Nous réalisons 10 % de notre chiffre d’affaires de façon digitale. C’est en augmentation, mais c’est encore insuffisant.
Comment appréciez-vous le marché du jouet après les épisodes judiciaires de La Grande Récré et de Toys’R’Us ?
L’année 2018 a été marquée par les difficultés rencontrées par deux enseignes majeures, qui sont passées par la case tribunal de commerce. Mais elles s’en sont sorties par le haut, en trouvant des investisseurs importants, qui se sont engagés pour permettre leur relance. Lorsqu’on connaît la prudence des financiers vis-à-vis du commerce en général, cela laisse à penser que le secteur est encore attractif !
En réalité, les problèmes qu’ont vécus les deux réseaux précités ne sont pas liés à un recul significatif de la consommation, mais à un trop fort endettement de ces réseaux, chacun pour des raisons différentes. Quant au marché lui-même, sur les dix dernières années, il a connu neuf années de progression, modeste certes, mais la tendance est tout de même nette. Même en 2017, malgré l’essor du jeu vidéo, qui a fait un bon de 13 %, le jouet traditionnel a tenu le choc. Certes sur les 9 premiers mois de 2018, les ventes seraient, selon NPD, en recul de 3,5 %, mais le repli enregistré par Toys’R’Us et La Grande Récré représenterait à lui seul 3 %. On peut donc dire qu’il s’agit d’un marché mature, qui reste essentiel pour l’éveil et l’épanouissement de l’enfant.
Qu’en est-il du point de vue de la distribution ?
Les sites marchands n’ont cessé de progresser au cours des dernières années et ils accaparent aujourd’hui, selon le panel NPD, 20 % du marché. Ils vont certes continuer à se renforcer, peut-être jusqu’à 30 %, mais le « mass market », qui est leur cœur de cible, a forcément des limites. Je suis, pour ma part, convaincu qu’il restera une part importante pour les magasins physiques spécialisés. Car pour de nombreux clients, l’aspect émotionnel de la découverte des produits en magasin comme le rôle de conseil que nous apportons demeurent indispensables. En revanche les points de vente vont devoir continuer à évoluer. C’est ce à quoi nous travaillons.
Où en est King Jouet aujourd’hui, en termes de taille de réseau ?
L’enseigne a été créée en 1987. Elle compte aujourd’hui 240 points de vente au total, soit 160 succursales et 80 affiliés, sous nos deux formats : King Jouet classique et King Jouet Boutique pour les cœurs de ville. Sur le plan géographique, nous avons 150 magasins en France et une dizaine en Suisse. En revanche nous avons quitté la Chine et l’Espagne, où le marché a été divisé par deux après la crise de 2008. Globalement aujourd’hui notre réseau est stable. Nous ouvrons une dizaine de points de vente par an, alors que nous en perdons à peu près autant, soit à cause de départs en retraite, soit parce que nous fermons des unités, dont la rentabilité n’est plus au niveau car les facteurs de commercialisation ont évolué.
Quelles sont vos perspectives de développement ?
Étant donné que King Jouet est aujourd’hui principalement implanté en périphérie des villes de provinces moyennes, la surface moyenne de nos magasins est importante, de l’ordre de 850 m². Dans l’avenir nous serons amenés à abaisser cette taille, ce qui nous permettra de nous développer aussi en centre-ville sur des superficies plus petites, de l’ordre de 500 à 600 m², car les consommateurs sont achetés à ce type de magasin de proximité. Ce modèle pourrait aussi permettre de s’implanter à Paris.
Vous venez de remporter un trophée. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
Il s’agit du Trophée de la Meilleure chaîne de magasins dans la catégorie jouets. Il est attribué selon plusieurs critères : l’amabilité du personnel, la qualité des produits et l’importance de l’offre, la présentation des produits, les animations en magasin, etc. Nous l’avons obtenu pour la troisième année consécutive. Bien sûr cela nous fait plaisir et nous en sommes fiers. Mais cela ne va guère renforcer notre attractivité car peu de clients y prêtent attention. En revanche, cela motive énormément les équipes de vente, qui y voient une concrétisation de leur travail.
Comment King Jouet fait-il face à la montée en puissance des ventes sur Internet ?
Nous réalisons 10 % de notre chiffre d’affaires de façon digitale. C’est en augmentation, mais c’est encore insuffisant. L’idéal serait de tendre vers les 20 %, soit le même niveau que l’e-commerce sur le marché du jouet. Mais notre objectif n’est évidemment pas de nous battre avec Amazon, en particulier sur le créneau de la livraison à domicile – où ils sont très performants – même si nous proposons cette possibilité à travers notre site marchand.
Notre but est bien plus de digitaliser nos points de vente, en apportant des services supplémentaires à notre clientèle. Cela passe par le click-and-collect, c’est-à-dire la commande sur le Net et le retrait en magasin. Certes tout le monde le fait aujourd’hui mais c’est une des armes des réseaux physiques, il faut donc la renforcer. Nous avons également renforcé ce que nous appelons le store-to-web ou encore l’extension d’offre. Nos vendeurs sont ainsi équipés de smartphones multi-usages qui permettent de vérifier rapidement si un produit est en stock en magasin – parce qu’il n’est pas possible d’avoir en tête l’intégralité des références -, ou encore de proposer des produits non présents en magasin, parce qu’ils sont trop volumineux par exemple.
Ils peuvent également vérifier si un produit manquant est disponible dans une unité voisine, par exemple dans les villes où nous avons plusieurs implantations. Dans ce cas, il est possible de le commander, et de le récupérer deux jours après. Enfin, le vendeur peut aussi vérifier rapidement sur son smartphone si le client est adhérent à notre programme de fidélité et lui faire une offre correspondante.