Soucieux de la préservation de l’environnement, de la lutte contre le gaspillage alimentaire et la prolifération des déchets d’emballages, de plus en plus de consommateurs sont séduits par les concepts d’épicerie en vrac.
Le vrac nécessite un mobilier ad hoc et des pratiques précises particulièrement respectueuses de l’hygiène.
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, chaque année en France un habitant produit 354 kg d’ordures ménagères. C’est dans ce contexte et en se positionnant clairement contre ce gâchis permanent que le marché du vrac, c’est-à-dire de produits non pré-emballés, monte en puissance. En 4 ans, les ventes de « vrac hors frais » ont explosé, passant de 100 millions d’euros en 2013 à 850 millions en 2018. Pour autant, le vrac demeure un marché de niche, représentant moins de 1 % du marché de l’alimentation et séduisant majoritairement des consommateurs jeunes, de moins de 35 ans, plus sensible à la problématique du zéro déchet.
Le vrac dont on parle ici ne concerne pas le « vrac frais » (fruits, légumes et produits s’achetant à la coupe tels que la crèmerie ou la charcuterie) qui existe depuis longtemps. Il s’agit de ce qu’on appelle le « vrac hors frais ». D’abord cantonné aux produits secs (fruits secs, graines), il concerne aujourd’hui le riz, les farines, les huiles, les céréales, les épices, les boissons, les produits d’entretien, etc. Accessibles en libre-service, ils permettent à la clientèle de servir directement au distributeur, en utilisant ses propres contenants ou ceux proposés en magasin, et d’acheter ainsi en fonction de ses besoins.
En raison de l’absence d’emballage et de coût marketing, le vrac est a priori moins cher, entre 10 et 15 % de moins, que les produits emballés. Mais il nécessite un mobilier spécifique en boutique – et donc un investissement initial qui n’est pas des moindres comparé à un rayon traditionnel – et surtout du personnel disponible pour conseiller les clients, remplir et nettoyer les bacs silos à chaque changement de lot, car le respect de l’hygiène est essentiel. Certains produits sont parfois plus coûteux, comme le miel, car ils sont souvent issus de circuits courts, ou car ils sont d’origine biologique, mais ce n’est pas automatiquement le cas. Par ailleurs tous les produits ne se vendent pas en vrac. C’est le cas, par exemple, de l’huile d’olive, qui est interdite à la vente en vrac au niveau européen ainsi que des produits secs sous Label Rouge, AOP, etc.
L’épicerie en vrac : un marché émergent
C’est une certitude : le vrac a aujourd’hui le vent en poupe. On trouve aujourd’hui des rayons « vrac » dans de nombreuses grandes surfaces ainsi que dans presque tous les magasins de produits biologiques. Biocoop, le premier réseau du secteur en France ambitionne même de proposer 50 % de son offre en vrac à l’horizon 2025. Et depuis quelques années de plus en plus d’épiceries spécialisées exclusivement dédiées au vrac ouvrent leurs portes. Les chiffres sont encore modestes, mais la tendance est là. En 2015, on comptait ainsi moins d’une vingtaine de boutiques spécialisées, en 2018, on en dénombrait 200, dont de nombreux indépendants, souvent pionniers sur leur ville. Et assez naturellement certains ce ces pionniers ont été amenés à créer des réseaux, qui sont en plein développement.
Avant 2014, aucun magasin ne proposait de distribution exclusivement sans emballage. Selon l’association Réseau Vrac, créée en 2016 et qui fédère les professionnels de la filière, franchisés, indépendants, fournisseurs de produits et de services, on comptabilisait 18 épiceries dédiées dans l’Hexagone en 2015, et elles seraient environ 200 aujourd’hui, tandis que 80 % des magasins de produits biologiques sont équipés d’un rayon spécifique, plus ou moins important. Bien sûr, les grandes surfaces ont aussi senti la tendance et développent également ce type d’offre, mais les contraintes liées à ce type de distribution, en termes d’hygiène, de conseils et de personnel disponible en particulier, sont encore importantes pour elles. Quant au marché il est en croissance sensible. Proche de 1,2 milliards d’euros, hors produits frais, en 2019, il pourrait atteindre 3 milliards en 2022. On estime aussi que 30% d’un panier d’achat classique est disponible en vrac.
