La cour d’appel de Toulouse condamne le franchiseur pour ventes en ligne illicites, manquement à ses devoirs d’assistance, de collaboration et d’exécution du contrat de bonne foi. L’indemnisation, faible, déçoit les franchisés.
Par quarante et un arrêts similaires rendus le 5 avril 2023, la cour d’appel de Toulouse a prononcé la résiliation du contrat de franchise Naturhouse aux torts exclusifs du franchiseur.
Sans surprise – vu sa décision précédente du 15 septembre 2021 – la cour reproche d’abord au chef de réseau ses ventes illicites sur internet.
Selon l’article 2 du contrat en effet, « la vente de produits par internet est interdite » par Naturhouse. Or, le franchiseur s’est autorisé à en vendre depuis 2020, estimant que l’interdiction était limitée aux franchisés.
Pour la cour, il n’y a au contraire pas d’ambiguïté : « ces stipulations sont applicables tant à l’égard du franchisé que du franchiseur, qui ne peuvent ni l’un ni l’autre procéder à la vente en ligne ». Le franchiseur a donc violé cet interdit de son propre contrat.
La cour pointe ensuite le manquement du franchiseur à son devoir d’assistance.
Malgré les nombreuses demandes des franchisés faisant état pendant plus de deux années de craintes sur la baisse du chiffre d’affaires, la concurrence exacerbée et la pérennité du réseau, « le franchiseur s’est borné à une réponse de pure forme et ne démontre pas avoir adopté de réponses concrètes de nature à remédier aux craintes (exprimées) ».
Au contraire, en développant la vente en ligne, il a démontré sa connaissance des difficultés rencontrées (…) sans pour autant y remédier par une réponse acceptable (…) ».
Enfin, il ne prouve pas qu’il a procédé à des visites régulières des franchisés.
La cour reconnaît plusieurs manquements contractuels du franchiseur Naturhouse…
Troisième défaut mis en cause par les magistrats : l’absence de collaboration. Le franchiseur a traité par le mépris les idées des franchisés visant, pour faire face à la concurrence, à faire évoluer les produits et à promouvoir le réseau.
Entre autres, l’association des franchisés suggérait pour ce faire la création de trois commissions thématiques se réunissant quatre fois par an.
Pour la cour, c’est clair : « En ne donnant pas d’explication ou en opposant un simple refus à la proposition (des franchisés) d’instaurer un fonds commun de communication et un dialogue ayant notamment pour objet de coopérer pour maintenir l’image de la marque comme l’impose l’article 5 du contrat de franchise, Naturhouse a manqué à son obligation de coopération contractuelle ».
Quatrième faute du franchiseur aux yeux de la cour d’appel : avoir proposé au public, depuis septembre 2020, la consultation d’un diététicien en ligne sur son site internet.
Certes, le contrat ne l’interdit pas formellement. Mais « le concept repose sur deux composantes indissociables : la consultation d’un diététicien diplômé et la vente de produits de la marque ».
Or l’un de ses articles stipule que « l’exploitation d’un centre Naturhouse nécessite la présence continue d’une personne titulaire du diplôme d’État français de diététicien ». Et, en raison de l’article 2, la vente des produits par internet est interdite. Consultation d’un diététicien et vente des produits ne peuvent donc avoir lieu qu’en magasin.
Pour les juges, le franchiseur a manqué à son obligation d’exécution du contrat de bonne foi en soutenant que la consultation de diététicien en ligne était possible.
…dont la gravité justifie la résiliation anticipée du contrat décidée par les franchisés
La cour écarte toutefois les accusations des franchisés concernant le « maillage inconséquent » du territoire, « l’absence d’innovation », « l’absence de promotion du réseau » et le « détournement de clientèle à travers les succursales ».
Ceci étant, pour les juges, la « gravité des manquements » est établie, à la fois par « le caractère délibéré » de la violation du contrat par le franchiseur sur la question des ventes en ligne, et « par leur caractère répété », malgré les courriers des franchisés.
Une gravité telle qu’elle justifient selon les juges « la résiliation du contrat par (les franchisés) aux torts exclusifs de Naturhouse ».
L’indemnisation des franchisés n’est toutefois pas à la hauteur de leurs espérances. L’un d’eux qui réclamait plus de 400 000 € en obtient par exemple à peine plus de 6 500 €.
Pour les « gains manqués », la cour n’accorde en effet « aucune indemnisation » aux franchisés concernant la période précédant leur résiliation de juin 2020. Aux yeux des juges, le lien de causalité n’est alors « pas prouvé » entre les manquements du franchiseur et le préjudice subi.
Pour trois raisons : parce que la baisse du chiffre d’affaires global du réseau ne suffit pas à « mettre en évidence » le préjudice individuel de chaque franchisé, parce que « le manquement le plus significatif » – la vente en ligne – ne commence qu’en avril 2020, enfin parce qu’une « pluralité de facteurs » est intervenue, notamment « la concurrence exacerbée dans le secteur d’activité ».
Quant à l’indemnité accordée pour la période suivant la résiliation, calculée sur la base des résultats nets précédents (une fraction de la moyenne des dernières années), elle est limitée du fait même de la faiblesse des bénéfices réalisés.
Enfin, en ce qui concerne la somme calculée pour compenser la « perte de chance de renouveler le contrat », elle souffre du même défaut. D’autant que l’estimation de la chance en question est fixée à 30 % par la cour…
Petite consolation : le franchiseur Naturhouse est condamné à rembourser aux franchisés dans la plupart des cas le montant de leur dépôt de garantie de 7 000 € versé en début de contrat.