Pour la Cour de cassation, l’absence d’établissement pilote en franchise ne prouve pas l’absence de savoir-faire. De même, l’absence d’un état du marché local dans un DIP ne prouve pas qu’il y a eu tromperie. De quoi inciter les futurs franchisés à redoubler de prudence avant de s’engager.
La Cour de cassation vient de prendre, le 8 juin 2017, une décision extrêmement claire en matière d’information précontractuelle et de savoir-faire en franchise.
Le 30 septembre 2015, la cour d’appel de Colmar annulait six contrats de partenariat, pour de nombreux motifs.
Parmi eux, la cour estimait que la société tête de réseau n’avait pas transmis de savoir-faire à ses partenaires, faute d’avoir mis à leur disposition un établissement pilote. « Bien que l’existence d’un tel site soit nécessairement déterminante pour en apprécier la pertinence et l’efficience ».
La Cour de cassation estime sur ce point que les magistrats de Colmar auraient du considérer l’argument de la tête de réseau soutenant qu’elle avait dispensé des sessions de formation (et donc transmis un savoir-faire).
L’absence d’unité pilote ne prouve pas l’absence de savoir-faire
Par ailleurs, la cour d’appel avait retenu que le DIP (Document d’information précontractuel) transmis par la tête de réseau « ne contenait pas de présentation du marché local et comprenait des informations sur le réseau qui étaient anciennes ». Les partenaires se seraient donc engagés sans connaissance de cause. Ce qui, entre autres, fondait l’annulation de leurs contrats.
Là encore, la Cour de cassation considère que la cour d’appel aurait dû plutôt « rechercher si la situation du réseau avait été récemment modifiée et si celle du marché local différait de celle du marché national ».
Résultat, la Cour « casse et annule dans toutes ses dispositions » l’arrêt de la cour d’appel de Colmar et renvoie les parties devant la cour d’appel de Metz.
La bataille n’est pas terminée. Rappelons qu’en l’occurrence, la cour de Colmar reprochait aussi à la tête de réseau d’avoir transmis, pour obtenir le consentement de ses partenaires, un état du marché national basé sur des chiffres obsolètes (datant de 2002 pour des contrats de 2010). Et surtout, la cour avait fondé sa décision d’annulation des contrats sur le turn-over considérable du réseau, (mettant en doute à ses yeux la viabilité du savoir-faire) et sur une présentation « sciemment trompeuse et tronquée de l’ensemble du réseau ».
L’absence d’état du marché local ne prouve pas la tromperie
Reste que le double message envoyé par la plus haute juridiction française sur deux points précis dans ce litige est bien clair et de portée générale :
-1/l’absence d’état du marché local dans un DIP (un tel état est pourtant exigé par la loi) n’est pas en soi la preuve d’un vice du consentement. Encore faut-il démontrer en quoi cette absence a été déterminante…
-2/l’absence d’unité pilote ne prouve pas l’absence de transmission du savoir-faire, (et donc l’absence de savoir-faire).
Et il est exact, comme le fait remarquer Maître François-Luc Simon, dans un article publié sur « La lettre des réseaux », qu’en matière d’unité pilote aucun texte de loi ou règlementaire concernant le commerce en réseaux n’en impose l’existence préalable. Même si tous les textes « sans pouvoir contraignant », comme le code de déontologie de la franchise, la recommandent vivement.
Devenir franchisé, oui. Mais en prenant des précautions !
Pour les candidats à la franchise, les leçons à tirer de cette décision de cassation sont tout aussi claires que la décision elle-même :
-1.Vu la difficulté de plus en plus grande d’obtenir de la justice la nullité de son contrat lorsque l’on a été trompé, mieux vaut s’abstenir de contracter au moindre doute.
-2. Si le DIP que l’on vous remet vous parait incomplet, imprécis, peu sérieux, sans état du marché local malgré vos demandes, ou s’il n’y a pas d’unité pilote alors que le réseau est naissant ou débutant, vous n’êtes pas obligé de vous engager.