Un franchisé qui s’est vu refuser un prêt bancaire par 9 banques et n’a pas trouvé de local dans le temps imparti par son contrat rejette la faute sur son franchiseur qui l’aurait, selon lui, trompé sur plusieurs points notamment quant au DIP. Il est condamné par la cour d’appel de Paris pour rupture anticipée.
Dans ce litige, un contrat de franchise de 7 ans est signé en 2019 contre un droit d’entrée de 23 400 € TTC et l’engagement d’ouvrir un centre d’activité à l’enseigne dans les 12 mois.
Son projet n’ayant pas abouti en raison de nombreux refus bancaires et de difficultés à acquérir un local, le franchisé rompt son contrat, prend contact avec la concurrence et assigne son franchiseur en justice en août 2020.
Il réclame l’annulation du contrat, le remboursement de son droit d’entrée et des indemnités de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Débouté en première instance en 2022, il fait appel.
Délai de remise et contenu du DIP : selon le franchisé, l’information précontractuelle n’était pas conforme à la loi, le contrat doit être annulé
Les griefs du franchisé à l’encontre de son ex-franchiseur sont nombreux en ce qui concerne l’information précontractuelle.
D’abord il lui reproche de lui avoir délivré son DIP (Document d’information précontractuelle) le jour même de la signature du contrat, le 26 mars 2019 et de lui avoir fait antidater sa réception.
Il ajoute que le 4 mars, jour supposé de cette remise de DIP, il n’était pas dans les locaux de la tête de réseau, mais dans son département.
Il affirme en conséquence qu’en ne respectant pas le délai minimum de 20 jours prévu par l’article L 330-3 du code de commerce (loi Doubin), l’enseigne ne lui a pas permis de s’engager en connaissance de cause.
De même, selon lui, le DIP ne détaillait pas suffisamment les investissements spécifiques au concept et comprenait des données inférieures de près de 40 % « à celles du plan de financement communiqué après la signature du contrat ».
En outre, « les litiges en cours avec les franchisés » n’étaient pas évoqués dans le DIP.
Pour le plaignant, la loi sur l’information précontractuelle n’a pas été respectée. Il a été trompé. Le contrat de franchise doit être annulé.
Rien ne prouve que le DIP a été antidaté et que le délai légal n’a pas été respecté, considère la cour d’appel de Paris
Par un arrêt extrêmement argumenté et détaillé du 13 novembre 2024, la cour d’appel de Paris contredit un à un tous ces arguments du franchisé.
A l’examen des pièces qu’il lui a communiquées pour attester du non-respect par le franchiseur du délai légal de réflexion prévu entre la remise du DIP et la signature du contrat, la cour n’est pas convaincue : à ses yeux, aucun document ne paraît probant.
Les juges écartent également comme non pertinente dans ce dossier la plainte déposée par un autre franchisé du même réseau dénonçant lui aussi « l’antidatage » de son DIP. Pour la cour, « cette pièce est sans intérêt » puisqu’elle porte « sur des faits extérieurs au litige. »
Pour les magistrats de Paris, le franchiseur a respecté la loi puisque le DIP est signé et daté de la main du franchisé au 4 mars 2019, soit plus de 20 jours avant la signature du contrat.
En passant, la cour rappelle que le non-respect de ce délai légal est frappé d’une amende de 1 500 € « en vertu de l’article R 330-2 du code de commerce ». Et que, par ailleurs, la « violation » de ce délai « n’emporte pas en elle-même nullité du contrat, le franchisé devant qualifier et caractériser le vice du consentement qui en découle ».
Pour la cour, le contenu du DIP était conforme. Il n’y a pas lieu d’annuler le contrat de franchise
La cour d’appel balaye de la même manière l’argument concernant les investissements spécifiques nécessaires. Elle estime que l’écart entre les montants cités dans le DIP et ceux effectivement réalisés après la signature du contrat est, hors local, de 5 %, et qu’il est dû, comme l’a expliqué le franchiseur, à « l’intégration de dépenses non spécifiques à l’enseigne que tout franchisé doit assumer pour intégrer un réseau ». Ce qui a été « sans incidence sur la faisabilité du projet ».
A ce propos, « rien n’établit » aux yeux des juges que les refus bancaires essuyés par le franchisé « traduisent un manque de rentabilité de l’activité envisagée ». Et « rien n’indique » que la modification (à la hausse) de l’apport personnel demandé aux franchisés dans les nouveaux contrats du réseau « ait un lien quelconque avec l’impossibilité d’obtenir un crédit (rencontrée par le plaignant) ».
Quant aux litiges en cours avec les franchisés du réseau, la cour rappelle que le code de commerce n’impose pas au franchiseur d’en informer dans son DIP ses futurs partenaires.
La nullité du contrat de franchise pour DIP non conforme est donc refusée au franchisé.
Le franchiseur n’a pas non plus commis de faute dans l’exécution du contrat selon les juges
La cour refuse également la demande subsidiaire de résolution du contrat.
Elle réfute les accusations du plaignant sur l’absence d’assistance du franchiseur dans la recherche du local, pourtant promise sur la plaquette promotionnelle de l’enseigne. Pour les magistrats seul le contrat engage les parties et, en l’occurrence, il ne prévoyait pas ce type d’assistance.
Les juges ne retiennent pas davantage les reproches du franchisé portant sur le rôle dissuasif que le franchiseur aurait joué auprès du courtier qui l’accompagnait dans sa recherche de financement. Pour eux, la tête de réseau n’a pas commis de faute sur ce terrain en expliquant au professionnel (et non aux banques) que l’évolution du projet du franchisé n’avait pas toute son approbation.
Au passage, la cour précise qu’il ne saurait, dans cette affaire, être question de prononcer le remboursement du droit d’entrée du franchisé dans la mesure où le franchiseur lui a transmis son savoir-faire et a préservé sa zone d’exclusivité jusqu’à la rupture, survenue du fait du franchisé. La somme d’argent versée ayant obtenu sa contrepartie, il n’y aurait pas eu à la restituer au franchisé, même en cas de faute du franchiseur.
Le franchisé est condamné pour résiliation anticipée et non justifiée du contrat
La cour considère toutefois que le franchisé n’a pas non plus commis de faute en ne réussissant pas à ouvrir son centre dans le délai contractuel de 12 mois.
Puisqu’il a « mis en œuvre de bonne foi tous les moyens à sa disposition pour exécuter son obligation » et que, son succès dépendant aussi de la volonté de tiers (bailleurs, propriétaires de locaux et banques), il n’avait pas « d’obligation de résultat ».
En revanche, il a bel et bien résilié son contrat de manière anticipée le 7 novembre 2019 et ce, sans motif valable. Il sera donc condamné, mais pas à 125 640 € de pénalité comme le réclamait l’enseigne en cumulant les redevances qu’il aurait dû lui verser s’il avait mené son contrat à son terme jusqu’en 2026.
« En effet, précise l’arrêt, particulièrement précoce et antérieure à l’ouverture de tout centre, la rupture anticipée n’a pas désorganisé le réseau en déchirant son maillage territorial : elle a simplement retardé la recherche d’un nouveau franchisé (sur la ville). » En outre, le franchiseur avait « rapidement décelé la fragilité du projet » du plaignant.
Au lieu de récupérer son droit d’entrée et les indemnités qu’il réclamait, le franchisé devra donc verser 12 000 € à son ancien franchiseur, soit l’équivalent d’un peu plus de 6 mois de redevances.