Une cour d’appel avait considéré que, dans la mesure où le contrat de franchise avait été signé entre le franchiseur et la société d’une franchisée, cette dernière ne pouvait pas obtenir le statut de gérante de succursale. La Cour de cassation annule la décision.
Dans ce litige, la société franchisée est placée en liquidation judiciaire fin 2016. Revendiquant le statut de gérante de succursale, la franchisée saisit aussitôt les prud’hommes. Le tribunal la déboute.
La franchisée estime pourtant sa demande légitime car, selon elle, le franchiseur ne lui laissait pas réellement la liberté qui doit être celle d’une commerçante indépendante. Elle espère toujours obtenir les indemnités dues à une gérante salariée de succursale et fait donc appel.
Pour la cour d’appel, les dispositions du code du travail évoquées par la franchisée ne s’appliquaient pas à la société personne morale signataire du contrat
Par son arrêt du 28 septembre 2022, la cour d’appel de Montpellier rejette également sa demande.
Elle ne se prononce pas toutefois, contrairement au tribunal, sur le fait de savoir si oui ou non les conditions de la requalification sont réunies, mais utilise une autre argumentation.
La cour rappelle d’abord ce qu’indique l’article L 7321-2 du code du travail dans sa version de 2009 applicable dans cette affaire.
Selon cet article, est gérante de succursale, entre autres, « toute personne (…) dont la profession consiste essentiellement (…) à vendre des marchandises (…) fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise (…) dans un local fourni ou agréé par cette entreprise (…) aux conditions et prix imposés par cette entreprise ».
La cour d’appel cite ensuite l’article L 7321-3 du même code du travail selon lequel (le franchiseur) n’est responsable de l’application aux gérants salariés de succursales des dispositions du code en matière de durée, congés, etc. « que s’il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord. »
Les juges font observer que « ces dispositions ne sont pas applicables à une personne morale » mais seulement à une personne physique. Or, c’est avec une personne morale, la société franchisée, que le contrat de franchise a été signé.
« La franchisée personne physique aurait dû prouver qu’elle avait un lien direct avec le franchiseur pour pouvoir prétendre au statut de gérante salariée de succursale »
« Si le statut de gérant de succursale peut s’appliquer au responsable légal de la personne morale avec laquelle le fournisseur a conclu le contrat de franchise », poursuivent les juges d’appel, « c’est à la condition que ce responsable légal soit une personne physique et que celle-ci ait eu un rôle prépondérant dans l’exécution de l’activité confiée. » Par exemple que le contrat ait été fixé intuitu personae, c’est-à-dire en fonction de sa personne…
La franchisée personne physique aurait donc dû « démontrer l’existence d’un lien direct entre elle et la société franchiseur » pour pouvoir prétendre au statut de gérante salariée de succursale. Comme elle n’a pas apporté cette preuve, « elle ne peut qu’être déboutée de ses prétentions » a conclu la cour d’appel.
Pour la Cour de cassation, au contraire : peu importe qui a signé le contrat, personne physique ou morale, si les conditions sont réunies, le code du travail s’applique
C’est cet arrêt que casse « dans toutes ses dispositions » la chambre sociale de la Cour de cassation.
Après avoir rappelé elle aussi dans sa totalité l’article L 7321-1 du code du travail, elle en déduit que, « dès lors que les conditions (de la requalification) sont réunies, les dispositions du code du travail sont applicables, quelles que soient les énonciations du contrat ».
Pour les magistrats de la plus haute juridiction française, en jugeant comme elle l’a fait, la cour d’appel n’a pas respecté le code du travail. Autrement dit, pour être requalifié en gérance salariée de succursale, un contrat de franchise n’a pas besoin d’être signé par le franchisé personne physique, il peut l’avoir été par la société franchisée personne morale, que son représentant légal soit ou non une personne physique liée par un lien direct au franchiseur.
L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Nîmes.