La franchise participative est une formule contre nature, même si elle peut être utile dans certains cas.
La franchise participative, c’est-à-dire la participation du franchiseur au capital de la société franchisée peut-elle être intéressante pour le franchisé ?
Le seul véritable intérêt pour le franchisé, c’est qu’elle permet de rassurer les banques. C’est limité, mais cela peut être déterminant, car aujourd’hui il est de plus en plus difficile pour les futurs franchisés de trouver des financements.
En quoi peut-elle rassurer le banquier ?
Le banquier peut penser que, si le franchiseur est présent au capital du franchisé, c’est qu’il a avec lui des intérêts communs qui vont au-delà du contrat de franchise. Cela peut signifier aussi que le franchiseur va apporter de l’argent à la société franchisée en compte courant. Cela peut même être une condition demandée par la banque.
Enfin, la banque peut se dire que, si plus tard l’affaire du franchisé va mal, le franchiseur associé pourra toujours la racheter et donc honorer le crédit bancaire accordé à la société.
Vous conseillez plutôt les franchisés mais aussi certains franchiseurs : pratiquent-ils la franchise participative ?
Cela peut arriver de façon très ponctuelle, par exemple pour donner un coup de pouce à un franchisé qui réussit bien sur son premier point de vente, mais qui est un peu court financièrement pour ouvrir le second. Mais cela reste rare.
« Normalement, ce n’est pas au franchiseur, mais à la banque de financer le franchisé »
Comment le franchiseur récupère-t-il son argent apporté en compte courant ?
Cela fonctionne comme un prêt : il se rémunère, soit sur le résultat, soit sur le chiffre d’affaires de l’entreprise franchisée.
Attention d’ailleurs à préciser les choses par une convention, sinon le franchiseur pourrait récupérer son argent à tout moment.
Ce qui peut aussi être prévu, par exemple, c’est le blocage de la distribution de dividendes pour le franchisé tant qu’il n’a pas remboursé sa dette vis-à-vis du franchiseur…
Normalement, ce n’est pas au franchiseur de financer le franchisé, mais les banques bloquent aujourd’hui des financements qu’elles devraient accorder. Un franchiseur peut donc considérer qu’il est dommage de se priver d’une bonne opportunité avec un candidat valable mais qui n’a pas assez d’apport.
Est-ce que, pour autant, la franchise participative limite le risque pour le franchisé ?
Non, pas du tout. C’est toujours le même risque pour le franchisé. Pour le franchiseur en revanche, il est en effet limité : il ne s’agit pas en général de très gros montants.
Est-ce que le franchiseur se retrouve lui aussi caution pour l’emprunt de la société franchisée dont il est l’associé ?
Il faudrait qu’il le veuille ! Je ne crois pas que ce cas de figure existe.
Combien de temps doit durer idéalement une telle formule ?
C’est tout le problème. Normalement, cela devrait durer peu de temps. Dès que la question de l’emprunt est réglée, c’est-à-dire dès qu’il est remboursé ou que le franchisé a donné au banquier une garantie substituable, la participation devrait s’arrêter. D’ailleurs la banque va demander que le franchiseur reste au capital jusqu’au remboursement du prêt. Après, il peut donc revendre librement ses parts au franchisé. Mais il arrive aussi qu’il veuille les conserver…=
« Une participation du franchiseur à hauteur de 5 % suffit pour apporter du cash au compte courant d’associés »
A quelle hauteur est-il souhaitable que le franchiseur monte au capital du franchisé ?
D’abord, ce n’est pas souhaitable. Mais s’il est amené à le faire, cela ne doit pas être de manière majoritaire ni égalitaire. Il doit rester minoritaire. S’il veut s’immiscer dans la gestion de l’entreprise franchisée, qu’il le fasse, mais alors on n’est plus en franchise et le franchisé est en réalité un gérant de succursale.
Ensuite, tout dépend aussi de la rédaction des statuts. Si le franchiseur prend selon les cas une minorité de 26 % dans les SARL ou 34 % dans les SA, et que les statuts prévoient la nécessité d’obtenir en AG une majorité des 3/4 ou des 2/3 pour, par exemple, modifier l’objet social de la société et in fine changer d’enseigne, ou même simplement déplacer son siège social, cela peut se révéler totalement bloquant pour le franchisé.
En fait, le franchiseur devrait prendre une minorité tout à fait insignifiante afin de ne pas peser sur les décisions sociales, mais c’est précisément cette possibilité qui l’intéresse et qu’il veut se réserver en contrepartie de son apport en compte courant.
