Une franchisée en liquidation judiciaire estime avoir été trompée par son franchiseur, notamment sur le potentiel de rentabilité de son affaire. La cour d’appel de Paris démonte un à un tous ses arguments et refuse sa demande de nullité du contrat.
Une fois de plus, la cour d’appel de Paris refuse d’annuler un contrat de franchise. Elle déboute également la franchisée plaignante de ses demandes d’indemnités (à hauteur de plus de 500 000 €).
Dans ce litige, le contrat est signé en septembre 2009 et l’établissement ouvert en janvier 2010. Mais les choses se passent mal et la société franchisée est placée – en juillet 2013 – en redressement judiciaire, puis – en juin 2014 – en liquidation.
Devant la justice, la société franchisée réclame l’annulation du contrat. Pour elle, son consentement a été vicié par les manquements de son franchiseur à son obligation d’information précontractuelle quant à la présentation des entreprises du réseau, du marché local et de la rentabilité attendue de l’opération. En outre, la plaignante affirme qu’aucun savoir-faire réel ne lui a été transmis.
Un DIP « complet », sans manquement sur l’état du marché, selon les juges
Saisie, la cour d’appel écarte, à l’instar des juges de première instance, toutes ces accusations dans un arrêt très argumenté du 11 décembre 2019. Pour les magistrats, il n’y a pas eu de vice du consentement.
Selon eux, le Document d’information précontractuelle a été remis près de deux mois avant la signature du contrat (soit plus que le délai légal de 20 jours minimum). La franchisée a donc eu « le temps de construire son projet ».
Par ailleurs, ce DIP était « complet », « décrivant de façon satisfaisante l’activité du franchiseur et du réseau ». En outre, la franchisée « a reconnu, en signant et paraphant le contrat de franchise, avoir reçu les informations nécessaires de la part du franchiseur sans émettre (alors) aucune réserve ni formuler aucune demande d’information complémentaire ».
Concernant l‘état local du marché, le franchiseur n’a, selon les juges, rien caché de sa réalité. En outre, rappellent-ils, c’était à la franchisée d’effectuer « sa propre étude de marché », d’autant qu’elle était installée dans la région depuis longtemps. Or, « elle ne précise pas », note l’arrêt, « les démarches entreprises pour satisfaire à l’obligation de s’informer qui pèse sur le candidat franchisé, commerçant indépendant responsable de son commerce et de sa gestion. »
Enfin, pour avoir géré pendant 20 ans une pharmacie, la franchisée ne peut, selon la cour, « invoquer l’ignorance du monde des affaires »… Même si sa nouvelle activité n’a rien à voir avec le secteur de la santé.
Rentabilité : la franchisée « seule responsable » de ses prévisions et de ses résultats, dit l’arrêt
Concernant la question de la rentabilité, la franchisée estime avoir été victime d’une erreur, n’ayant atteint, lors de ses deux premières années, que 71 et 88 % des niveaux de chiffres d’affaires prévus.
Un écart qui, aux yeux des magistrats ne suffit pas à caractériser une faute du franchiseur. D’autant que, relèvent-ils, « en l’absence de prévisionnels fournis par (l’enseigne), la (plaignante) a établi ses prévisions sous sa seule responsabilité, prenant en référence les niveaux d’activité réalisés par un établissement d’une surface 30 % supérieure (à la sienne) ». La cour ajoute sa remarque habituelle sur le fait que, de toute manière, « de multiples facteurs », tel que « la conjoncture économique » ou « la gestion du gérant » « interviennent dans la détermination de la rentabilité d’une opération économique »…
Ni absence de savoir-faire, ni fautes contractuelles selon la cour
Quant à l’existence d’un savoir-faire, « préalablement éprouvé dans des points de vente pilotes depuis 2006 », elle est « évidente » pour les juges, vu la notoriété de la marque, la déclinaison de produits proposés aux consommateurs, l’agencement des points de vente, etc. En outre, la franchisée « l’a reconnu en signant le contrat après avoir pris connaissance de l’activité, des méthodes d’exploitation (et de commercialisation) et s’être rendue dans deux magasins du franchiseur à Paris ».
Il n’y a donc, pour la cour d’appel de Paris, aucune raison d’annuler le contrat de franchise litigieux.
A titre subsidiaire, la société franchisée réclamait la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur (et les mêmes indemnités qu’en cas d’annulation du contrat) pour une série de motifs : défaut d’assistance, concurrence déloyale, pratique de prix imposés, non-respect des remises dues, un changement de politique commerciale imposé en 2012 sur un des rayons entrainant une baisse du chiffre d’affaires global, etc.
La cour détruit un à un minutieusement tous les arguments de la plaignante et la déboute là encore de ses demandes, la condamnant pour finir aux frais de procédure.