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      Résiliation des contrats d’un franchisé : la Cour de cassation intervient - Brève du 13 novembre 2023

      Brève
      13 novembre 2023

      Un franchisé dont les contrats ont été résiliés par l’enseigne pour ses trois établissements voit sa responsabilité dans la rupture estimée à 80 % par les juges. Sollicitée, la Cour de cassation valide l’arrêt d’appel pour l’une de ses trois sociétés, mais l’annule pour les deux autres.

      Cour de cassation juridique franchiseLa Cour de cassation est intervenue le 18 octobre 2023 dans un litige opposant depuis douze ans l’ex-franchisé Quick d’Avignon à son enseigne.

      Le 22 janvier 2011, après avoir pris un repas dans l’un des restaurants du franchisé, un jeune adolescent décède. La préfecture du Vaucluse ferme provisoirement l’établissement ainsi que les deux autres unités de la même marque exploitées dans l’agglomération par le franchisé.

      Revenu en urgence de son congé à l’étranger, l’exploitant accepte que le franchiseur reprenne en main provisoirement la gestion de ses restaurants. Cela permet à l’enseigne de présenter à l’administration un plan d’action et de travaux dans les trois points de vente et d’obtenir ainsi leur réouverture le 10 février.

      Toutefois, le franchisé refuse d’accorder à l’enseigne le mandat de gestion de trois mois tacitement renouvelable qu’elle lui demande pour la suite.

      Le franchiseur résilie les contrats pour manque de loyauté et atteinte à l’image de l’enseigne

      Une rencontre entre les parties a lieu mais dès le 14 février, le franchiseur résilie les contrats de franchise et de location-gérance pour les trois unités du franchisé.

      Pour le franchiseur, « les investigations mises en œuvre par les autorités administratives et pénales ont mis en lumière des manquements (du franchisé) aux normes d’hygiène et/ou de sécurité applicables. »  Ainsi qu’aux standards du concept.

      Selon lui, le franchisé et ses trois sociétés ont manqué à leurs obligations contractuelles. Notamment l’obligation de loyauté qui leur imposait « de se mettre en retrait et de coopérer avec la société franchiseur dans l’intérêt du réseau ».

      Ne l’ayant pas fait, ils ont porté une « grave atteinte à l’image de marque de l’enseigne », la mettant « en péril ». Des faits qui, selon le franchiseur, justifient la résiliation anticipée des contrats.

      Le franchisé estime que la résiliation de ses contrats est abusive et assigne le groupe en justice

      Le 3 mars 2011, le franchisé et ses sociétés assignent le franchiseur en justice. Pour eux, la résiliation des contrats de franchise et de location-gérance est abusive.

      Le franchisé fait valoir qu’il est un chef d’entreprise expérimenté, « très investi dans le réseau depuis 15 ans et bénéficiant d’une bonne réputation ». Il précise qu’en 2009 « d’importants travaux ont été réalisés dans le restaurant » où s’est produit le drame et qu’en 2010, un label « qualité 100 % » lui a été délivré par le groupe au terme d’un audit de plus de 6 mois pour ses trois restaurants.

      Il souligne le fait que les discussions sur les termes du mandat de gestion proposé par le franchiseur n’ont duré qu’une matinée et qu’il a été dès le 15 février au matin « littéralement expulsé du réseau » pour des motifs qu’il conteste.

      Il demande que la résiliation soit jugée aux torts exclusifs du franchiseur ou, à tout le moins partagée par moitié. Il réclame l’indemnisation des préjudices liés à la rupture brutale de ses contrats.

      Pour les juges, la responsabilité de la rupture incombe à 80 % au franchisé…

      Rupture contrat de franchiseLe 8 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris se prononce. Les juges considèrent que la résiliation des contrats est intervenue aux torts partagés des parties. A hauteur de 80 % pour le franchisé et 20 % pour le franchiseur.

      Saisie, la cour d’appel de Paris confirme le 20 juin 2022 ce jugement et ses conséquences en termes d’indemnisation (très partielle donc) des préjudices subis par le franchisé.

