Une société franchisée du secteur hôtelier dont les contrats ne sont pas renouvelés assigne ses ex-partenaires en justice. Formulant de nombreux reproches à son ex-franchiseur et à la filiale de celui-ci en charge de la gestion de ses hôtels, elle réclame d’importantes indemnités. Elle est déboutée de toutes ses demandes.
La cour d’appel de Paris s’est prononcée par un arrêt du 5 avril 2023 dans un litige opposant une société franchisée à un groupe franchiseur du secteur hôtelier.
Ce type de franchise est particulier dans la mesure où, le plus souvent, la société franchisée a pour objet la réalisation d’une opération financière et confie la gestion de ses établissements… à une filiale du franchiseur.
Ce montage peut, parfois, poser problème comme constaté dans le cas présent.
Le franchiseur résilie contrats de franchise et mandats de gestion
Dans cette affaire, des contrats de franchise et des mandats de gestion sont signés en 1994 pour la construction et l’ouverture de quatre hôtels en franchise sous deux marques différentes. D’une durée de 10 ans, ils sont renouvelés en 2004.
Mais en octobre 2012, le franchiseur annonce leur résiliation à leur date d’arrivée à échéance en mai-juin 2014.
En octobre 2014, la société de gestion, filiale du franchiseur à hauteur de 42,3 %, démissionne de ses fonctions de gérant des établissements franchisés avec effet au 15 décembre, le franchiseur ayant entre-temps décidé de prolonger les contrats de franchise jusqu’au 31 décembre.
Pendant encore deux mois, des pourparlers se poursuivent entre les parties en vue de reprendre les relations contractuelles.
Mais la société franchisée, composée de 38 associés, décide lors de son assemblée générale du début mars 2015 de s’affilier à d’autres enseignes de franchise du secteur.
Estimant en outre que les sociétés du franchiseur ont commis à son égard différentes fautes, elle les assigne en justice en leur réclamant des indemnités conséquentes.
La société franchisée formule de nombreux reproches quant à l’exécution des contrats
La société franchisée formule de nombreux reproches à son ex-franchiseur. Entre autres, elle estime que son ex-partenaire est responsable de la baisse de ses résultats financiers en 2013-2014.
Selon elle, la société de gestion a procédé à une distribution de dividendes excessive dans l’intérêt de la société franchiseur (sa maison-mère). Ce qui a réduit la capacité d’autofinancement de la société franchisée.
Par ailleurs, le franchiseur l’aurait trompée sur la rentabilité réelle de l’opération. Il aurait également favorisé les hôtels exploités par ses filiales en leur réservant certains services. Et, par sa connaissance des prix pratiqués par les établissements franchisés, aurait agi sur les prix de ses unités en propre afin de détourner vers elles la clientèle.
La cour d’appel de Paris écarte ces accusations.
Les magistrats rappellent d’abord que « les mandats de gestion ne comportaient aucune garantie de résultats financiers ». Ils ajoutent que « la distribution de dividendes résulte d’une décision des associés prise en assemblée générale et non d’une décision de la société de gestion ou du groupe franchiseur, associé minoritaire ».
Par ailleurs, les prix n’étaient, selon les juges, pas imposés, le contrat de franchise indiquant qu’ils étaient seulement communiqués avec « une valeur incitative » et un plafond à ne pas dépasser.
Quant au fait pour le franchiseur « d’accorder des conditions différentes à des entités économiques placées dans des conditions différentes », il ne constitue pas une faute aux yeux de la cour.
Enfin, celle-ci estime que le lien entre cette situation de décalage et la baisse du chiffre d’affaires de la société franchisée « n’est pas démontré », pas plus que le détournement de clientèle.
La cour d’appel de Paris les écarte un à un
La société franchisée accuse aussi la société de gestion de ne pas l’avoir alertée sur la non-conformité des hôtels avec la réglementation en vigueur, ce qui a entraîné pour elle en 2015 des travaux de remise aux normes d’un coût total, pertes d’exploitation comprises, de plus de 1,3 millions d’euros.
La cour écarte également cet argument, au vu des documents qui démontrent à ses yeux que l’ouverture des établissements en 1995 a été possible parce qu’ils étaient conformes et que, depuis, aucune demande de travaux importants n’a été formulée par l’administration.
De même, alors que la société franchisée accuse la société de gestion d’avoir laissé les hôtels « se délabrer » avec l’assentiment du franchiseur, les magistrats relèvent que, juridiquement, c’est la société franchisée qui était responsable de l’entretien de ses locaux.
Les magistrats réfutent encore les accusations de la société franchisée en matière de publicité nationale, de marges arrières et de défaut de réalisation de certaines prestations.
Mêmes réponses de la cour quant aux reproches concernant la résiliation des contrats
Concernant la résiliation de ses contrats et ce qui s’en est suivi, la société franchisée reproche au groupe franchiseur et à la société de gestion plusieurs fautes ayant entraîné selon elle d’importantes baisses de son chiffre d’affaires.
Mais là encore, la cour d’appel écarte toutes ces accusations.
Pour la société franchisée, la société de gestion filiale du franchiseur aurait dû au moins présenter sa démission « dans un délai raisonnable » après octobre 2012 et non avec effet 15 jours seulement avant la fin réelle des contrats.
Elle a au contraire, selon la partie franchisée, « en connivence avec le franchiseur », par une série de « manœuvres », rendu « impossible » la conclusion rapide de nouveaux contrats, ce qui a fait perdre un temps précieux dans la perspective d’un changement d’enseigne.
Ce n’est pas l’avis de la cour qui note d’une part que les contrats et les mandats de gestion ont été prolongés jusqu’au 31 décembre 2014 sans contestation de la société franchisée et d’autre part qu’en annonçant sa démission le 31 octobre, la société de gestion lui laissait le temps nécessaire pour se retourner.
Les autres griefs de la société franchisée concernant la « concurrence déloyale » que lui aurait imposée le groupe franchiseur (postérieurement à la résiliation des contrats), sur les plateformes de réservation par internet entraînant un « détournement de sa clientèle », sont également écartés par les magistrats parisiens.
Au total, la société franchisée qui réclamait de l’ordre de 5 millions d’euros d’indemnités compensatrices des préjudices qu’elle estime avoir subis est déboutée de toutes ses demandes par la cour d’appel de Paris.