Un ex-franchisé estimait qu’il était en fait un salarié de son franchiseur et réclamait en conséquence ses salaires impayés. Pour la cour d’appel de Limoges, les limites à son autonomie sont au contraire conformes aux exigences d’un contrat de franchise.
Jusqu’où un franchiseur peut-il aller dans ses exigences à l’égard d’un franchisé sans tomber sous le coup du droit du travail ? A partir de quel degré de dépendance un franchisé n’est-il en réalité qu’un salarié du franchiseur et, plutôt qu’un commerçant indépendant, devient-il, par exemple, un gérant de succursale ? Ce sont les questions qu’ont eu à trancher le 3 février 2020 les magistrats de la cour d’appel de Limoges.
Dans ce litige, le franchisé signe son contrat en septembre 2013 et sort du réseau en juillet 2016. En mai 2017, il assigne son ex-franchiseur en justice. Il réclame la requalification de son contrat de franchise en contrat de travail. Et, en conséquence, pour un total de plus de 220 000 €, le remboursement de son droit d’entrée, ainsi que des rappels de salaires et de congés payés.
Des contraintes excessives selon le franchisé, attestant d’un lien de subordination
Pour le franchisé, l’existence d’un contrat de travail de fait est avérée dans la mesure où un lien de subordination existait entre le franchiseur et le franchisé.
Un lien caractérisé notamment par l’impossibilité pour le franchisé d’avoir la maîtrise de ses prix de vente au consommateur. Ceux-ci étant, selon le franchisé, « fixés en amont par le siège qui possédait (aussi) un accès direct à distance à la caisse. »
Par ailleurs, il était également « impossible à l’exploitant de choisir l’agencement de son établissement, les horaires d’ouverture et même l’ambiance musicale ».
En outre, l’utilisation d’un logiciel de contrôle était imposée, tout comme les conséquences prévues en cas d’un non-respect par le franchisé de ses obligations à l’égard du franchiseur.
Des contraintes ne portant pas atteinte à l’indépendance du franchisé selon la cour
Pour la cour d’appel, au contraire, le lien de subordination n’est pas prouvé.
Certes, le contrat de franchise en litige prévoit plusieurs contraintes. A savoir le respect d’un prix maximum conseillé et de certaines règles d’hygiène et de sécurité, l’obligation de se plier sur ce point à une politique d’audit de la tête de réseau, la remontée d’informations et le respect de normes et standards (agencement, ambiance musicale, ouverture des établissements).
Mais pour les magistrats, ces contraintes entrent dans le fonctionnement normal d’une franchise. S’agissant du prix plafond, il répond selon eux en l’occurrence, « à l’image de marque du réseau de franchise » et le contrat prévoit que le franchisé « conserve sa liberté de fixation de ses prix dans cette limite ». Quant au logiciel de caisse, il « permet au franchisé de sortir du tronc commun sans passer par la société (du franchiseur) ».
Concernant les procédures « qui ont pour objectif de contrôler la fidélité au modèle défini par la tête de réseau », elles « ne portent pas atteinte à l’indépendance du franchisé qui bénéficie de l’image de la franchise et se doit d’en respecter les termes et conditions. » Elles lui permettent même de réagir rapidement et de modifier son organisation, suite aux visites du franchiseur, s’il s’écarte du concept.
Il en est de même pour le respect des normes et standards, tel que l’agencement du point de vente, une ambiance musicale typée (…) et l’ouverture tous les jours de l’année, qui « font partie intégrante de l’image de marque de la franchise et doivent être réitérés par le franchisé. » Lequel peut d’ailleurs embaucher et diriger son personnel comme il l’entend.
Enfin, la clause de résiliation anticipée prévue au contrat « ne peut caractériser l’existence d’un pouvoir de direction et de sanction détenu par la société (du franchiseur) ». Il s’agit au contraire « d’une clause classique dans un contrat commercial qui vient sanctionner une inexécution des stipulations contractuelles et permet de garantir les droits du co-contractant. »
Le franchisé n’était pas non plus un gérant de succursale
En conclusion, pour la cour d’appel de Limoges, « les limites apportées à l’autonomie du franchisé, dans l’intérêt du concept (…), ne caractérisent pas l’immixtion (du franchiseur) dans la gestion de l’activité commerciale du franchisé mais découlent des termes du contrat de franchise auquel (il) a librement consenti et qu’il devait respecter. »
La demande de requalification est rejetée.
La cour écarte également la demande subsidiaire de l’ex-franchisé réclamant la reconnaissance de sa qualité de gérant de succursale dans la mesure où toutes les conditions nécessaires n’étaient pas réunies. Ainsi, les marchandises qu’il devait vendre ne lui étaient pas fournies directement par le franchiseur ou une société qui lui aurait été liée sur un plan capitalistique.
Le franchisé est donc débouté de toutes ses demandes.