Alors que son contrat le lui interdit expressément, un franchisé rallie un réseau concurrent après la rupture avec son franchiseur. Il est sanctionné financièrement, mais de manière limitée par la cour d’appel de Paris.
La cour d’appel de Paris s’est prononcée, par un arrêt du 12 juin 2019, sur la validité d’une clause de non-réaffiliation post-contractuelle en franchise.
Dans ce litige, un franchisé avait ouvert deux magasins à l’enseigne (l’un en centre commercial, l’autre en centre-ville). Un avenant à ses contrats datant de 2010 stipulait qu’il ne devait pas, pendant un an après leur fin, poursuivre une activité sous une enseigne concurrente dans ses zones d’exclusivité territoriale. Et ce, quelle que soit la raison pour laquelle les contrats avaient cessé.
Or, après que le franchiseur a, en 2015, résilié les contrats de son franchisé pour des impayés se montant à plusieurs centaines de milliers d’euros, il découvre que celui-ci a rallié un réseau concurrent.
Saisie, la cour d’appel de Paris valide la clause, mais limite très sensiblement la sanction infligée au franchisé.
Pour estimer que les clauses de non-réaffiliation des deux contrats sont légitimes, les magistrats notent qu’elles « visent une zone géographique limitée (deux communes) et pour une période limitée à un an », qu’elles ne sont pas disproportionnées (à l’égard du franchisé) dès lors qu’elles sont limitées aux lieux de situation des magasins et à la commune voisine ». Par ailleurs elles « visent à protéger le savoir-faire (du franchiseur) tel qu’il a été transmis (à la société franchisée) ». Ces clauses sont donc valables selon la cour d’appel.
Toutefois, si la cour admet la preuve fournie par le franchiseur pour le magasin situé dans le centre commercial (constat d’huissier, photographie à l’appui), elle refuse celle transmise pour le point de vente de centre-ville (une simple photo d’une vitrine au rideau de fer baissé sous l’enseigne concurrente). « Cette seule pièce (…) ne permet nullement de démontrer qu’il s’agit d’un local exploité par la société franchisée », estiment les juges.
Le franchiseur réclamait 50 000 euros par mois et par magasin…
Quant à la sanction financière, le franchiseur réclamait 50 000 € par mois et par magasin en réparation de la faute du franchisé. La cour d’appel confirme au contraire le montant global de 10 000 € accordé en première instance par le tribunal de commerce de Paris. La cour considère d’abord que, vu l’absence (selon elle) de preuve, seul l’établissement situé en centre commercial peut être concerné. Ensuite que le franchiseur n’a « pas étayé sa demande indemnitaire conséquente » par « des éléments permettant d’en expliciter le montant, alors que la société franchisée fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire depuis le 30 janvier 2017 ».
Le franchisé est donc sanctionné pour non-respect de sa clause sur un de ses magasins. Mais, on le voit, la sanction est financièrement loin de ce qu’espérait le franchiseur.
Depuis la loi Macron d’aout 2015 – qui ne s’appliquait pas ici – les conditions de validité de ce type de clauses (de non-réaffiliation post-contractuelle) se sont encore durcies pour les franchiseurs. Il faut maintenant que l’interdiction de changer d’enseigne imposée au franchisé soit limitée aux locaux ou terrains qu’il exploite et pas à toute sa zone d’exclusivité territoriale.
Certes, en validant les clauses du franchiseur, les magistrats de Paris ont, ici, suivi la jurisprudence correspondant à ce litige portant sur une clause de 2010, mais ils ont aussi montré que, pour eux, le fait qu’un franchisé change d’enseigne, se réaffilie à un réseau concurrent après la fin de son contrat alors qu’il connait des difficultés, n’est pas forcément une faute si grave. Et n’entraîne pas forcément un préjudice si conséquent pour le franchiseur…