Redevables de sommes conséquentes à leur franchiseur, deux franchisés associés contre-attaquent en lui reprochant diverses fautes précontractuelles et contractuelles. La cour d’appel ne les suit pas et les condamne pour non-respect du contrat.
La cour d’appel de Montpellier vient de confirmer la résiliation d’un contrat de franchise aux torts exclusifs des franchisés pour non-respect des engagements pris.
Dans ce litige, le contrat est conclu en avril 2013, mais début 2016, le franchiseur adresse une mise en demeure à ses partenaires. En cause : des retards de paiement de marchandises pour environ 100 000 € et de redevances pour plus de 12 000.
Le franchiseur reproche aux franchisés de ne pas jouer le jeu de la franchise
Le franchiseur reproche également aux deux franchisés associés « de s’approvisionner auprès de fournisseurs non référencés et non agréés par lui, de ne pas lui avoir adressé les rapports et statistiques de gestion, la déclaration de TVA, le tableau de bord mensuel et les états financiers et comptes annuels et de ne pas avoir participé aux formations dispensées ».
Faute de paiement dans le délai prévu, le franchiseur résilie le contrat et met en demeure un mois plus tard ses partenaires de tomber l’enseigne et d’abandonner les signes distinctifs de sa marque. Début mai 2016, il les assigne en justice.
Au même moment, le tribunal de commerce ouvre une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société franchisée. Et en septembre 2017, il prononce la résiliation judiciaire du contrat aux torts des franchisés et les condamne à diverses sommes.
Les franchisés se défendent et accusent le franchiseur de manque de transparence et d’assistance
Devant la cour d’appel qu’ils ont saisie, les franchisés font valoir que, durant le contrat, ils ne se sont approvisionnés auprès d’autres fournisseurs « qu’en cas de ruptures de stocks » et qu’ils ont « communiqué normalement » leurs situations comptables.
S’ils ne se sont pas rendus aux formations, c’est parce qu’il s’agissait en réalité selon eux de « journées inter-franchises destinées à des activités de loisirs ».
Enfin, ils estiment que les retards de paiement ne sont « pas constitutifs d’une violation par le franchisé du contrat de franchise pouvant justifier sa résiliation » et que le défaut de paiement des redevances « ne justifie pas à lui seul la résiliation du contrat à leurs torts exclusifs ».
En outre, ils affirment qu’à l’inverse, le franchiseur a « failli à son obligation d’information précontractuelle » relativement à la présentation de l’état général et local du marché. Qu’il ne les a « pas alertés sur l’importance des investissements spécifiques » qu’ils seraient amenés à réaliser (pour plus de 100 000 €). Que le franchiseur a également « failli à ses missions de formation et d’assistance. Aucune aide n’ayant été apportée aux franchisés alors qu’ils se trouvaient dans une situation difficile. »
Enfin, les franchisés considèrent que leur société a été placée en situation de dépendance économique (contraintes d’approvisionnement, prix de revente maximum imposés). Le franchiseur ayant ainsi abusé de sa position dominante. La résiliation du contrat doit donc être prononcée à ses torts exclusifs et ils évaluent le préjudice qu’ils ont subi à 133 000 €.
Pour la cour, les défauts de paiement des franchisés constituent un motif suffisant de résiliation
Par leur arrêt du 22 mai 2020, les magistrats de la cour d’appel de Montpellier démontent un à un ces arguments et confirment la résiliation du contrat aux torts exclusifs des franchisés.
Pour la cour, en signant son contrat, la société franchisée « s’est engagée à s’approvisionner exclusivement auprès du franchiseur ou de fournisseurs référencés et à payer les produits commandés. »
Elle est donc redevable d’une somme de 116 800 € auprès de la centrale d’achats. De même, elle doit s’acquitter d’un solde de 19 000 € de redevances impayées.
Pour les magistrats, ces divers défauts de paiement « caractérisent un manquement contractuel justifiant à lui seul que le contrat soit résilié aux torts » de la société franchisée.