Le franchisé devrait pourtant avoir les mains libres à la fin de la relation de franchise. On pourrait en effet imaginer de prévoir que l’association se termine en même temps que le contrat de franchise. Mais cela, les franchiseurs ne l’acceptent pas, car leur but est de pouvoir garder dans leur réseau les emplacements stratégiques.
Or, c’est un véritable problème pour le franchisé car quel réseau concurrent va accepter son ralliement s’il doit garder à son capital le franchiseur qu’il vient de quitter ? Cette possibilité pour l’association de survivre au contrat de franchise est une hérésie.
Une minorité tout à fait insignifiante, cela pourrait être 1 % par exemple ?
Un franchiseur peut pratiquer ce niveau, c’est vrai. Mais s’il le fait, c’est en général pour de mauvaises raisons. Cela peut lui permettre en effet, non seulement de contrôler la gestion du franchisé de l’intérieur, de participer aux assemblées générales, de disposer des mêmes informations que le franchisé, mais aussi cela lui donne les moyens de bloquer certaines décisions importantes. Malgré ses 99 % de parts de la SARL, le franchisé, seul autre associé à côté du franchiseur, peut se retrouver par exemple dans l’impossibilité de vendre son affaire si la décision de cession doit être prise à la majorité par tête. Ce n’est pas de la fiction, cela s’est vu…
En fait, une participation à hauteur de 5 % suffit pour apporter du cash au compte courant d’associés et semble plus correcte.
« Il faut éviter que le franchiseur puisse bloquer les décisions importantes du franchisé »
Que doit contenir le pacte d’associés pour le franchisé ?
Il doit impérativement préciser les questions de majorité lors des assemblées générales. Il faut éviter en effet que le franchiseur ait la possibilité de bloquer les décisions importantes du franchisé comme la cession de ses parts ou le ralliement à un autre réseau à la fin de son contrat de franchise.
L’idéal serait que le franchisé ait la possibilité de racheter les parts du franchiseur dès qu’il le veut. Mais les franchiseurs auront tendance à ne pas lui accorder ce droit.
Attention aussi aux clauses de non-concurrence post-contractuelles qui ne peuvent plus figurer au contrat de franchise en raison de la loi Macron de 2015*, mais que les franchiseurs peuvent réintroduire dans le contrat de société qui, lui, échappe à cette loi !
Au fond, il faut veiller à ce que le franchisé ait au maximum les mains libres et puisse prendre ses décisions sans avoir à convoquer à chaque fois une assemblée générale, sans que cela soit un parcours du combattant.
Que doivent prévoir idéalement les conditions de sortie ? Peut-on établir à l’avance la valeur des parts du franchiseur ?
Établir la valeur à l’avance, non. Définir une méthode de valorisation des parts, oui. Et, au-delà de la question du prix de vente, il faut prévoir les cas où le franchisé pourra racheter les parts du franchiseur, afin de pouvoir changer de contrat et de réseau par exemple.
Attention donc à la rédaction des statuts de la société, car si rien n’est précisé sur ce point, le franchiseur peut ne jamais vouloir vendre… Le franchisé a même intérêt en réalité à préciser les cas dans lesquels le franchiseur sera obligé de lui céder ses parts.
« La franchise participative peut freiner le développement de la société franchisée »
Certains de vos confrères approuvés par leurs clients franchiseurs sont opposés à la franchise participative, affirmant qu’elle est démotivante pour le franchisé qui va avoir tendance à fonctionner en assisté et pas en chef d’entreprise. N’est-ce pas un risque réel pour la réussite de la société franchisée ?
Ils ont en partie raison. La franchise participative est un modèle contre nature. Le franchisé peut trouver en effet pénalisant le fait d’avoir, en plus des charges de la franchise classique, à distribuer des dividendes à son franchiseur et à lui devoir en outre une fraction du prix de vente de son affaire en proportion du nombre de parts qu’il détient. C’est une partie de son patrimoine qui partira en fumée. Cela peut le freiner dans son développement.
Tout dépend bien sûr du niveau de la participation. Mais on est souvent entre 25 et 35 %… Et de toute façon, il peut être fatigant de devoir supporter en permanence « l’œil de Moscou » et d’avoir à rendre des comptes au franchiseur en qualité d’associé, en plus de devoir le faire en qualité de franchisé. Quand les deux partenaires s’entendent bien, cela peut encore fonctionner, sinon cela peut devenir usant en effet.