Day by day a ouvert le marché
Créé au printemps 2013 par Didier Onraita et David Sutrat, day by day, est né de l’envie de ces deux entrepreneurs de proposer un nouveau concept de proximité dans lequel le consommateur pourrait trouver les produits du quotidien vendus à la demande et sans emballage imposé. En moins de 6 ans, day by day a déjà ouvert près d’une soixantaine de magasins (dont un en Belgique), dont la plupart en franchise. La chaîne ambitionne aujourd’hui d’atteindre la centaine de points de vente en France et à l’étranger à l’horizon 2022. Elle réalisé en 2018 un chiffre d’affaires consolidé de 15 millions d’euros (contre 8 millions en 2017 et 4 millions en 2017). Pour faire connaitre son concept largement et éveiller les consommateurs au marché du vrac, l’enseigne multiplie les animations : « fête du vrac », au printemps, en partenariat avec l’association Zero Waste, dans l’ensemble des épiceries de la chaîne ; caravane du vrac en octobre à travers tout la France, et aussi en Belgique, avec une étape finale à Paris. À cette occasion, les passants se voient proposer diverses animations (information bien sûr mais aussi dégustation) présentant de manière ludique et conviviale les produits en vrac.
Créé par deux sœurs, Mademoiselle Vrac a ouvert, fin 2019, sa septième boutique près d’Avranches, dans la Manche. On y trouve essentiellement des produits biologiques ou issus de l’agriculture raisonnée locale. Quelques tables et chaises permettent de déguster un café sur place. Claire Toutain a inauguré la première boutique en 2017 à Royan. Afin de répondre aux demandes spontanées d’ouvertures de boutiques, Noémia a rejoint sa sœur en 2018, et le développement du concept en licence de marque a été initié. Après Niort, Thonon-les-Bains, Caen, Troyes ou Périgueux, le réseau entend poursuivre son expansion dans des agglomérations d’au moins 30 000 habitants. Une dizaine d’unités sont espérées en 2020, dont Angers qui est déjà programmé pour le début de l’année.
La Mesure, juste ce qu’il vous faut a été lancé en 2014 dans le Loiret. Son offre se compose d’environ 650 références de produit en vrac (une gamme de produits du quotidien sélectionnés pour leurs qualités gustatives, conventionnels ou bio et pour certains, développés pour l’enseigne). Souhaitant privilégier les circuits courts, La Mesure essaie de proposer une offre de plus en plus locale. En phase avec cette logique de respect de l’environnement, les mobiliers de vente sont en bois, de fabrication française et assemblés, pour la plupart, sans vis ni colle. L’agenceur de la chaîne s’est également engagé à réutiliser les mobiliers usagers. La Mesure a commencé à se dupliquer et regroupe aujourd’hui 3 unités : outre Checy (Loiret), une boutique sous licence de marque a vu le jour, en 2018 à Melun. Et une troisième les a rejoints, début 2019, près de Tours. L’expansion devrait désormais s’accélérer.
Ce mouvement n’est sans doute pas fini d’autant que certains concepts d’origine étrangère ciblent l’Hexagone. C’est le cas de l’italien Negozio Leggero, qui était présent à Franchise Expo Paris 2019 et dispose déjà d’un pilote dans la capitale. Sans compter Biocoop, qui teste, depuis mai 2019, un premier magasin Anti-Déchets à Paris-Nation. Et qui pourrait d’être suivi par d’autres enseignes.
Un secteur prometteur
L’épicerie en vrac est assez facilement duplicable et a entraîné l’apparition quasiment simultanée de plusieurs enseignes. Pour les candidats, le secteur présente l’avantage d’être à la fois attractif et convivial, il ne nécessite que des locaux de taille relativement modeste, un local de 60 m², doté d’une réserve, mais pas forcément en emplacement numéro un car la clientèle est motivée et il ne s’agit pas d’un achat d’impulsion. Il est évidemment que l’épicerie en vrac répond à une demande croissante, qui est parallèle à l’essor du marché bio ou du locavorisme, même si les différentes offres ne se confondent pas. Et il existe encore de très nombreuses villes ou quartiers de grandes agglomérations non pourvus. Il est toutefois difficile de mesurer le potentiel de développement, et de savoir s’il ne correspond pas, en partie, à un effet de mode. Pour les candidats, c’est une raison suffisante pour bien choisir sa zone de chalandise, d’autant qu’il y a encore largement de la place.
Article paru dans le numéro 270 de la Revue Numérique – Lisez plus d’articles du numéro 270 en cliquant sur ce lien