Quant au franchiseur, il n’a selon eux pas commis de faute, ni sur l’information précontractuelle ni sur la formation
Concernant les fautes reprochées au franchiseur, la cour considère au vu des pièces qu’elle a examinées, que « l’obligation précontractuelle d’information a été respectée » (état du marché local et national, origine du réseau, étapes de son évolution, liste des membres). Quant aux dépenses d’investissement, elles étaient « détaillées dans une fiche » que les franchisés prétendent ne jamais avoir reçue mais qu’ils n’ont « jamais réclamée ». La facture de juillet 2013, englobant les éléments de l’agencement initial, ne paraît du reste « pas anormalement élevée » aux juges au regard de l’activité considérée.
En ce qui concerne la formation, les franchisés reconnaissent avoir suivi la période initiale. Si trois de leurs employés n’en ont pas bénéficié, c’est « qu’aucune demande n’a été faite au franchiseur ».
En outre, il est attesté que celui-ci s’est rendu sur place plusieurs fois et a organisé, notamment au cours de l’année 2015, à 5 reprises dans le réseau, des réunions de franchisés auxquelles les plaignants ne se sont pas joints « prétextant leur indisponibilité ». Pour les juges, ces derniers « ne peuvent dès lors se borner à affirmer que ces réunions étaient destinées aux loisirs ».
Pas de faute du franchiseur non plus sur l’assistance, selon les juges
Quant à l’assistance, le franchiseur produit trois comptes-rendus de visite dont le dernier en 2015 liste une série « d’écarts » du point de vente par rapport aux normes du réseau. Compte-rendu dont les franchisés, qui disent ne pas le connaître, contestent la sincérité.
A propos des difficultés des franchisés restées selon eux sans réaction de leur franchiseur, certes, le chiffre d’affaires a légèrement diminué en 2015 (« sans raison apparente », estime la cour) et des pertes de 23 000 € ont succédé à un bénéfice de 25 000 réalisé sur l’exercice précédent. Mais à aucun moment, note l’arrêt, les franchisés n’ont sollicité l’aide de leur franchiseur.
De même, ajoutent les magistrats, l’état comparatif des chiffres d’affaires dans le réseau au cours des premiers mois de 2015, s’il plaçait le point de vente franchisé comme ayant réalisé le CA le plus bas « n’était pas en soi révélateur d’une diminution de la rentabilité » de l’établissement concerné. Il n’est donc « pas prouvé » pour la cour d’appel que le franchiseur aurait manqué à son obligation d’assistance.
Enfin, concernant la dépendance économique, la question n’est, selon les juges, « pas du ressort de la cour » de Montpellier mais de la cour d’appel de Paris. La demande est donc jugée « irrecevable ».
Les franchisés personnes physiques devront s’acquitter de certaines dettes de leur société en redressement judiciaire
Au terme de cet arrêt, la résiliation du contrat de franchise aux torts des franchisés est confirmée. Les 116 800 € dus à la centrale d’achats sont inscrits au passif de la société franchisée, de même que les 19 000 € de redevances dus à la société franchiseur.
A cela s’ajoute, toujours aux dépens de la société franchisée, une indemnité de rupture de 108 200 € (montants arrondis) correspondant, conformément à ce que prévoyait la clause du contrat, aux redevances qu’elle aurait dû verser jusqu’au terme prévu de la collaboration (25 mois de 4 328,67 €, somme moyenne versée pendant l’exploitation sous enseigne).
Par ailleurs, la société franchisée, qui a tombé l’enseigne du franchiseur et l’a remplacée par la sienne, devra dans un délai de 6 mois, retirer tous les liens qui dirigent encore les visiteurs de certains sites web et moteurs de recherche vers son point de vente à partir de la marque-enseigne du franchiseur. Sous peine d’une astreinte de 50 € par jour.
Enfin, comme le contrat le prévoyait, les deux franchisés personnes physiques devront s’acquitter ensemble des 116 800 € dus à la centrale d’achats par leur société en redressement judiciaire.