Un masterfranchisé réclamait la résolution de son contrat aux torts du franchiseur français, celui-ci n’ayant, selon lui, pas respecté ses engagements. La cour d’appel de Paris prononce au contraire la résiliation du contrat à ses torts exclusifs pour manquements contractuels graves.
La cour d’appel de Paris a récemment confirmé la résiliation d’un contrat aux torts exclusifs du masterfranchisé d’une chaîne française pour fautes graves.
Dans ce litige, les relations se nouent très tôt dans l’histoire du franchiseur. Un premier contrat de franchise est signé en mai 2003 pour l’ouverture d’un magasin dans la capitale du pays concerné. D’autres suivent en 2004 pour d’autres villes. Puis, en novembre 2008, un contrat de masterfranchise, qui remplace les précédents, est conclu pour l’ensemble du territoire. Plusieurs nouveaux points de vente y sont ouverts.
Mais des tensions se font rapidement sentir. Fin 2009, le masterfranchisé fait part à plusieurs reprises par mail au franchiseur français du mécontentement des franchisés locaux, affirmant que la redevance est payée sans contrepartie.
Un compromis est trouvé. En juillet 2010, les parties signent un avenant à leur contrat. Le franchiseur fait cadeau au masterfranchisé des 3 % de redevances qu’il doit lui verser sur son chiffre d’affaires pour l’année en échange de certaines obligations à respecter. Un dispositif renouvelé jusqu’en juin 2012.
Le franchiseur résilie le contrat de masterfranchise, puis saisit la justice
Mais en mai 2014, c’est la rupture. Le franchiseur français notifie à son partenaire la résiliation à effet immédiat du contrat de masterfranchise. Motifs : contrairement à ce qui était prévu, aucun contrat n’a été signé avec les franchisés locaux, aucun animateur/formateur n’a été recruté et si le nombre de magasins a augmenté, le chiffre d’affaires qui sert de base au calcul des redevances a diminué. Enfin, le masterfranchisé n’a pas fait remonter d’informations sur l’évolution du réseau, les conditions du marché et de la concurrence et n’a pas communiqué au franchiseur de plan de développement.
En avril 2015, le franchiseur saisit la justice, considérant que son masterfranchisé a rompu en outre son obligation post-contractuelle de non-affiliation en devenant membre d’un autre réseau du même créneau d’activité et qu’il s’est approvisionné, via une de ses sociétés, directement auprès du fournisseur du réseau « dans le but de frauder le franchiseur de ses droits à redevance ».
En novembre 2017, le tribunal de commerce de Lyon tranche en faveur du franchiseur, confirmant la résiliation du contrat aux torts de son ex-partenaire.
Pour le masterfranchisé, c’est le franchiseur qui n’a pas respecté le contrat
Le masterfranchisé fait appel et réclame notamment la résolution de son contrat ainsi que des dommages et intérêts d’un peu plus de 177 000 € au titre des redevances encaissées par le franchiseur français et de plus de 678 000 € au titre du « détournement de l’organisation (qu’il a) mise en place ».
Pour le masterfranchisé, contrairement aux engagements contractuels du franchiseur, « aucun élément constitutif du savoir-faire n’a été transmis : pas de sélection des produits en fonction du marché, pas de plan de communication soutenu, pas de technique de vente personnalisée, pas d’aide à l’implantation, pas de négociation des conditions d’approvisionnement, pas de fourniture d’une solution informatique performante, complet mépris de la déontologie et des valeurs humaines. »
De même, les prestations promises n’ont « pas été délivrées : pas de fourniture d’un modèle de distribution juridiquement pérenne, pas de mise à disposition d’une marque notoire (dans le pays), pas de formation sur site (du master ni des franchisés), pas d’aide à l’ouverture de nouveaux points de vente, pas d’assistance ». Bref, le franchiseur « n’a pas exécuté le contrat du 26 novembre 2008 ». Il doit donc, selon le masterfranchisé, être condamné.
La cour d’appel confirme le jugement de première instance, favorable au franchiseur
Ce n’est pas l’avis de la cour d’appel de Paris. Dans son arrêt du 23 juin 2021, la cour confirme en tous points le jugement de première instance.
Elle note d’abord que, contrairement aux affirmations du masterfranchisé, la marque du franchiseur « était déjà connue » avant la signature du contrat « grâce aux magasins déjà ouverts par le franchisé. »
Concernant le savoir-faire, la cour « retient que le développement du réseau (…), qui a permis de passer de 4 villes d’implantation à 14, avec 5 magasins (dans la capitale), démontre à soi-seul l’effectivité du savoir-faire du franchiseur. »
D’autant que, pour les magistrats, « aucun défaut de sélection des produits n’est démontré », peu important que les mêmes produits aient été retenus pour la France et pour le territoire concédé. De même, en matière de communication, « nulle inexécution du contrat suffisamment grave pour entraîner sa résolution (…) n’est caractérisée ».
La cour démonte encore une à une les autres accusations du masterfranchisé, qu’il s’agisse d’animation, de formation ou d’assistance.
En conséquence, la résolution du contrat demandée aux torts du franchiseur est refusée par les juges en appel comme en première instance.
Pour la cour, les manquements contractuels du masterfranchisé justifient la résiliation du contrat à ses torts exclusifs
La cour confirme également, à l’inverse, la résiliation du contrat aux torts du masterfranchisé à la date du 26 mai 2014. Une décision « justifiée par (ses) graves manquements contractuels ». La cour souligne que « nul DIP n’a été régularisé » avec les franchisés locaux et « aucun contrat conclu (avec eux) n’a été transmis au franchiseur » en dépit de ce que prévoyait le contrat de masterfranchise. Et malgré les demandes répétées du franchiseur.
Pour la cour, l’argument soutenu a posteriori par le masterfranchisé pour se défendre sur ce point – à savoir qu’il n’aurait pas été possible de mettre en œuvre un contrat de franchise dans son pays – est « soutenu de mauvaise foi ». Pour les magistrats, « il n’est nullement démontré qu’il aurait été impossible de conclure (ces contrats) selon le droit français et la loi Doubin stipulée expressément applicable (dans le contrat de masterfranchise) ».
En conséquence, la société du masterfranchisé est condamnée à payer au franchiseur un peu plus de 140 000 € correspondant au montant des redevances restant à courir de la date de la résiliation jusqu’à la fin prévue du contrat.
Quant à la clause de non-affiliation post-contractuelle, après avoir démontré qu’elle n’était « pas nulle », la cour estime que sa « violation est patente ». La société masterfranchisée doit donc verser au franchiseur 80 000 € de pénalité correspondant au transfert de 4 magasins et de son savoir-faire vers un autre réseau sans lui avoir laissé le temps de se réorganiser.