de dialogue, (réservant la part belle aux représentants des salariés par rapport à ceux des franchisés),
- le mode de désignation de ses membres,
- la durée des mandats (deux à quatre ans),
- les heures de délégation, (20 h minimum par mois par délégué),
il laisse désormais les parties libres de fixer elles-mêmes tous ces points.
Alors que la version initiale dressait une longue liste d'informations que le franchiseur avait obligation de transmettre à l'instance de dialogue tous les trois mois (concernant par exemple la situation économique et financière du franchiseur ou la marche générale du réseau), les parties sont libres de fixer le rythme des réunions. (Faute d'accord, elles seront limitées à deux par an).
Et le franchiseur voit son obligation d'information réduite pour l'essentiel aux décisions « de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés« . En cas, par exemple, d'évolution significative du concept.
L'instance peut aussi « formuler à son initiative (…) toute proposition de nature à améliorer » ces mêmes conditions « dans l'ensemble du réseau ». Ce qui laisse a priori les employeurs (franchiseur et franchisés) libres d'y donner suite (ou non).
Il n'est d'ailleurs plus question d'accord ou de « convention de réseau » s'imposant aux franchisés, d'activités sociales et culturelles et d'un budget afférent, ni d'informations à délivrer sur les emplois disponibles ou d'obligation de reclassement des salariés licenciés dans le réseau, ni de protections particulières des délégués des salariés (alignées sur le régime des délégués du personnel).
…Mais qui continue d'inquiéter les acteurs de la franchise
Du point de vue des acteurs de la franchise, plusieurs points noirs et des interrogations demeurent, cependant.
« Le rôle de l'instance a été réduit, heureusement, reconnaît Maître Hubert Bensoussan, avocat spécialisé en franchise et conseil de nombreux franchiseurs. Mais il demeure nuisible. L'instance dite de dialogue peut toujours, par exemple, formuler des suggestions visant à uniformiser les conditions de travail des salariés « dans l'ensemble du réseau » et c'est extrêmement grave. Cela revient à contraindre le franchiseur à s'immiscer dans la gestion quotidienne de chaque franchisé, alors même que son autonomie dans ce domaine doit être la règle. Chaque franchisé doit pouvoir décider librement des conditions de travail de ses employés. Et les franchisés n'ont aucun intérêt à ce que le franchiseur se mêle de ce qui se passe chez eux de ce point de vue. »
Le spécialiste s'interroge aussi sur la sanction de cette loi. « Un décret en Conseil d'Etat » devra la préciser. Notamment à défaut d'accord entre les parties sur les points à débattre. Quel en sera son contenu ? C'est toute la question.
Autre point toujours très critiqué : le périmètre concerné. Alors que le texte initial visait les réseaux comptant au moins 50 salariés chez les seuls franchisés, la dernière version fixe le seuil à 300 salariés (mais en comptant ceux du franchiseur au siège et dans les succursales).
Dans la mesure où le nombre moyen de salariés par point de vente dans la franchise est de 5 à 6 personnes, cela veut dire que les réseaux seront touchés quand ils atteindront 50 points de vente (franchisés ou non). Parfois avant. Soit, aujourd'hui, près d’un réseau de franchise sur deux.
Enfin, la mesure vise « les réseaux d'exploitants (…) liés par un contrat de franchise mentionné à l'article 330-3 du Code de commerce« . Or, le mot « franchise« ne figure pas dans cet article. Faut-il en déduire que toutes les formules touchées par le 330-3 (la fameuse loi Doubin de 1989) sont maintenant concernées par l'article 29 bis A de la loi El Khomri ? Et plus seulement la franchise proprement dite ?
Quant à ces contrats de franchise, ils doivent, pour être soumis à la loi, contenir « des clauses ayant un effet sur l'organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées ». Là encore, le texte, censé limiter la cible, ne va-t-il pas au contraire l'élargir à tout concept de franchise prévoyant un minimum de règles quant au fonctionnement du point de vente (ce qui laisse pourtant une marge de manœuvre au franchisé dans la gestion de son personnel) ?
Apparemment, le gouvernement a, en partie, tenu compte des critiques exprimées par les représentants des franchiseurs comme des franchisés. Mais n'a pas voulu exaucer leur demande de retrait pur et simple, pour ne pas décevoir la CFDT, à l'origine de la mesure.
Une mesure que les acteurs de la franchise vont, c'est plus que probable, continuer à combattre et sans doute essayer de faire abroger dans les mois qui viennent.
Un bilan de l'article de loi est, du reste, prévu par le texte « au plus tard 18 mois après (sa) promulgation ».
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