La cour d’appel de Paris vient d’annuler trois clauses d’un contrat de franchise Naturhouse concernant la non-concurrence après le contrat, les échanges commerciaux entre franchisés du réseau et les ventes sur Internet. Elle valide en revanche la clause d’approvisionnement exclusif et refuse d’annuler l’ensemble du contrat.
Par un arrêt du 15 mai 2024, la cour d’appel de Paris annule trois clauses d’un contrat de franchise Naturhouse.
Dans cette affaire, un premier contrat de 5 ans est signé en 2009. Il est renouvelé en 2014 pour la même durée. Mais à la fin de ce deuxième contrat en 2019, le franchisé poursuit la même activité dans ses locaux sous une enseigne concurrente.
Sans surprise, le franchiseur assigne son ancien partenaire en justice pour violation de sa clause de non-concurrence post-contractuelle d’un an. Il réclame en compensation l’équivalent d’une année de chiffre d’affaires du point de vente, soit de l’ordre de 90 000 €.
Débouté en première instance, il fait appel.
Imposée sur la France entière, la clause de non-concurrence post-contractuelle est illicite, selon les juges
Saisie, la cour d’appel de Paris annule la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat de franchise Naturhouse au cœur du litige.
Se référant à la jurisprudence en vigueur lors de la signature du contrat (soit avant la loi Macron de 2015 et les nouveaux articles du code de commerce qui en sont issus), les magistrats parisiens admettent que la clause est bien limitée dans le temps, mais la jugent « disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes de la société Naturhouse ».
La clause prévoit que le franchisé ne pourra « créer, directement ou indirectement, aucun autre établissement en France consacré à la même activité que celle du franchiseur ».
Aux yeux des magistrats, le franchiseur « ne justifie pas en quoi la spécificité (de son) savoir-faire implique une protection sur l’ensemble du territoire national ». Pour eux, le fait que le réseau soit développé à cette échelle avec 392 établissements franchisés et 4 succursales ne suffit pas à justifier l’interdiction faite au franchisé.
En conséquence, pour la cour, « la société Naturhouse ne peut pas se prévaloir d’un détournement de clientèle de la part de la société franchisée ». Elle « ne démontre pas » non plus l’existence « d’une clientèle qui lui aurait été propre ».
Elle est déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Ni parasitisme, ni concurrence déloyale du fait de la société franchisée, affirme la cour
La cour d’appel de Paris écarte de même les accusations complémentaires de parasitisme et de concurrence déloyale formulées à l’encontre de la société franchisée.
« Si la société Naturhouse justifie d’une certaine notoriété dans ce type d’activité, indique l’arrêt, elle n’apparaît pas comme la seule à proposer un tel concept. »
Le seul fait que cette même activité soit exercée par la société franchisée « dans son local en gardant sa clientèle propre » ne suffit pas à démontrer l’existence d’un « détournement de la notoriété de l’enseigne (…), ni d’actes de concurrence par confusion dans l’esprit de la clientèle. »
La société franchisée demande l’annulation de quatre clauses et du contrat tout entier
En riposte aux accusations du franchiseur, la société franchisée – qui entre-temps a fait l’objet d’une liquidation amiable – demande pour sa part à la cour d’appel d’annuler l’ensemble du contrat de franchise et de lui accorder en conséquence des indemnités de l’ordre de 330 000 €.
Pour appuyer cette demande, elle soulève, outre la nullité de la clause de non-concurrence, celles des clauses interdisant aux membres du réseau les ventes sur Internet ainsi que les ventes entre franchisés. Elle invoque aussi la nullité de la clause d’approvisionnement exclusif.
Les clauses interdisant les ventes par Internet et les échanges de produits entre franchisés sont annulées
S’appuyant sur le droit européen, qu’elle juge applicable en l’occurrence (article 101 du Traité), comme sur le droit français (articles 420-1 et suivants du code de commerce), ainsi que sur la jurisprudence, la cour d’appel de Paris annule la clause interdisant les ventes en ligne.
Certes, admettent les magistrats parisiens, « le concept Naturhouse repose sur la vente de compléments alimentaires associés à des conseils personnalisés prodigués par un diététicien formé par (l’enseigne) ». Mais si cette spécificité, qui relève du savoir-faire du réseau, favorise la vente directe en magasin, « il n’est pas démontré (qu’elle) soit imposée par une réglementation particulière » (qui pourrait justifier la restriction de concurrence concernant les ventes en ligne).
Par ailleurs, le franchiseur « ne démontre pas en quoi l’exigence de traçabilité des compléments alimentaires impose d’interdire la vente de ces produits sur Internet, ni que cette interdiction découle d’une réglementation » sanitaire ou autre.
Cette restriction des ventes en ligne « se trouve d’autant moins justifiée » aux yeux des juges que le franchiseur a lui-même « organisé la vente par Internet de (ses produits) à compter de 2020 » sur son site internet marchand. Or, pointe la cour, « ce changement de politique commerciale n’est pas (non plus) dicté par un changement de réglementation. »
La clause n’est donc pas licite.
La cour d’appel annule également la clause interdisant aux franchisés la vente ou l’achat des produits Naturhouse aux autres établissements franchisés du réseau.
Comme l’interdiction des ventes sur Internet, cette clause constitue pour la cour une « restriction de concurrence » prohibée tant par le règlement européen que par le code de commerce français.
La cour d’appel valide la clause d’approvisionnement exclusif et n’annule pas le contrat lui-même
La cour valide en revanche la clause d’exclusivité d’approvisionnement du contrat Naturhouse.
S’appuyant sur les lignes directrices européennes de 2010 (point 190), elle rappelle que « en matière de franchise, les clauses qui organisent le contrôle indispensable à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau, symbolisé par l’enseigne, ne constituent pas des restrictions de concurrence ».
Or, c’est le cas ici. « Les méthodes de suivi diététique Naturhouse fournies aux franchisés sont modélisées et formatées par rapport aux produits Naturhouse ». La clause d’approvisionnement exclusif est donc indispensable au franchiseur pour préserver le savoir-faire et l’identité du réseau.
Par ailleurs, l’annulation des trois clauses prononcée par la cour n’entraîne pas celle du contrat tout entier. Les magistrats estimant que « (leur) caractère essentiel (…) au regard de l’économie du contrat n’est pas allégué ».
Enfin, aucune indemnisation n’est due à la société franchisée selon la cour puisque « les sommes réclamées en restitution au titre de la redevance, de la marge du franchiseur, des aménagements et de la communication ne concernent pas les clauses annulées ».