      Les magistrats relèvent d’abord les « non-conformités graves » constatées le 25 janvier 2011 par la DDPP (Direction départementale de la protection de la population) dans le restaurant incriminé. A savoir « vétusté constatée en 2008 et aggravée depuis, maintenance insuffisante des locaux et du matériel, absence de lave-mains en zone de préparation des sandwichs, absence de suivi médical du personnel ».

      Ils soulignent ensuite le refus du franchisé de signer les mandats de gestion proposés par l’enseigne « sans justifier avoir fait état d’autres propositions immédiates de sortie de crise ». Alors même que l’enseigne « faisait face à d’importantes pressions administratives et médiatiques » devant l’importance de l’événement. Sans oublier « la pression du réseau subissant par ricochet une très nette baisse d’activité ».

      Pour la cour « les conditions étaient (donc) réunies pour mettre en œuvre la clause de résiliation » des contrats.

      …et à 20 % au franchiseur

      « Toutefois », ajoutent les magistrats, le franchiseur n’a pas poursuivi les négociations au-delà d’une matinée, alors que pour le franchisé aussi « l’enjeu était important au regard de l’avenir de ses restaurants, de son avenir professionnel, de ses revenus futurs et indirectement de son patrimoine ». D’autant qu’il n’était pas encore mis en examen*.

      « Les circonstances n’obligeaient pas Quick à formaliser dans les 24 ou 48 heures une gestion de fait déjà engagée et qui n’était pas expressément exigée par les arrêtés préfectoraux ».

      La résiliation du 14 février est donc aux yeux de la cour d’appel « fautive » aussi de la part du franchiseur.

      La Cour de cassation valide l’arrêt concernant le restaurant où a eu lieu le drame…

      Insatisfait de la décision d’appel, le franchisé se pourvoit en cassation.

      La plus haute juridiction française rejette sa demande concernant la résiliation de son contrat de franchise pour le restaurant où a eu lieu l’accident.

      « En application de l’article 1014, alinéa 2 du code de procédure civile », elle estime qu’il « n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. »

      …mais l’annule concernant les deux autres établissements du franchisé et renvoie sur ce point l’affaire en appel

      En revanche, il n’en est pas de même concernant les résiliations des contrats intervenues pour les deux autres établissements du franchisé.

      Pour ces deux sociétés franchisées, la cour d’appel « n’a pas donné de base légale à sa décision ». Elle s’est en effet déterminée, dans l’un des cas, « sans caractériser une faute imputable à la société (franchisée) au titre de l’atteinte grave à l’image de (l’enseigne), telle que prévue par la clause résolutoire du contrat de franchise ».

      De même, pour l’autre cas, elle a pris sa décision « sans caractériser un comportement fautif de la part de la société (franchisée concernée) suffisamment grave pour justifier la résiliation immédiate de son contrat de location-gérance, dès lors que les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire prévue par ce contrat n’étaient pas réunies ».

      Le contrat prévoyait en effet qu’une résiliation de ce contrat était possible de la part du franchiseur – en cas de manquement du locataire-gérant à ses obligations ou à la suite d’agissements de nature à porter préjudice au loueur du fonds – par lettre recommandée avec AR « après mise en demeure restée sans effet dans un délai de trente jours »… Une procédure qui n’a pas été respectée.

      L’arrêt d’appel est donc en partie cassé et l’affaire renvoyée sur ce point devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

      *Par jugement du tribunal correctionnel d’Avignon du 28 juin 2017, le franchisé et sa société exploitant le restaurant où a eu lieu le drame ont été déclarés coupables des faits reprochés et condamnés à deux ans de prison avec sursis pour le franchisé et 50 000 € d’amende pour sa société, outre leur condamnation solidaire à indemniser les parties civiles. Jugement confirmé par la cour d’appel de Nîmes le 27 novembre 2018.

      >Références des décisions :

      -Tribunal de commerce de Paris, 7 juillet 2020, N° J2014000364

      -Cour d’appel de Paris, pôle 5 chambre 4, 20 avril 2022, n° 20/11264

      -Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, 18 octobre 2023, n° 22-18.724