Quatre franchisés cumulant les griefs contre leur franchiseur décident de rompre et de créer une enseigne afin de continuer leur activité. Pas convaincus par leurs reproches, les magistrats de Bordeaux les condamnent à plusieurs dizaines de milliers d’euros de pénalité chacun.
La cour d’appel de Bordeaux a condamné, le 1er juillet 2019, quatre franchisés d’un même réseau (d’une vingtaine d’unités).
Mécontents de leur franchiseur, ils avaient, ensemble, rompu leur contrat avant son terme et créé leur propre enseigne commune afin de poursuivre leur activité.
Franchisés : de multiples sujets de mécontentement
Les franchisés s’estimaient notamment « en droit d’attendre des produits spécialement mis au point pour eux par le franchiseur, qui apporteraient un avantage sur la concurrence », alors que cela n’avait, à leur avis, pas été le cas.
Par ailleurs, ils se sentaient « trompés » dans la mesure où le franchiseur, contrairement à ses promesses, ne s’était, selon eux, pas entouré d’experts, n’avait pas conclu de « partenariats d’exclusivité » et n’avait pas fait évoluer son savoir-faire en apportant de nouvelles marques à son bouquet.
Ils reprochaient également au dirigeant du réseau le caractère « non spécifique et non performant » du système informatique qu’il leur avait fait acquérir, ainsi que les défaillances de sa centrale d’achat : ses délais de livraison « trop longs », ses tarifs « non-compétitifs », ses produits parfois « périmés ou de mauvaise qualité », ses fréquentes ruptures de stock.
S’ajoutaient encore les griefs de manque de communication pour l’enseigne, de non-transfert partiel de savoir-faire et surtout d’absence d’assistance et de rentabilité pour les franchisés, sans oublier l’imposition d’un sur-stock initial.
Au total, ils réclamaient la résiliation de leurs contrats aux torts exclusifs du franchiseur et d’importantes indemnités.
Des « griefs infondés » et « insuffisants pour résilier le contrat de franchise », selon la cour
Saisie, la cour d’appel de Bordeaux déboute les franchisés.
A la lecture du contrat, qu’ils citent longuement dans leurs arrêts, les magistrats estiment d’abord que le franchiseur ne s’y est pas, selon eux, « engagé à fournir uniquement des produits exclusifs ». Ils relèvent qu’au moins deux marques lui appartenaient en propre. Et que, s’il ne s’est pas entouré de spécialistes pour concevoir ou sélectionner tous les produits fournis aux franchisés – ce à quoi le contrat ne l’obligeait pas non plus -, il l’a fait pour au moins une des marques commercialisées par l’enseigne.
Concernant le système informatique, « il est établi, écrivent les juges, que le logiciel était spécifiquement paramétré pour la gestion commune du réseau ». Quant à la centrale d’achat, la cour juge que « les éléments produits ne caractérisent pas une faute du franchiseur de nature à entraîner (une) résiliation du contrat » et qu’en matière de tarifs, « aucun abus n’est caractérisé ».
De même, au vu des documents fournis par l’enseigne, l’absence de transmission de savoir-faire n’est, selon elle, « nullement établie ». Même chose enfin pour l’absence d’assistance. Qu’il s’agisse de reporting, de visites d’animateur dans les magasins franchisés, de l’organisation de réunions régionales ou nationales ou de commissions de travail, le franchiseur a pu produire les preuves des moyens mis en œuvre qui suffisent à la justice. Idem pour les opérations de communication.
Les contrats sont résiliés aux torts exclusifs des franchisés
« Ainsi, conclut la cour d’appel de Bordeaux, les griefs soulevés par les franchisés s’avèrent soit infondés, soit insuffisamment établis, car utilement contredits par le franchiseur et surtout, insuffisants pour justifier une résiliation du contrat de franchise. »
La cour confirme donc la résiliation des contrats aux torts exclusifs des franchisés et leur condamnation au paiement de factures dues.
Ils se voient également condamnés chacun à 40 000 € de dommages et intérêts, entre autres pour avoir « violé la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat », « utilisé le savoir-faire du franchiseur » en poursuivant hors de son réseau une activité identique à la sienne et « créé une confusion » (constatée par huissier sur internet) entre son enseigne et la leur.
C’est moins sévère qu’en première instance où la sanction avait été fixée à 60 000 €. Mais la cour ajoute des « indemnités contractuelles de résiliation » (allant de 6 500 à 14 000 € selon les cas) et 5 000 € de dommages et intérêts pour « atteinte à l’image et à la réputation du réseau ». Enfin, les franchisés doivent cesser l’utilisation des signes distinctifs de leur ancien franchiseur (sous peine de sanction à chaque utilisation constatée).