« Quand la franchise participative est institutionnalisée dans un réseau, c’est souvent pour de mauvaises raisons »
D’autres experts à l’inverse estiment que la participation du franchiseur au capital de la société franchisée est une garantie d’une meilleure implication de sa part et d’une assistance plus rapprochée. Qu’en pensez-vous ?
C’est tout à fait faux. Ce n’est nullement une garantie. L’obligation d’assistance découle naturellement du contrat de franchise. Si le franchiseur doit avoir des intérêts financiers pour assister ses franchisés, il doit changer de métier !
Ce discours ressemble plutôt à un prétexte. Il cache en fait souvent les véritables intentions du franchiseur qui veut avant tout se garder la possibilité de racheter un emplacement stratégique et de mettre des bâtons dans les roues d’un franchisé sur le départ.
Quand ce système de franchise participative est institutionnalisé dans un réseau, c’est souvent pour de mauvaises raisons.
A la fin du contrat de franchise, si le franchiseur ne le renouvelle pas et qu’il détient toujours une participation au capital, comment le franchisé peut-il s’en sortir ?
Le franchisé a, de toute façon, comme dans la franchise classique, une clause de non-concurrence post-contractuelle. Mais, il est vrai que la franchise participative peut encore aggraver la question car les statuts de la société franchisée peuvent prévoir une clause encore plus restrictive, en interdisant au franchisé d’être associé à un concurrent.
Le franchiseur se donne ainsi deux pare-feux au lieu d’un. La solution peut être pour le franchisé de tenter de racheter cette clause, c’est-à-dire de payer une indemnité au franchiseur. Encore faut-il que celui-ci accepte.
Et quid de la vente de la société franchisée ? En raison de la participation du franchiseur, elle devient quasiment invendable à quiconque sauf précisément au franchiseur, ce qui peut au minimum faire chuter son prix. Le franchisé peut-il trouver un repreneur ?
Tout dépend encore une fois de ce que prévoient les statuts de la société franchisée. S’ils contiennent une clause d’agrément bétonnée, le franchiseur peut refuser tout successeur…
« Pour le franchisé, la formule comporte des risques plus importants que le petit avantage de départ qu’elle peut lui procurer »
En termes de risques, que se passe-t-il pour le franchiseur en cas de difficultés de la société franchisée ? Certains de vos confrères affirment qu’il sera entraîné dans la défaillance du franchisé, voire qu’il sera tenu par la justice responsable des éventuels passifs de son franchisé ? Qu’en est-il selon vous ?
Entraîné… à hauteur de ses apports ! Le franchiseur ne prend aucun risque en réalité, sauf s’il s’est amusé bêtement à s’immiscer dans la gestion de la société franchisée. Si, à l’inverse, il est resté dans son rôle d’associé dormant, que voulez-vous qu’il perde ?
Bien sûr, s’il s’avère qu’il y a des flux financiers anormaux entre le franchiseur et la société franchisée, si une gestion de fait peut lui être reprochée, une procédure de liquidation pourrait lui être étendue. Mais c’est extrêmement rare. Je n’ai rencontré ce cas qu’une fois dans ma carrière…
Vous préférez quand même la franchise participative à la location-gérance comme méthode pour aider les candidats à la franchise qui manquent d’apport personnel ?
Disons que la franchise participative est moins pire et peut être utile dans certains cas. Mais les deux formules posent quand même les mêmes problèmes en raison de l’utilisation d’outils juridiques pas du tout adaptés à une relation de franchise.
A l’origine du recours à ces formules, il y a toujours le manque d’argent du franchisé. Or, encore une fois, ce n’est pas au franchiseur de jouer le rôle de la banque, normalement.
Pour le franchisé, cela entraîne des conséquences largement plus importantes que le petit avantage très ponctuel qu’il va en en retirer au départ.
Si, par exemple, le franchiseur prend 5 % des parts de la société franchisée, histoire d’apporter 100 000 € au compte courant d’associé, dès que l’emprunt souscrit par la société franchisée est remboursé, il devrait dégager et vendre ses parts au franchisé à un prix de marché et à dire d’expert en cas de litige. Mais les franchiseurs ne prennent pas cet engagement. Du coup, ils vendent aux franchisés des modèles censés leur être favorables, mais qui peuvent en fait leur coûter très cher.