Une tête de réseau se voit condamnée pour défaut d’information précontractuelle et tromperie. La cour d’appel de Douai lui reproche, entre autres, de ne pas avoir transmis de comptes annuels, dissimulant ainsi à son futur partenaire la vérité sur la situation réelle de ses sociétés.
La nullité d’un contrat de franchise ? Très peu de tribunaux et encore moins de cours d’appel la prononcent. L’arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d’appel de Douai constitue donc, de ce point de vue, une exception qui confirme la règle.
Dans le litige examiné par les juges, un contrat est signé en juin 2015. Mais en avril 2016, l’adhérent, mécontent, le résilie. Peu après, la tête de réseau saisit la justice. Condamnée en première instance, elle fait appel. Elle réclame à son ancien partenaire (placé depuis 2018 en liquidation judiciaire) plusieurs dizaines de milliers d’euros d’indemnité, entre autres, pour rupture injustifiée du contrat.
L’adhérent estime pour sa part que son adversaire n’a pas respecté ses obligations précontractuelles et a vicié son consentement. Il demande l’annulation du contrat.
Information précontractuelle : la tête de réseau était-elle soumise à la loi ?
Saisie, la cour d’appel de Douai se prononce d’abord sur le fait de savoir si la tête de réseau devait ou non transmettre à son candidat un Document d’information précontractuelle (DIP). Car, bien qu’elle s’en soit acquittée, elle ne cesse d’affirmer qu’elle n’y était pas obligée.
Elle met en avant pour cela un type d’organisation que l’on rencontre fréquemment dans la licence de marque. Avec une répartition des rôles entre une société qui concède à l’adhérent le droit d’utiliser l’enseigne commune du réseau et une autre qui lui accorde un approvisionnement exclusif.
Or, la loi ne s’impose que si une personne met à disposition d’une autre une enseigne et, en même temps, propose une exclusivité…
S’appuyant sur sa répartition des rôles, la tête de réseau tente donc de faire valoir dans la procédure que la loi ne lui est « pas applicable en l’espèce s’agissant d’un contrat d’adhésion à une centrale d’achats et non d’un contrat de franchise, dans la mesure où la société (qui propose une exclusivité) ne concède pas (en même temps) un droit à enseigne ».
Pour les magistrats de Douai, il n’y a, au contraire, pas d’ambiguïté : « Le contrat litigieux (…) entre dans le champ d’application de l’article L.-330-3 du code de commerce ». La tête de réseau (dont les deux sociétés ont signé le contrat) était, pour eux, tenue de transmettre un DIP.
Des « informations essentielles » ont été « sciemment retenues », selon les juges
La cour se prononce ensuite sur le contenu du DIP transmis. Si celui-ci contient bien une présentation de l’état général du marché, la cour la juge « succincte ». Quant à l’état du marché local, elle considère que les informations transmises sont trop « générales » et ne s’accompagnent pas de perspectives de développement, contrairement à ce que prévoit la loi. Enfin, la cour pointe l’absence de comptes annuels du concédant, comptes qui doivent être annexés au DIP.
Pour sa défense, la tête de réseau, qui reconnaît ne pas avoir transmis de comptes, avance à la fois qu’elle ne savait pas lequel transmettre (celui de la société qui concédait l’enseigne ou celui de celle qui exigeait l’exclusivité) et que, de toute façon, l’une des deux n’avait que 9 mois d’ancienneté et donc pas de bilan à présenter…
La cour estime au contraire que « le défaut de délivrance des informations prévues (par la loi) est caractérisé ». Les magistrats ajoutent que la tête de réseau et ses deux sociétés « ont sciemment retenu des informations essentielles nécessaires à l’appréhension des enjeux de son engagement par la société (de l’adhérent). » Notamment la situation réelle de l’entreprise. Il y a donc eu, selon eux, volonté de tromper.
La nullité du contrat est prononcée. Et les sociétés du concédant (dont l’une est aussi en liquidation) se voient condamnées à verser à celle de l’adhérent près de 12 000 € en remboursement de redevances et cotisations perçues.
D’autres cours d’appel auraient sans doute estimé, comme elles le font presque toujours en pareil cas, que l’adhérent « ne démontrait pas en quoi les informations manquantes avaient vicié son consentement » et qu’il « aurait dû mieux se renseigner avant de signer ». La cour de Douai n’a pas jugé ainsi.